Parfums, livres, événements : le top 2022 de la rédaction

Si en 2022 nos nez ont pu butiner avec plus de liberté que les précédentes années marquées par la pandémie de Covid-19, diverses pénuries, hausses de prix et difficultés d’approvisionnements ont fragilisé certaines marques. Mais les ventes de la parfumerie sélective restent cependant toujours en hausse croissante, cent ans après la naissance du N°22 de Chanel et de Nuit de Noël de Caron, et trente ans après Féminité du bois, Angel de Mugler – qui a ouvert la tendance encore actuelle des gourmands –, et L’Eau d’Issey, qui a perdu en août dernier son directeur artistique, le couturier Issey Miyake.

Côté parfums, peu de lancements cependant ont fait l’unanimité au sein de la rédaction, mais quelques créations émergent cependant de la traînée de bois ambrés qui emporte tout sur son passage.
Les volutes lactées de Milky Dragon d’Isabelle Larignon ont fait frémir de plaisir nos narines, mais aussi le singulier Oud khôl de Thierry Wasser chez Guerlain, le racinaire Vétiver Bourbon signé Marc-Antoine Corticchiato pour sa marque Parfum d’empire, la douce Infusion de vanille de Prada tissée par Daniela Andrier, le patchouli salé de Dance of the Dawn d’Emilie Coppermann (Symrise) pour The Different Company, l’élégant Bois dormant de Céline ou encore une belle déclinaison du chef-d’œuvre Déclaration avec sa version Haute fraîcheur chez Cartier offerte par Mathilde Laurent. Sortie en catimini en cette fin d’année, L’Eau des immortels de Voyages imaginaires, brillamment orchestrée par Camille Goutal et Isabelle Doyen, est directement entrée dans ce top. Le relancement de Farnesiana (et de Tabac blond !) chez Caron nous permet aussi de remettre en avant cette sublime composition que l’on doit à l’origine à Michel Morsetti, dans une version actuelle superbement exécutée par Jean Jacques.

On souligne également la cohérence de certaines collections particulièrement réussies, notamment celle du « Potager » de l’Artisan parfumeur, avec une mention spéciale pour Vétiver écarlate, Cédrat céruse et Iris de gris, tous trois signés Quentin Bisch (Givaudan). Chez Kenzo, la collection Memori a aussi fait preuve d’une cohérence et d’une justesse qu’illustre particulièrement le joli Soleil thé composé par Jérôme di Marino. Mais n’oublions pas non plus celle des « Simples » chez Roos & Roos avec le bien nommé Bel absinthe de Fabrice Pellegrin, et les trois parfums « historiques » d’Astier de Villatte, réinterprétation de créations anciennes par le travail conjoint de Dominique Ropion (IFF) et de l’historienne Annick le Guérer.

Et puisque la tendance est à la réhabilitation de nos intérieurs retrouvés lors du télétravail, évoquons aussi notre top trois des bougies que nous avons particulièrement appréciées lors de notre état des lieux de fin d’année : Cette nuit-là de Fragonard, Cannelle ardente de Récoltes – signée Suzy le Helley (Symrise) – et 21:30 Sous les draps, composée par Vincent Ricord chez D’Orsay.
Mention spéciale pour la Citrouille de Diptyque, une très belle édition limitée désormais indisponible mais que l’on espère voir revenir l’an prochain !

Poursuivant sur la lancée de 2021, les événements olfactifs se sont diversifiés, en écho peut-être à la remise en avant de l’odorat favorisée par une prise de conscience de ce qu’était l’anosmie. Différentes expositions à travers le monde ont directement intégré cette dimension, comme celles évoquées par Clara Muller pour le printemps et l’été 2022. L’exposition Mode & parfums, conçue par Nez en partenariat avec L’Institut Français de Phnom Penh, devrait quant à elle bientôt connaître de nouveaux horizons. D’autres approches artistiques, comme l’OSNI de Cartier ou encore le concert orchestré par Klaus Mäkelä et Francis Kurkdjian à la Philharmonie de Paris, constituent autant d’événements qui ont fait de l’odorat un vecteur de plaisir esthétique, n’en déplaise à Kant et ses pairs.

