Mitsouko
Guerlain
Coup de cœur - Les Classiques
- Marque : Guerlain
- Année : 1919
- Créé par : Jacques Guerlain
- Genre : Féminin
- Famille : Chypre
- Style : Chic - Classique
Mousse à la pêche
par Jeanne Doré, le 21 décembre 2007
Mitsouko a été ma première rencontre avec les parfums chyprés, un choc olfactif et émotionnel qui a positionné depuis cette famille olfactive comme une des plus chères et précieuses à mon nez, encore aujourd’hui.
Mitsouko est un des précurseurs des chypres tels qu’on les connaît aujourd’hui, composés le plus souvent de mousse de chêne, de patchouli, de bergamote, de notes florales et boisées. Le premier chypre moderne est toutefois généralement attribué au Chypre de François Coty, car avant lui les compositions dénommées “Chypre” qui existaient étaient de simples accords de mousse de chêne et d’agrumes, lourds et terreux, quasiment importables. Coty a réussi à transformer cet accord et à le rendre subtil et portable en couvrant l’odeur de mousse avec du jasmin, et son parfum a ainsi donné le nom à cette famille.
Jacques Guerlain a en quelque sorte perfectionné cette première avancée en utilisant une grande quantité d’undecalactone, molécule à l’odeur fruitée et veloutée de pêche, qui a fait de Mitsouko un nouveau chypre, au caractère unique en son genre. D’une construction assez simple, bergamote en tête, rose, jasmin et pêche en cœur, mousse de chêne, cannelle, poivre et vétiver en fond, Mitsouko offre cependant une impression de richesse complexe et vibrante.
Il symbolise son époque à travers son nom, emprunté à l’héroïne du roman La bataille de Claude Farrère, qui répond à l’engouement du moment en Europe pour l’extrême-orient, mais également par son profil olfactif, qui marque un contraste avec les parfums floraux, doux et plus féminins d’avant guerre, comme L’Heure bleue, tandis que les chypres, caractérisés par une certaine dureté et masculinité, reflètent alors le nouveau positionnement social de la femme des années 20.
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par Octavian Coifan, le 3 janvier 2008 à 15:04
Pour le jasmin de Grasse il faudrait voir si le petit champ arrive a fournir tout le jasmin pour l’un des plus vendu parfums du monde, donc une quantité énorme !!!
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par NathalieB, le 3 janvier 2008 à 17:26
A ma connaissance le Jasmin de Grasse n’est utilisé que dans l’ extrait de Chanel 5, ce qui réduit quand même la quantité et reste ainsi (plus ou moins) plausible... J’ai cru comprendre que Chanel restait très à cheval sur la qualité et j’espère que cela va continuer ainsi...
par Octavian Coifan, le 2 janvier 2008 à 17:26
Mitsouko reformulé ... bien qu’on dise que c’est une reformulation bien réussi .... n’est plus le même. Le beau parfum de jadis, n’existe plus ! On peut opérer toute la magie de la chimie mais il n’est plus le même. Une ombre n’est qu’un spectre sans le corps réel bien voluptueux du parfum.
Est toujours au sujet des "directives" ... il y a aussi celles du LVMH - sans produits animaux. Faire des anciens Guerlains sans les teintures d’origine (musc, civette, etc) est comme un Kodak de Mona Lisa. La reproduction peut être bonne si on accepte le simulacre.
Guerlain - le fleuron de la parfumerie française existe dans le souvenir de ceux qui ont connu les beaux parfums du passé.
Tradition et modernité - une façon élegante de dire que les choses vraies ont à jamais changé.
Mitsouko - reste une belle idée, même reformulé... mais pour les generations futures c’est dommage qu’elles ne puissent jamais connaitre les originaux et ne vivent que de souvenirs impalpables ... et politically correct (exit animaux, exit autres ingredients, exit jasmin de grasse ....).
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par Aline et Valcour, le 3 janvier 2008 à 00:46
c ’est vrai, meme reformule ca reste un beau parfum, un monument de la parfumerie francaise qui merite encore d ’etre commercialise pour les nouvelles generations.
Octavian, le jus de mon Mitsouko en extrait vintage est le spectacle d ’un sublime brun caca d ’oie, la couleur est tres organique, le recent se situe entre le vert et le jaune, un effet plus synthetique et artificiel. il parait que seuls Chanel et Jean Patou auraient encore acces au jasmin de Grasse pour les extraits du No 5, de Joy et 1000. savez-vous depuis quand Guerlain a arrete d ’utiliser le jasmin de Grasse que Coco Chanel qualifiait de plus pur de tous les jasmins ?
par aktarus, le 5 août 2009 à 17:58
Politiquement correct, ne plus utiliser de matières animales dans la parfumerie ?!? Les bouquetins porteurs de musc apprécieront... Le synthétique n’est effectivement qu’une reproduction du naturel, mais regretter qu’on ne tue plus des animaux pour l’industrie de la parfumerie me semble insensé. Nous sommes amateurs de parfums, n’oublions pas qu’il s’agit d’un produit de luxe et de plaisir, merci. Je n’en porterais pas si j’avais ne serait-ce que le doute qu’il puisse y avoir encore du musc naturel dans les compositions.
