Olivier Pescheux, disparition d’un parfumeur à l’écriture à Fleur de peau
par Guillaume Tesson, le 12 juillet 2023
Le parfumeur, qui composait pour Givaudan depuis 24 ans, s’est éteint le 10 juillet des suites d’une longue maladie, à 57 ans. Oriol Segui, directeur du département Fine Fragrance de Givaudan pour l’Europe, a salué son « immense contribution » à la définition de la parfumerie « d’aujourd’hui et de demain ». Retour sur une carrière bien remplie.
Diplômé de l’Isipca, Olivier Pescheux avait fait ses premières gammes chez Payan Bertrand, Annick Goutal [désormais Goutal Paris] et pour la société japonaise Kao. Il intègre Givaudan en 1999 et connaît son premier succès en 2001 avec Higher pour Christian Dior (qu’il cosigne avec Olivier Gillotin). En 2005, il parvient avec tact à créer le pendant masculin du cultissime Arpège de Lanvin avec Arpège pour homme, une fougère crémeuse et poudrée rassurante avec ses accents classiques, respectueuse de l’illustre modèle. Olivier Pescheux est également l’auteur, avec Christophe Raynaud et Michel Girard, du blockbuster sensuel et viril 1 Million pour Paco Rabanne (2008) au flacon figurant un lingot d’or. Plusieurs déclinaisons suivront, qu’il co-signera.
S’il a ainsi souvent travaillé en équipe, on lui doit aussi de belles compositions en solo, contribuant par exemple largement au portfolio de Diptyque. La marque fait appel à lui pour les trois déclinaisons de L’Eau lorsque celle-ci fête ses 40 ans, signant le début d’une longue collaboration. Olivier Pescheux y cisèle les matières à la manière d’un diamantaire : on pense à Benjoin bohème (2015), à Vetyverio (2011, suivi de l’eau de parfum en 2017), au patchouli sec de Tempo ou encore au musc de Fleur de peau (2018). Il dessine quelques lieux emblématiques avec l’Eau capitale (2020), en hommage à Paris, ou encore Orphéon (2021), référence au night-club aujourd’hui disparu.
Mais c’est surtout son éclectisme qui caractérise le mieux le parfumeur : entre son travail pour des maisons de niche (citons encore Standard de Comme des garçons en 2009, Herod de Parfums de Marly en 2012, Divine vanille pour Essential parfums en 2019), il imagine aussi des senteurs pour des marques orientées grand public : une Eau jeune en 2001, Montblanc Legend en 2011, une collection pour H&M en 2018…
Pas étonnant qu’il se voie décerner en 2010 le Prix François Coty [désormais Prix du Phénix] pour « la grande diversité de ses créations » !
Le parfumeur savait comment capter son public. Dans Nez, la revue olfactive #10 – Du nez à la bouche, il avait confié à Denyse Beaulieu sa jubilation à utiliser en notes de tête des accords sucrés et gourmands pour « accrocher » : « On ne recherche pas une tenue particulière, mais plutôt à apporter quelque chose de réel. C’est un hook, pour donner aux gens l’envie de découvrir ce qui vient après. Un truc de séduction. Je t’allume et après, hop ! tu restes. »
Mais il savait aussi sortir des sentiers battus. En 2009, à la demande du magazine Les Échos - Série limitée, Olivier Pescheux avait accepté d’imaginer – sur le papier – la formule symbolisant la fragrance du futur. « Base futur antérieur n°3 (ravive la mémoire olfactive de l’enfance) (...), Absolu Rose des Sables de Mars (1ère extraction de roses plantées sur Mars) (...), Alphabet en poudre (les mots pour le dire) (...), Cosmone (Musc synthétique qui rapproche des étoiles) »...
Baptisé Absolu infini, ce bouquet d’ingrédients fantasmés dans lequel transparaît la créativité du parfumeur a été partagé sur le compte Instagram de la maison de composition Givaudan mardi 11 juillet, au lendemain de sa disparition. On ne peut s’empêcher d’y lire un résumé de son approche poétique.
Crédit photo : Givaudan
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par Farnesiano, le 13 juillet 2023 à 17:10
Bel hommage de Guillaume Tesson à un parfumeur plus que talentueux : novateur et attachant. Parmi les créations que je retiendrais de lui, il y a Arpège pour Homme que j’ai adoré et acheté 3 fois, Standard de Comme des Garçons (forêt de cèdres et de pins en flammes ou couverts de givre, selon le moment - avec une formidable attaque, fusante, digne des grands aldéhydés), Tempo de Dyptique, Féerie de Van Cleef, délicieuse violette trop vite disparue, et plus que tous les autres, ce bijou qu’était Voile d’Ambre d’Yves Rocher. Je vais le porter ce soir, à la maison, très simplement, en guise d’hommage.
par Des Esseintes, le 13 juillet 2023 à 12:27
Merci pour ce bel hommage.
Si je devais retenir une seule création d’Olivier Pescheux, ce serait assurément la version eau de parfum de Vetyverio pour Diptyque, sans doute l’un des meilleurs vétivers du marché.
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Un très grand a mon avis !
je suis complètement fan du travail qu’il a fait chez Diptyque la dernière décennie. L eau de parfum Vetyverio est incroyable, son Eau des sens est remarquable et plus originale qu il n’y parait de prime abord, et son duo Tempo et Fleur de peau sont deux merveilles de références, d histoire et de modernité , très agréables à porter ! Ce je ne sais quoi d’addictif effectivement pour nous porter vers des terres plus radicales bien souvent. Chapeau l’artiste et grande vie à son travail !
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