Les prises de parole se sont également multipliées. Pour le plus grand bonheur des passionnés, les conférences de l’Osmothèque ont pu reprendre en présentiel, avec un premier volet de colloque en juin autour de la thématique « Mémoire et parfum », qui sera bientôt disponible à l’écoute dans un podcast produit par Nez ; en septembre, c’est à l’Institut national d’histoire de l’art à Paris qu’a eu lieu la journée d’étude « Archéométrie des sens » ; en octobre, à Toulouse, le premier acte du colloque « Création-recherche en olfaction », organisé par Emilie Bonnard et Anne-Charlotte Baudequin, a montré la richesse intellectuelle que pouvait charrier ce cinquième sens.

La culture n’est pas en reste, avec notamment deux livres qui sont sortis du lot : Le Parfum des arbres de David G. Haskell (Flammarion, mai 2022), et sur un tout autre registre Les Accords olfactifs pour un monde meilleur de Christian Starkenmann (en autoédition). Sorti dans les salles fin août et désormais visible de chez soi, le film Les Cinq Diables, chroniqué par Alexis Toublanc, met à sa manière l’odorat à l’honneur.
Chez Nez, en dehors des deux numéros de la revue habituels – De près ou de loin et Musique & parfum – ont été publiés quatre nouveaux Cahiers des naturels Nez+LMR : Cannelle, Immortelle, Ylang-ylang et Mimosa. Mais aussi une nouvelle édition augmentée de De la plante à l’essence, Sentir le sens de Mathilde Laurent, Pot-pourri de Maïté Turonnet, et la toute fraîche Histoire de parfums de Yohan Cervi. D’ailleurs, Nez s’est vu remettre en juillet, non sans une grande fierté, le prix de la contribution à la culture olfactive des Art and Olfaction Awards, récompensant l’ensemble de son travail depuis 2016.

Et si vous êtes plutôt audiophile, vous trouverez sans doute votre bonheur sur notre chaîne Podcast by Nez : des grands entretiens avec des parfumeurs aux rencontres avec des fondateurs de marques, en passant par les coulisses de la création des parfums 1+1 ou les retransmissions des conférences que vous avez manquées, il y a de quoi occuper vos oreilles !

Mais l’année 2022 a également été riche en découvertes scientifiques. Mise en avant de l’importance de l’odorat chez les colibris par l’équipe de l’Université de Californie à Riverside (États-Unis), grillons capables de détecter les cellules cancéreuses par leur odeur selon une étude de la Michigan State University (États-Unis), nez électronique mis en place par le CHU de Lille permettant de sentir les cancers broncho-pulmonaires, parfum des roses expliqué par un virus à l’université de Saint-Etienne, ou encore greffe d’un nez sur une patiente atteinte d’un cancer des fosses nasales par les chirurgiens ORL du CHU de Toulouse et de l’Institut Claudius-Regaud grâce à une modélisation 3D.

Que peut-on se souhaiter pour 2023 ? Une meilleure santé mentale en humant les parfums de la nature, comme cela a été mis en avant par des chercheurs de l’université du Kent en Angleterre ? Une sauvegarde française de la lavande et de la tubéreuse, qui connaissent des difficultés de production dûes à la fois au réchauffement climatique et à la concurrence étrangère ? De longues balades dans le Jardin du parfumeur imaginé par Francis Kurkdjian à l’Orangerie de Châteauneuf – dans le parc du château de Versailles – dont l’ouverture est prévue ce printemps ?

Pour notre part, nous vous souhaitons d’être entourés des plus belles odeurs, créatives et inspirées.

Et vous, quels sont vos favoris et coups de cœur de l’année 2022 ?