par Aline et Valcour, le 30 décembre 2007 à 17:56
le plus beau et le plus important des parfums Guerlain. la parfumerie francaise ne serait plus la meme sans Mitsouko, on pourrait se passer de L ’Heure Bleue mais pas de Mitsouko.
que dire de plus ici, oui pour moi c ’est le parfum d ’une femme de caractere, une femme independante. je suis etonnee que personne n ’addresse la question de la reformulation de Mitsouko, Guerlain a choisit de suivre les directives de l ’Union Europeenne, finit le mousse de chene, ingredient majeur de la composition d ’un chypre. je possede deux extraits de Mitsouko dont un qui date du debut des annees 80, une merveille, le spectre des notes est plus elargi, les notes de fond comme le patchouli sont a la fois sombres, mysterieuses et radiantes contrairement aux versions plus recentes, moins complexes.
par PoisonFlower, le 29 décembre 2007 à 15:29
Je voulais juste ajouter que je trouve l’eau de toilette bien terne et plate par rapport à l’eau de parfum et l’extrait. Elle ne met en effet pas du tout en valeur les aspects les plus fascinants de Mitsouko, puisque ne faisant qu’effleurer sa note fruitée complexe, à la fois acide et confite, et son fond boisé et charnel qui le rendent encore de nos jours si unique (dérangeant, diront certain(e)s).
Le meilleur choix est à mon avis l’eau de parfum, qui me semble être aussi puissante et tenace que le parfum, même si peut-être un tout petit peu moins raffinée et subtile niveau sillage. Après tout, il faut bien qu’il reste quelques bonnes raisons qui justifient l’achat (coûteux) de l’extrait, hormis son flacon, superbement désuet et raffiné !
par S9, le 24 décembre 2007 à 14:41
Ca fait plaisir de voir à quel point un parfum peut nous transporter et éveiller en nous une foule de sensations, à en lire la critique de PoisonFlower.
Pour moi Mitsouko est avant tout lié à une personne, puisqu’elle ne portait que ce parfum, et il s’agit de mon ex-belle mère, 70 ans ! En tout cas ce parfum lui allait bien.
Mitsouko est pourtant hors temps, hors tendances.
C’est un parfum de caractère, en définitive pas si "féminin" que ça je trouve, et il ira aussi bien à une jeune fille qu’à une "dame".
Je l’ai acheté une fois il y a quelques années, mais du fait qu’il était déjà associé à une personne de mon entourage a fait que je ne me le suis pas approprié.
Je pense aussi qu’en définitive il ne me correspondait pas tant que ça. C’est un bon Guerlain, mais pas celui que je préfère.
En tout cas il a tout du grand parfum, celui qui peut ne plus nous quitter : le flacon, emprunté à celui de L’Heure Bleue, est superbe. Le nom a une certaine aura, il évoque la femme fatale ! (il signifie "mystère" en japonais) et la fragrance est facilement identifiable.
par PoisonFlower, le 23 décembre 2007 à 15:59
Ah, Mitsouko... J’ai tellement de choses à en dire que je ne sais par où commencer !
La première fois que je l’ai senti remonte à une dizaine d’années et je n’avais à l’époque pas encore beaucoup de références en matière de parfums. Ses notes de tête m’avaient ainsi rappelé le départ hespéridé, sucré et très épicé d’Opium, l’un de mes premiers grands chocs olfactifs. Ce qui n’est finalement pas dénué de sens, même si aujourd’hui elles m’évoquent davantage l’attaque tonique, toujours hespéridée et épicée, d’un autre Guerlain, Vétiver, qui partage en outre avec son glorieux aîné des notes sèches et boisées.
Il semble que les notes épicées dans ces deux Guerlain soient surtout présentes dans les notes de coeur et de fond. Il n’empêche qu’elles se font sentir presque immédiatement, juxtaposées avec brio aux notes fraîches et citronnées chères à la marque.
Dans Mitsouko, je sens surtout en tête la bergamote, juteuse, et une odeur montante de poivre et de clou de girofle, ainsi que déjà une note fruitée, mais en sourdine, le tout discrètement auréolé de la senteur florale et printanière du lilas (qui à mon sens est le seul ingrédient du parfum à lui à insuffler un peu de douceur et de féminité). Il me semble également sentir assez rapidement une odeur lisse, rappelant un peu celle de la fourrure, à la fois forte et en retrait, présente comme pour soutenir harmonieusement l’ensemble de la composition et perceptible tout au long de son évolution. Je retrouve également cette senteur dans d’autres Guerlain (Jicky et Shalimar en tête) et Arpège... Peut-être s’agit-il de la civette ?
