Histoire de parfumeurs : Robert Bienaimé, scientifique investi
par Jessica Mignot, le 22 août 2022
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Chimiste de formation, c’est en rencontrant Paul Parquet que Robert Bienaimé devient parfumeur pour la société Houbigant. S’il a été très actif pour le développement de l’industrie, son nom est pourtant aujourd’hui peu cité.
Fils d’architecte, Robert Bienaimé naît à Paris en 1876. Il fait ses études au collège Lavoisier puis entre en 1892 à l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris et obtient un diplôme d’ingénieur chimiste en 1895. Il obtient ensuite le poste de sous-directeur à la Société des cirages français.
Mais sa vie prend une nouvelle trajectoire lorsqu’en 1909 il est présenté à Paul Parquet, parfumeur et copropriétaire de Houbigant qui prend une ampleur considérable : à ce titre, collaborer avec un chimiste de formation semble indispensable au moment où apparaissent les matières synthétiques. Mais, selon ses propres mots, ce n’est pas l’essentiel de la création olfactive : « Composer un parfum est une manifestation d’art plus encore qu’un travail scientifique ; composer un parfum c’est, avec les éléments odorants, créer une œuvre analogue au tableau du peintre avec les couleurs, à la phrase harmonieuse du compositeur avec les notes. Avec la gamme des odeurs, on crée des harmonies heureuses quand on sait les employer selon les lois immuables, avec elles aussi on peut n’obtenir que d’affreuses dissonances si l’on ignore leur secret », écrit-il. [1]
En 1912, Robert Bienaimé crée Quelques fleurs : l’une des premières compositions multi-florales contenant des aldéhydes et qui sera le grand succès de la marque, avec « son accord lilas novateur, mêlé à la note aldéhydée, qui confère un effet si moderne au parfum » selon le parfumeur Guy Robert. [2]
Il est mobilisé en 1914, et au décès de Paul Parquet en 1916, il devient co-associé de la société, puis président, et emploie d’anciens camarades pour l’aider. Il développe également des entreprises de verrerie, de cartonnage, une savonnerie et un laboratoire de recherches pour développer de nouvelles matières premières et arômes synthétiques. Influencée par ce double travail de création et de recherche, « l’œuvre de Robert Bienaimé peut se résumer par un sens artistique d’élégance raffinée, mêlée à un esprit scientifique passionnément épris de progrès » [3], selon le parfumeur Marcel Billot.
Il tient également une place importante dans un grand nombre de comités et organisations, ce qui démontre son investissement dans l’activité à la fois industrielle, économique et politique. Il est à plusieurs reprises élu président du Syndicat national de la parfumerie française, mais aussi directeur du Comité d’organisation spécial pour la parfumerie, vice-président de la Société des amis de la maison de la chimie, président de la Société de chimie industrielle à partir de 1943, président du Centre d’hygiène infantile de la Fondation Paul Parquet, conseiller du Commerce extérieur de la France, président du Comité d’action et d’expansion économique, président d’honneur de l’Institut de commerce international, officier de la Légion d’honneur de l’aviation civile en 1952, et enfin adjoint au maire de Neuilly-sur-Seine. C’est ici que Robert Bienaimé vit, au 3 rue Devès en compagnie de sa femme professeure de chant.
Suite à des désaccords au sein de la société, il quitte Houbigant en 1929, et fonde en 1935 la marque de produits cosmétiques Robel et la parfumerie Bienaimé, aujourd’hui relancée. Il compose pour celle-ci quatre premières créations : Éveil, Fleurs d’été, La Vie en fleurs, Vermeil. D’autres suivront, mais la maison ne survivra pas à son décès en 1960 des suites d’une maladie.
Parfumographie non exhaustive
Quelques fleurs, Houbigant, 1912
Subtilité, Mon boudoir, Un peu d’ambre, Houbigant, 1919
Le Temps des lilas, Houbigant, 1922
Au matin, Houbigant, 1923
Éveil, Fleurs d’été, La vie en fleurs, Vermeil, Bienaimé, 1935
Jours heureux, Enfin seuls, Bienaimé, 1949
Et vous, quel est votre parfum préféré de Robert Bienaimé ?
Bibliographie indicative
Archives nationales
M. Billot, Bulletin de l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielle de Paris, n° 20 novembre - décembre 1960, pp. 23-25
Michael Edwards, Perfume Legends II - French Feminine Fragrances, Emphase
Visuel principal : commons.wikimedia.org
Visuel publicité Quelques fleurs : pinterest.fr
[1] Robert Bienaimé, préface à La parfumerie française à l’exposition des arts décoratifs de 1925
[2] Michael Edwards, Perfume Legends II - French Feminine Fragrances, p. 42
[3] M. Billot, Bulletin de l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielle de Paris, n°20, novembre-décembre 1960, pp. 23-25
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