L’Heure bleue

J’avoue que j’hésite un peu à donner mon avis alors que ça tire de tous les cotés et que je me vois dans l’obligation si je veux rester honnête de faire ce que certains (certaines) détestent : parler de Proust. (un de mes auteurs préférés, mais passons)

Pour moi, l’heure bleue est entièrement une un personnage de La Recherche…
Ce Guerlain, c’est Madame Swann au moment ou le narrateur va lui rendre visite. Il y a la lumière dorée qui entre par les fenêtres à l’heure du thé et caresse les meubles bien cirés, les fleurs dans les jardinières, les gâteaux à la vanille, l’élégance bourgeoise et vaporeuse de Mme Swann et le parfum de sa poudre de riz. Tout Guerlain est la : élégant, de bon ton, gourmand, bourgeois et respectable mais aussi ancienne cocotte avec un petit quelque chose de pas net et de troublant.
Je l’ai découvert il y a longtemps sous forme d’extrait et la note meubles bien cirés était plus présente mais je la sens toujours autant. (magie du souvenir) Actuellement, je le redécouvre en eau de parfum : on dirait qu’il a été nettoyé, qu’il est plus clair. Sa grâce est plus évidente et je préfère cette version, peut-être plus jeune, moins riche, etc mais qui ne lui nuit pas. (le flacon a trois ans, je ne sais ce qu’il s’est passé depuis chez LVMH)

C’est une merveille, un parfum à porter à l’intérieur, dans l’intimité ou juste à posséder pour pouvoir le sniffer à l’occasion et rêver. Dans la rue, oui, il est peut-être un peu déplacé comme le serait une de ces rédactrices de mode qui refusent de porter des collants même en hiver . Mais c’est extrêmement généreux d’en faire profiter les autres, alors, faite un geste et laissez nous sentir son merveilleux sillage à la tenue irréprochable : le Bon Dieu vous le rendra sous forme de compliments.

Si je ne devais garder qu’un parfum... J’ai du mal à l’analyser, il y a bien ce coté "cire", que je trouve plus typé "encaustique" dans l’eau de parfum que dans l’extrait, où je sens davantage le coté "floral". Il y a quinze jours, j’ai fait chauffer du miel qui commençait à cristalliser, et il m’a évoqué avec force ce parfum que je porte régulièrement. Mais pas trop souvent, pour mieux le retrouver. Y compris sur les vêtements qu’il embaume, littéralement.

Si j’avais un double schizophrénique, ce dernier serait L’Heure Bleue.

Alors que je me promenais allégrement dans les rues bifurquantes de Paris, j’atteris (comme par hasard) sur les Champs-Elysées et mes pieds me font attérir (encore une action de la main de Dieu ?) face à la boutique Guerlain.
Ma première rencontre avec L’Heure Bleue s’est déroulée cette belle journée alors que le Soleil était encore à son firmament et qu’il tapait fort sur nos petites têtes.
C’était à l’époque où je ne connaissais pas aussi bien qu’aujourd’hui la marque, et ce parfum fut l’un des déclencheurs de ma fougue pour la parfumerie. Tout d’abord ce fut le nom qui m’a attiré vers cette bouteille arrondi, aux antipodes des flacons kitsch que l’on trouve chez Séphora et les autres. Cet aspect lisse, épuré en même temps mais gardant l’arrondi et ornant tout de même un coeur (une sorte de Chamade avant l’heure).
Bref, les pschit fatidiques ne se déclenchèrent dans les secondes suivantes.

Si je vous dit "Et là, toute la magie opère", ça fait métaphore de base employé par un vulgaire ado de base dans le cas d’une critique de base.

Non.

La réaction fut directemet la création d’une véritable entité. Elle m’a d’abord évoqué un après-midi d’été avec la famille, elle étant la fragrance qui parlait avec de véritables mots je vous le promet. L’été, la famille, l’après-midi. De fil en aiguille cette entité, mon "double schizophrénique" m’a sensuellement sussuré l’odeur de l’anis propre à ces moments où membres de la familles relatent autour d’un verre de pastis leurs vies respectives.
Ce dialogue entre moi et L’Heure Bleue s’est créé instinctivement entre mon nez et le parfum sans même que cela ne choquât (pas souvent qu’on emploie ce temps...) mon esprit carthésien.

