Auparfum

Histoire de parfumeurs : Madame Zède, mystérieuse parfumeuse

par Jessica Mignot, le 2 septembre 2022

Mythe ou réalité oubliée, l’histoire manquante de celle que l’on a appelée « Madame Z » prend tout de même sa place dans notre dossier, pour témoigner en creux de la position des femmes dans un métier longtemps réservé aux hommes.

On sait bien peu de choses de Madame Zède, jusqu’à ignorer l’orthographe de son nom, avec ou sans le e final, jusqu’à être parfois réduit à la dernière lettre de l’alphabet – comme la signature d’un célèbre personnage de Johnston McCulley, mais dont on se demande ici si le quasi anonymat est souhaité ou subi.
Certains ont parlé d’un mythe, d’autres d’une émigrée russe. Pour que sa réalité devienne plus concrète, il faut attendre l’article d’Octavian Coifan, sur son blog 1000fragrances (aujourd’hui disparu), publiant un bon de commande de matières premières, document officiel de Lanvin datant de 1923 et écrit par cette « Maria Zède » dont les bureaux se situent au 13, rue Castiglione à Paris.

Lorsque Paul Vacher – accompagné d’André Fraysse – prend les rênes de la composition chez Lanvin en 1927, la quinzaine de fragrances qui existe déjà aurait été signée par « Madame Marie Zède, [...] une comtesse russe qu’[il] n’a pas connu, et qui aurait créé, selon les dires, les premiers mélanges que l’on retrouvait sous le nom de Parfums Jeanne Lanvin ». [1] Il affirme aussi que ces parfums étaient « composés presque uniquement de matières premières synthétiques ».

Aussi étonnant que cela puisse paraître, on ne trouve pas de trace de cette comtesse ; une certaine Louise Marie Henriette Zédé, comtesse de La Roche Kerandraon, née au Château de Courbevoie en 1864 et décédée en 1952, aurait éventuellement pu correspondre ; mais elle n’a visiblement pas d’origines russes et rien n’indique non plus qu’elle eût été parfumeuse.

Madame Zède aurait été employée par la société Gabilla, qui taisait les noms de ses parfumeurs, les laissant ainsi dans l’oubli. Mais l’une de ses créations, Mon Péché (My Sin sur le marché anglophone), retravaillée ensuite par Paul Vacher, maintient sa légende vivante, ou presque : après sa suppression du catalogue en 1988, les collectionneurs la guettent sur les sites de vente d’occasion, et le relancement récent de la marque ne reprend hélas que le nom. On peut cependant sentir à l’Osmothèque, à Versailles, ce floral animal aldéhydé inclassable, à la fois propre et sale, qui témoigne d’une époque pas si révolue où les parfumeurs, et plus encore les femmes, demeuraient effacés aux yeux du monde. On aimerait d’autant plus que leur œuvre ne le soit pas.

Parfumographie non exhaustive
Chez Lanvin :
Niv Nal
Irisé
Kara Djenoun
Le Sillon
Le Chypre
Comme-ci, Comme-ça
Lajea
J’en raffole
La Dogaresse
Où Fleurit L’oranger
Géranium d’Espagne
Après Sport
Cross-Country
My Sin / Mon péché

Et vous, avez-vous eu l’occasion de sentir des créations de Madame Zède ?

Bibliographie indicative
https://lanvinperfumes.blogspot.com/p/history.html
http://www.perfumeprojects.com/museum/marketers/Lanvin.shtml
Michael Edwards, Perfume Legends II - French Feminine Fragrances, Emphase

Visuel principal : pinterest.fr
Visuel publicité My Sin de Lanvin : thenonblonde.com
Document Lanvin signé par Marie Zède, photo d’Octavian Coifan

[1Paul Vacher, L’affaire « My Sin », (Paris, 1935), pp. 1-,2, cité par Michael Edwards, Perfume Legends II, French Feminine Fragrances, p. 62

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Farnesiano

par Farnesiano, le 3 septembre 2022 à 15:29

Fort intéressante, cette série Histoire des parfumeurs. Merci à Auparfum pour la recherche et les précisions historiques, l’abondance de documents... Un vrai plaisir de lecture.
Du côté féminin, on attend avec impatience les pages sur Germaine Cellier dont toutes les créations m’enchantent : depuis Bandit, Jolie Madame, Monsieur Balmain (fabuleux citronné !), Miss Balmain, jusqu’à Fracas et surtout Vent Vert, l’original s’entend. Mais que reste-t-il de ce merveilleux héritage ? Soupir...

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