Ensuite, la note fruitée dite de pêche apparaît véritablement. Personnellement, je perçois à la fois une note d’agrume trop mûr (type mandarine ou clémentine), quasiment acide, et une note confite abstraite avec des relents d’épices, plutôt qu’une odeur de pêche à proprement parler.
En fin d’évolution, on distingue bien sûr l’accord boisé, terreux, sec et enveloppant, propre aux chypres, qui est ici à mon sens marqué par le vétiver. Ce qui fait la particularité de Mitsouko tient pour moi au fait que cet accord est comme sali par une sorte d’odeur de... friture, qui fusionne littéralement avec celle de la peau et crée une alchimie aussi singulière que sensuelle, voire sexuelle. Je n’ai pas trouvé mieux que cette impression de friture, le terme est sans doute trop fort... Quoi qu’il en soit, je l’attribuerais personnellement à l’association finale de composants épicés et animalisés, avec peut-être aussi un soupçon de vanille.
Pour moi donc, le fond de Mitsouko en fait un véritable parfum d’alcôve, à porter à même la peau, près des points de pulsation, afin qu’il diffuse au mieux son aura de luxure... S’il se fait encore sentir au moment du coucher et que vous n’êtes pas seul(e), vous pouvez en effet compter sur ses vertus érotiques, pour ne pas dire aphrodisiaques, avant et/ou pendant le sommeil... :-P
En dehors du boudoir et de la chambre à coucher, je trouve que Mitsouko se porte idéalement lors d’une balade en forêt ou en ville, par temps très froid et sec, car il est merveilleux de le sentir flotter dans l’air automnal ou hivernal, tout juste réchauffé par un rayon de soleil.
Mitsouko me fait personnellement l’effet d’un parfum totalement anticonformiste et me semble être un contre-emploi autant sur un homme que sur une femme, tant il joue avec les codes olfactifs féminins et masculins avec son mélange de senteurs épicées, fruitées, boisées et animales.
Je suis d’ailleurs étonné qu’il ait réussi à traverser les décennies et à être toujours aussi largement distribué, tant il est l’un des Guerlain les plus difficiles à porter. Car Mitsouko est tout sauf doux, consensuel et agréable au premier abord : il a des airs de félin qui ne se laisse pas facilement approcher et on l’adore ou on le déteste, il n’y a pas de demi-mesure avec ce genre de parfum à très forte personnalité. Sans compter que de nos jours, son odeur est perçue par les nez peu expérimentés au mieux comme trop puissante et particulière, au pire comme totalement démodée et réservée aux douairières... Et ce n’est sans doute pas la mode actuelle des nouveaux chypres, frais et/ou gourmands, mais invariablement inoffensifs et assez ternes en définitive (et pas si chyprés que ça en plus, pour la plupart...), qui changera quelque chose à la perception de Mitsouko par le grand public en ce début de XXIème siècle... En un sens tant mieux, il restera ainsi une composition réservée aux initié(e)s capables de l’apprécier à sa juste valeur, cela malgré son statut de parfum culte et incontournable dans l’histoire de la parfumerie moderne.
Voilà, j’ai été un peu long, mais dans la mesure où Mitsouko est mon parfum préféré, je ne pouvais faire moins.
Avec une fragrance riche et fascinante qui ne laisse pas indifférent, un nom exotique qui invite à la rêverie et un flacon superbe, tous les ingrédients du parfum d’exception et mythique sont bien réunis. Ce n’est en effet pas un hasard si Mitsouko s’attire encore et toujours les faveurs des amateurs de parfums les plus exigeants.
par friedrich, le 23 décembre 2007 à 02:38
Merci pour ces précisions ! En tout cas, le parfum de Guerlain semble avoir davantage fait date dans l’histoire de la parfumerie que cette nouvelle dans l’histoire de la littérature, dont l’auteur est inconnu au bataillon aujourd’hui...
par friedrich, le 22 décembre 2007 à 17:29
J’aime beaucoup aussi Mitsouko, que j’ai mis malgré tout un certain temps à apprécier, et je ne savais pas qu’il y existait des chyprés avant celui de Coty. En revanche, le nom de Mitsouko n’a pas pu être inspiré par l’héroïne de Puccini, puisque celle-ci se prénomme Cio-Cio-San, et sa servante Suzuki, mais ça répond sans doute au même attrait pour le Japon.
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par Jeanne, le 22 décembre 2007 à 22:26
Tout à fait exact, mea culpa !
J’ai prêté à tort un lien de parenté un peu trop rapide entre Madame Butterfly et la nouvelle écrite par Claude Farrère, La Bataille, relatant des amours de la Japonaise Mitsouko avec un attaché naval britannique, sous fond de guerre russo-japonaise. Jacques Guerlain baptisa son parfum en hommage à cette histoire d’amour poignante et torturée qui l’avait particulièrement touché.
Quant aux Chypres pré-Coty, ils n’avaient encore de Chypre que leur nom...
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