Esprit qui lui-même est subjugué par l’Entité L’Heure Bleue. Elle me parle de l’enfance en tête mais évoque rapidement une foule de sentiments différents dans son coeur. Grâce à un mélange floral où je distingue une petite violette embaumé d’iris, mes sens s’éveillent et succombent alors entièrement.

Si avant je ne savais pas ce qu’était une crise de folie, maintenant je ne puis répondre affirmativement à cette question. Le côté poudré si intense du parfum m’a fait complétement tombé. Je me voyais enveloppé d’un châle lavande, fier, lumineux. L’iris embaume toute vie alentour. Je suis plongé dans ce champs de verdure (où coule une rivière ;) comme ne pouvant me détacher de cette imensité. L’Entité m’a engorgé dans ses plus profond méandre. Je suis une petite chose insignifiante dans une fente d’un meuble en chène. Et là, c’est là que je vois ce Soleil qui disparaît mais ce jour qui résiste. Cette Heure Bleue si pénétrante, moi qui ne suis rien dans la force tranquille du chêne, aux côtés d’un vieux rouge à lèvre à l’odeur entêtante poudré, ne parlant qu’à moi-même, plutôt à cette Entité.

L’Heure Bleue est le parfum m’ayant fait plongé dans ma plus forte émotion olfactive, m’ayant révélé une nouvelle partie de moi-même. Depuis, il fait partie de moi mentalement. Il est mon Entité à moi.

Ah, j’ai oublié de préciser qu’il s’agissait de l’eau de toilette (l’eau de parfum n’avait pas de testeur, et l’extrait, qui était pour ainsi dire aussi protégé que la Joconde au Louvres, n’en a jamais de toute façon). En tout cas, pour ce qui est de l’association, je peux vous dire que je ne sais pas moi même d’où j’ai pu m’en inspirer puisque ma grand mère n’était pas du genre à faire des soupes, n’avait pas de jardin, ni même de table en formica lol...Pourtant je suis déjà allé dans un endroit pareil (reste à savoir quand !).

Plus sérieusement, je pense que, comme vous le dites Jeannes (et comme vous le dites aussi Julita mais de façon implicite) ça doit être une question de génération. J’ai découvert le monde des parfums l’année dernière, donc il y a forcément pas mal de subtilités qui m’échappent. Mais j’ai encore l’Heure Bleue sur mon poignet, et l’odeur reste vraiment délicieuse (les notes de fond, celles qui me font penser à la soupe). Il y a juste une longue attente à patienter...Mais d’un côté ça rend la note de fond encore plus précieuse ! J’imagine, comme vous le dites Julita, que ce parfum me plaira certainement plus tard, avec un peu d’expérience. Vivement !

Phoebus, je vous mets 4 étoiles pour votre description car m^me si je ne la partage pas, j’avoue que vous avez une belle plume originale !!!

Si je peux me permettre , réessayez dans qq temps , il m’a fallu même plusieurs années avant de le comprendre, ce parfum, et subitement , ça y était, j’ai eu une illumination et tout s’est auréolé de bleu autour de moi ...
Avant je sentais en lui l’OCédar et la vieille grand-mère d’une autre époque (avec tout mon respect) et désormais , il est précieux, fragile , il faut le saisir au vol .Ce parfum m’emplit d’une INTENSE émotion , à m’en mettre les larmes aux yeux . Je ne le porte jamais à la légère mais comme un sacre pourrais-je dire . Il me fait penser à un pull angora doux et bleu dans lequel je me love pour rechercher toute la tendresse , l’affection , la douceur .....Il est symbole de romantisme, de délicatesse ..

Il faut lui laisser le temps d’évoluer effectivement .

Et j’aime aussi penser que des dames élégantes d’un autre siècle le portaient déjà ...

Je l’aime dans toutes ses concentrations .

