Histoire de parfumeurs : Paul Vacher, le parfum au-delà du luxe
par Jessica Mignot - Olivier R.P. David, le 5 septembre 2022
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Parfumeur pour Lanvin, Le Galion et Christian Dior notamment, Paul Vacher a signé ou co-signé de nombreuses compositions qui ont perduré à travers le temps et dessinent encore les racines de notre paysage olfactif.
Fils d’Henri Vacher, liquidateur judiciaire, et d’Anna Marteau, Paul Joseph Eugène Vacher naît le 19 février 1902 au domicile familial, rue du Luxembourg dans le 6e arrondissement parisien. Ayant perdu sa mère à trois ans, il étudie au collège du Bon-Secours à Jersey en Angleterre, puis au Lycée Sainte-Geneviève à Versailles où il obtient un baccalauréat scientifique. En 1921, il intègre l’Ecole Supérieure de Chimie de Mulhouse, où il côtoie Yves Lanvin, qui lui présente sa tante Jeanne. Il obtient son diplôme d’ingénieur chimiste en 1925 et fait ses premiers pas en parfumerie chez Marcel Guerlain (qui n’appartiendrait pas à la famille célèbre).
Il intègre ensuite la société Lanvin, dont il est nommé directeur technique et parfumeur dès 1927. Quelques fragrances existent déjà, attribuées à la mystérieuse Madame Zède qu’il affirme n’avoir pas connue. Selon lui, « ces mixtures étaient absolument médiocres et ne se vendaient pas », à l’exception de My Sin (Mon Péché) aux États-Unis, qu’il qualifie de « peu tenace et peu stable, car il était composé presque exclusivement de matières premières synthétiques ». [1] Il s’emploie donc à le retravailler et il aurait alors été réédité sous le nom de Lost Soul / L’Âme perdue (qui a un homonyme chez Le Galion). Ses laboratoires sont installés au 2, rue de Suresnes à Nanterre.
En 1927, il crée Arpège avec son assistant, le parfumeur André Fraysse. À sa découverte, Marie-Blanche de Polignac, musicienne et fille de Jeanne Lanvin, se serait écrié : « On dirait un arpège ! », ce qui aurait conféré son nom à l’œuvre. Jacques Fraysse explique que « La création de tels parfums avait été rendue possible par une percée dans la recherche chimique, qui permettait la reconstitution des notes de muguet et de lilas ne pouvant être extraites à l’aide de solvants volatils ». [2] À la suite sortiront Rumeur, Scandal et Eau de Lanvin. Mais en 1935, un procès l’oppose à la maison, à propos du fond des ventes de parfums dont les comptes auraient été faussés.
Il le gagne en novembre, quitte la société et rachète l’année suivante au Prince Murat la marque Le Galion, qui sera installée au 50, boulevard Victor Hugo à Neuilly-sur-Seine. Sortilège est la première composition qu’il y signe en 1936, puis Bourrasque, Iris, Tubéreuse et Brumes verront le jour.
Le 29 novembre 1939, il épouse Anne-Marie Rogeron, avec qui il aura trois filles. Il vivent alors au 36, avenue Hoche dans le 16e arrondissement. Pendant la guerre, le parfumeur est mobilisé à la 22e section d’infirmerie militaire.
En 1947, sous l’impulsion de son ami Serge Heftler-Louiche – à qui Christian Dior avait confié la direction artistique du parfum – , Paul Vacher devient également créateur pour Dior dont il cosigne le premier parfum avec Jean Carles. Inspirée du Chypre de Coty, Miss Dior est considérée comme l’une des compositions qui représentent le mieux le style du parfumeur, défini par « des formules très complexes et à tiroir, remplies de spécialités et de bases personnelles » selon sa fille Dominique De Urresti, avec notamment la Corional 3975 et le Sylvanol 3979, bases produites par la maison Roure (Givaudan de nos jours). C’est un immense succès. Le mois suivant, la Maison Parfums Dior est fondée.
Paul Vacher continue parallèlement à nourrir sa propre marque, avec la même année Special for Gentlemen, puis Lily of the Valley, La Rose, Snob ou encore Whip. En 1959, il est l’auteur de Celui et de Kalispera pour les Parfums Jean Dessès et est admis membre du Conseil de la Société Française Elizabeth Arden. Une profusion créative qui n’échappe pas aux yeux du monde, puisqu’en 1963, Paul Vacher est promu chevalier de la Légion d’honneur. La même année sort également Diorling, sous la direction cette fois de la femme de Serge Heftler-Louiche, Janine Rosambert.
Il signe encore pour Le Galion la Cologne extra vieille, Galion d’or, Vétyver et enfin en 1972 l’Eau noble. Pour Paul Vacher, « le parfum n’est pas, comme on le croit trop souvent, un simple produit de luxe. Le parfum est un personnage invisible qui intervient dans la vie des hommes (femmes comprises) pour y apporter des agréments indéfinissables. Y créer ces “moments” où le gris devient azur et le noir se transforme en lumière par un mécanisme que la science n’a pas encore pénétré, mais que les peuples très anciens avaient découvert ». [3]
Il prend sa retraite en 1975, laissant sa marque aux mains de sa fille, et s’éteint quelques mois plus tard, le 12 novembre, à son domicile du 129, avenue de Malakoff.
Parfumographie non exhaustive
Arpège, Lanvin, 1927
Scandal, Lanvin, 1931
Rumeur, Lanvin, 1932
Eau de Lanvin, Lanvin, 1933
Sortilège, Le Galion, 1936
Bourrasque, Iris, Tubéreuse, Le Galion, 1937
Brumes, Le Galion, 1938
Special for Gentlemen, Le Galion ; Miss Dior, Christian Dior, 1947
Lily of the Valley, La Rose, Le Galion, 1950
Snob (Cub aux USA), Le Galion, 1952
Whip, Le Galion, 1953
Celui, Parfums Jean Dessès, 1959
Diorling, Christian Dior, 1963
Kalispera, Parfums Jean Dessès, 1965
Cologne extra vieille, Noël 67 (édition limitée, ressortie l’année suivante sous le nom de Galion d’or), Le Galion, 1967
Vétyver, Le Galion, 1968
Eau noble, Le Galion, 1972
Et vous, quel est votre parfum préféré de Paul Vacher ?
Bibliographie indicative
Archives nationales
Michael Edwards, Perfume Legends II - French Feminine Fragrances, Emphase
Elisabeth de Feydeau, Dictionnaire amoureux du parfum, Plon
Visuel principal : Jours de France n°496, 1964
Visuel publicité Lanvin : Pinterest
Visuel publicité Miss Dior : Pinimg
[1] Paul Vacher, « L’affaire My Sin », (Paris, 1935), pp. 1-2 ; cité par M. Edwards, Perfume Legends II - French Feminine Fragrances, p. 62
[2] Michael Edwards, Perfume Legends II - French Feminine Fragrances, p.64
[3] « Un Grand parfumeur chez lui : Paul Vacher », Jours de France n°496, 1964
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