Histoire de parfumeurs : Jean Carles, Grassois pédagogue
par Jessica Mignot, le 29 août 2022
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Grand parfumeur mais également grand professeur, Jean Carles a marqué l’histoire de la parfumerie notamment par ses apports pédagogiques et institutionnels.
Fils d’un coiffeur, Jean Marius Pierre Carles est né à Grasse le 12 janvier 1892. À 18 ans, il entre chez Roure Bertrand Dupont (aujourd’hui Givaudan) dont il devient par la suite parfumeur en chef. Spécialisé sur le marché espagnol et sud-américain, il rencontre Javier Serra qui, ayant tout juste fondé sa société espagnole Dana, lui demande en 1931 de composer selon la légende « un parfum de puta ». Pour le critique Luca Turin, Tabu est un « accord prodigieux, [...] tonitruant, contenant toutes les notes connues par l’homme en 1932 » [1]. Peu connu aujourd’hui, il inspirera certainement de nombreux autres parfums, comme le souligne le fils de son créateur, Marcel : « Ce n’est pas un hasard si Opium a été créé chez Roure, car il découle de l’accord patchouli-carnation du Tabu de mon père ». [2]
En 1936, il se marie avec Félicie Joséphine Chiapello, commerçante, fille d’un couple de boulangers grassois d’origine piémontaise. En 1946, il signe Ma Griffe de Carven, qui selon Luca Turin a été composé alors que le parfumeur avait perdu l’odorat. [3] La même année, il fonde l’école de parfumerie de l’usine Roure : il est alors le premier parfumeur à proposer une méthodologie d’apprentissage formelle, celle de « l’étude olfactive par contraste », dont il détaille les principes dans un texte posthume, intitulé « Ma méthode de création en parfumerie ». Celle-ci passe par un entraînement quotidien de la mémoire olfactive et la classification des différents éléments selon trois catégories, en fonction de leur volatilité : les produits de tête, les modificateurs des produits de base, et les produits de base. Cette distinction a donné naissance à la désormais fameuse tripartition entre notes de tête, de cœur et de fond ; elle détermine également l’ordre d’écriture de la formule. Car pour Jean Carles, le parfum doit pouvoir se concevoir intellectuellement avant d’être créé matériellement, permettant un gain de temps et d’énergie essentiel. Il affirme en effet que sa méthode « annule presque la difficulté de la création » ; elle permet en effet de construire de nouvelles compositions à partir de bases « très simple[s], contenant environ huit produits, et qui nous donne[nt] un parfum très acceptable », auxquelles on ajoute ensuite des éléments nouveaux, afin d’obtenir une composition finalement inédite. Pour autant, le parfumeur reste selon lui un artiste, et l’originalité d’une création dépend de qualités innées que sont « l’enthousiasme, la joie de vivre et de créer, et l’amour du métier ». En 1947, il compose Miss Dior avec Paul Vacher. Surnommé « Mr Nose » en Amérique du Nord, il a probablement cocomposé beaucoup d’autres parfums, ayant collaboré avec Balenciaga, Dior, Balmain et de nombreuses grandes maisons. Il s’éteint le 8 juillet 1966 à Grasse.
Créations
Tabu, Dana, 1931/1932
Emir, Canoë de Dana, 1935
Indiscret, Lucien Lelong, 1936
Shocking, Schiaparelli, 1937
Agua Lavanda, Puig ; Tailspin, Lucien Lelong, 1940
Bizarre, Piguet, 1945
Ma Griffe, Carven, 1946
Miss Dior, Dior, avec Paul Vacher, 1947
Et vous, quel est votre parfum préféré de Jean Carles ?
Ressources
Archives nationales
Jean Carles - Perfumery : Training the Nose
Michael Edwards, Perfume Legends II - French Feminine Fragrances, Emphase
Givaudan, Une odyssée des arômes et des parfums, La Martinière
Luca Turin, Perfumes : The A-Z Guide, Penguin Books
Visuel principal : fraguru.com
Visuel publicité The « forbidden » perfume by Dana : pinterest.fr
[1] Luca Turin, Perfumes : The A-Z Guide
[2] Michael Edwards, Perfume Legends II - French Feminine Fragrances, p.185
[3] Luca Turin, Perfumes : The A-Z Guide
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