Issey Miyake, une odyssée parfumée
par Anne-Sophie Hojlo, le 12 août 2022
Le styliste japonais est mort le 5 août, à l’âge de 84 ans. En mode comme en parfumerie, son œuvre aura été marquée par l’innovation. Retour sur trente ans de créations, entre bestsellers contribuant à façonner l’air du temps et ovnis parfois trop précurseurs.
Né le 22 avril 1938 à Hiroshima, Issey Miyake étudie les beaux-arts à Tokyo avant de s’installer dès 1965 à Paris, où il rejoint l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne. Après avoir travaillé pour Guy Laroche ou encore Givenchy, il est l’un des premiers créateurs de mode japonais à s’imposer dans la capitale française à partir des années 1970. Il connaît un succès international en employant des matériaux jamais vus jusqu’alors dans la mode (fil de fer, plastique, papier artisanal japonais, crin…), en proposant des vêtements composés d’une seule pièce de tissu ou en mettant au point une technique de plissé permanent pour sa ligne Pleats Please en 1993.
En 1992, sa mode originale et novatrice est transposée en parfum. N’appréciant guère les odeurs fortes, considérées comme intrusives au Japon, le créateur souhaite que la première composition qui porte son nom sente… l’eau. Née en 1990 avec New West for her d’Aramis, la tendance aquatique est encore à ses débuts. Mais la vaguelette va devenir tsunami avec L’Eau d’Issey. Jacques Cavallier-Belletrud y travaille la Calone, molécule à l’odeur ozonique, habillée de fruits d’eau et de notes poudrées et miellées, dans un floral aquatique au sillage finalement affirmé et identifiable qui marque l’époque.
Ce coup d’essai, qui s’avère un coup de maître, est transposé au rayon homme deux ans plus tard par le même parfumeur. Sans doute moins mémorable que son pendant féminin, L’Eau d’Issey pour homme joue à son tour sur une fraîcheur aquatique épurée, discrètement relevée de notes épicées et boisées.
Les performances commerciales de ces deux compositions ont suscité d’innombrables flankers et éditions limitées, parmi lesquels on peut notamment retenir L’Eau d’Issey Pure créée en 2016 par Dominique Ropion. On y retrouve l’accord original arrondi et réchauffé par des fleurs blanches et des effluves boisés de Cashméran.
En 1998, Issey Miyake prend un virage à 180 degrés pour son nouveau lancement : quoi de plus opposé à l’eau que les flammes ? Pour Le Feu d’Issey, il fait à nouveau appel à Jacques Cavallier-Belletrud. Mais les nuances épicées, rosées, lactées et boisées de cette composition ovni, peut-être arrivée quelques années trop tôt, déconcertent le public. Rapidement disparu, le parfum est devenu culte au fil des années pour les passionnés.
Le créateur puise à nouveau son inspiration dans les éléments pour A Scent en 2009. C’est cette fois Daphné Bugey qui est chargée de retranscrire l’odeur de l’air des montagnes au Japon. La parfumeuse opte pour les notes vertes et terreuses du galbanum, traitées en transparence, et qui se fondent dans un accord boisé chypré. S’il est salué comme un hommage vibrant aux grands floraux verts de l’histoire de la parfumerie, le parfum connaît également une carrière écourtée.
Peut-être échaudé par ces flops, Issey Miyake prend une direction plus consensuelle pour Pleats Please en 2012, un floral fruité évoquant la poire nashi signé Aurélien Guichard, et lui aussi disparu. S’inscrivant dans une veine masculine assez classique, Nuit d’Issey (2014) et Fusion d’Issey (2020) connaissent un destin plus favorable, qui va de pair avec l’apparition de flankers.
En 2021, le créateur revient finalement à la source de son succès avec A Drop d’Issey. Son flacon en forme de goutte d’eau renferme une jolie composition d’Ane Ayo autour d’un lilas délicatement amandé et musqué.
S’ils n’ont pas toujours rencontré le public, les parfums du styliste japonais se sont souvent démarqués par leur audace et par leur cohérence avec l’image de la marque. Et vous, quelles sont vos créations Issey Miyake préférées ?
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par gabichou, le 15 août 2022 à 15:42
Le Feu, souvent imité mais jamais égalé, que j’ai porté longtemps (tant qu’il a été disponible, en fait) . Heureusement, l’arrivée d’internet m’a permis d’en retrouver un gros flacon, que je porte encore de temps à autre, surtout en hiver.
Et A Scent, la 1e version (le flacon vert) que je porte plus à la belle saison, et dont l’odeur de jacinthe verte m’enchante à chaque fois que je le redécouvre.
par Sitosenti, le 12 août 2022 à 16:24
J’ai découvert tardivement cette merveille d’Issey Miyake "l’Eau". Je la porte depuis seulement un an avec le plaisir coupable d’un parfum en décalage total avec les parfums mainstream d’aujourd’hui qui se ressemblent tous un peu : fleuris/fruités/sucrés/musqués. Ce joli floral aquatique pas sucré pour un sou, tendre et romantique est une pure merveille. Il tient particulièrement bien malgré sa douceur, et laisse un sillage féminin et romantique à souhait. Je suis allée sentir "A Drop " et j’avoue le trouver, avec sa noté délicate de lilas, aussi très joli. Merci monsieur Miyake de rappeler que les parfums qui laissent un sillage nucléaire crient ou parlent fort. Les parfums bien élevés sont ceux qui murmurent ; ils ne prennent pas le risque d’incommoder ceux qui nous entourent.
par ParfumspKp, le 12 août 2022 à 16:02
L’eau d’Issey femme et homme sont indéniablement mes préférés. Et comme j’adore Jacques Cavallier-belletrud alors je suis comblé à chaque effluve de ces parfums mythiques
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Je suis une inconditionnelle de "A Scent" ! Je le trouve sur internet et j’espère que ce n’est pas près de s’arrêter... Je trouve que c’est un vert très floral (très jasmin !!) et c’est ce qui me séduit, sachant que l’alliance galbanum-jacinthe m’obsède depuis le Cristalle de mon enfance.
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