Je crois bien que, sans auparfum et les 4 étoiles que lui ont accordé un peu plus de 70 internautes, je n’aurais jamais eu la curiosité de sentir l’Heure Bleue, ce petit testeur qu’on est obligé de se coucher à plat ventre au sol pour pouvoir l’attrapper dans les étagères de Sephora. Heureusement que c’est propre, par terre, chez eux. Enfin bref, j’ai regardé d’un air dubitatif ce petit flacon à l’ancienne, qui ne paie pas de mine, comme ça, mais j’avais paradoxalement l’impression de tenir quelque chose d’intemporel entre les doigts (d’ailleurs, l’Heure Bleue sera centenaire dans 2 ans !). J’ai d’abord testé sur mouillette et...j’ai trouvé ça écœurant. Bon, deuxième chance : sur le poignet. Là encore je suis déçu, bien que l’odeur était tout de même plus supportable. Ca ne m’a pas inspiré cette fameuse "heure bleue", ou le soleil est là sans l’être vraiment, où tout se nimbe en quelque chose de bleuté. Ca m’a inspiré quelque chose de beaucoup moins noble, en fait ; j’avais la vision d’un vieux fauteuil poussiéreux à l’ancienne, dans un salon sombre et feutré, avec un épais tapis au sol, et une cheminée, où rougeoient encore un peu le restant des cendres. Mais l’odeur était tellement forte que je ne pouvais pas la respirer bien longtemps avant de m’en détourner. Et sur le coup, je me suis demandé quel genre de personne pouvait porter ça, que ce soit aujourd’hui où en 1912. J’ai donc délaissé mon poignet, passablement déçu de ne pas avoir su comprendre une légende vivante, et puis j’ai ressentis mon poignet il y a cinq minute, et là j’ai percuté. La vieille dame, dans son salon feutré, a enlevé son manteau de fourrure poussiéreuse pour enfiler un tablier de cuisine, très tôt dans la matinée. Elle est sortie dehors, dans son potager (l’air est plus frais et la lumière est bleue) pour aller chercher des poireaux, quelques carottes et un potiron. Elle prépare une soupe fait maison dans sa cuisine (tapisserie aux vieux motifs floraux, mobilier en chaine massif, petite table en formica imitation boix)...En fait, dans les notes de fond, ça sent la mamie qui cuisine toute la matinée parce que ses petits enfants vont passer la voir sur l’heure de midi. Du coup, je ne sais pas trop quoi penser de ce parfum...J’imagine que, si moi je le portais, je ne me supporterais plus les trois quart de la journée, et seulement le soir venu je pourrais profiter des chaleureuses notes de fond. Donc je lui met deux étoiles !

Merci à Zab,Tambourine et Julita pour leur bons conseils...Je vais donc partir à la recherche de"Bal" et tenter de sentir "Vol" et Dioressence". Ma peau s’est vraisemblablement asséchée avec l’âge mais je pense aussi -comme vous Julita- que les parfums ont perdu en qualité.Je vous tiendrai au courrant de mes trouvailles et encore un GRAND merci !

Les cheveux ,aussi , retiennent très bien le parfum .
De toute façon , il est évident que ces parfums ont perdu en qualité et donc en tenue ......

Pour moi , c’est flagrant avec SHALIMAR !!!!!

en effet bal à versailles est dans la même lignée ue l’heure bleue, pour son côté poudré et riche en matières premières... il se vend au printemps et sinon on en trouve aisément sur ebay...

habanita est également unoriental poudré très tenace...

peut-être que c’est votre peau qui a changé, il paraît que les peaux sèches retiennent moins bien le parfum, peut-être votre peau s’est elle asséchée ?

sinon vaporiser sur les vêtements est également une solution : de l’extrait de l’heure bleue sur les points de pulsation, et de l’edt sur les vêtements pour le sillage...

Merci ,chère Jeanne , pour votre sympathique et ...rapide réponse.J’ai malheureusement essayé l’extrait de parfum sans grande satisfaction.On me dit de laisser "vieillir" le flacon acheté ,au sombre, pendant quques mois...je veux bien mais au fond,je me demande si la qualité des essences utilisées est restée la même...pardon...y compris chez Guerlain !En fait ce que j’adore ds l’Heure (comme ds Shalimar) c’est ce sillage poudré qui m’entourait depuis 25 bonnes années...Ma mère (83 ans) porte depuis...toujours Yuth Dew d’Estée Lauder et on la suit au nez aussi:c’est trés agréable.Je vais commencer ma recherche du Graal !Que pensez vous de JOY ,White Linen ? J’ai "essayé " Lutens:je ne comprends pas ces odeurs -ça ne sent pas mauvais mais une bonne choucroute non plus...-
Quant à Habanita c’est le parfum de l’ex femme de mon mari et il ne l’aime pas du tout...ce parfum ;-) .
Bien à vous !