LAVS
Filippo Sorcinelli
Métal hurlant
par Corto, le 5 juillet 2019
Parler d’un parfum, écrire à son sujet, demeure pour moi un exercice délicat et fragile dans la mesure où les années passées de sa propre existence, à tout le moins c’est mon cas, influent inéluctablement sur sa propre perception des choses nous environnant, et par voie de conséquence sur les odeurs et les parfums.
Mais ce qu’on perd en étonnement et en découverte à force de sentir et sentir, on le gagne peut-être en acuité à cerner l’essence même d’une création et par là même la décrire « à l’essentiel » sans être mesmérisé ou floué d’aucune façon.
L’encens a depuis toujours ma bienveillance dans le domaine de la parfumerie pointue qui semble néanmoins s’être peu à peu ouvert à un cercle moins étroit aujourd’hui.
D’Avignon à la Liturgie des heures de Jovoy, en passant par Bois d’encens d’Armani, Cardinal d’Heeley et Messe de minuit d’Etro ou encore Sahara noir de Tom Ford et Encens flamboyant de Goutal (j’en oublie, j’en passe, des meilleurs et des moins bons) l’odeur de la vieille pierre et de l’encens sacré, dans un style très catholique, est une sorte de pierre philosophale que je continue de pourchasser.
Je l’avais d’ailleurs évoqué dans ma critique de l’Eau Trois en 2011 (Dieu que le temps passe vite) qui m’apparaissait à l’époque le plus abouti en la matière.
L’est-il encore peut-être ? Je ne sais pas, je n’ai jamais eu l’occasion de le ressentir depuis et je le regrette (avis non dissimulé à Diptyque qui a tout bonnement supprimé tout échantillon sur ce seul parfum).
Depuis j’ai possédé avec un profond amour et une certaine ferveur le Bois d’encens, chef d’œuvre abouti pour qui cherche l’odeur d’une vieille chapelle perdue sur le python d’un rocher méditerranéen dans le sein de laquelle se mêlent encens processuel et odeur de pins et d’herbes autochtones.
Et puis, plus récemment, j’ai fait la découverte de LAVS de Filippo Sorcinelli (ex Unum).
La maison LAVS (L’Atelier di Vesti Sacre) créée par Filippo Sorcinelli en 2001 en Italie, a pour raison d’être originelle la réalisation de vêtements liturgiques, puis elle a proposé des dérivés, dont le parfum depuis 2011. Pour en savoir plus, inutile de radoter et je vous renvoie donc à l’article de Lauren Zaccaï sur notre site bien aimé.
Pour être honnête, je trouve ce decorum un peu grotesque et très branché au final - le physique même du chef d’orchestre, entre barbe longue et tatouages design, rappelle davantage le hipster que le tailleur mystique - mais il n’enlève rien aux mérites relatifs de LAVS.
Quoi qu’il en soit, cet extrait de parfum (très haute concentration) possède en note de tête cardamome, jasmin et poivre noir ; en note de cœur coriandre, élémi (gomme-résine dont fait partie l’encens), girofle et labdanum ; enfin en note de fond ambre, cèdre, notes de cuir, oliban, mousse de chêne, opoponax et fève tonka.
Alors ça c’est sur le papier (pas la touche hein, suivez). La réalité est toute autre.
Le parfum s’ouvre sur une explosion colossale mêlant une note de chlore (vous savez, la piscine municipale de notre enfance), notes métalliques rêches, astringentes, décapantes, stridentes et sachez que cette envolée ne s’arrêtera que dans de nombreuses heures.
Je suis parfaitement anosmique à retrouver les notes de tête et de cœur prévues au frontispice de LAVS en dehors du poivre noir, du clou de girofle en dose conséquente et vaguement du jasmin.
Mais dans l’ensemble, c’est d’abord et avant tout cette curieuse odeur quasi chimique confinant au détergent et autres produits d’entretien qui vous prend, vous tabasse et vous colle à la peau longtemps, très longtemps (oui, la tenue de LAVS est remarquable et dépasse largement le tour du cadran).
Et petit à petit, l’encens prend sa place. Un encens austère et monacal se fraie un chemin et se baume, en fin de parcours, s’approchant alors de ce qu’a pu offrir Avignon en son temps.
Dit comme ça, j’ai tout l’air de désavouer cette création ; c’est une imprudence. LAVS est remarquable par son parti pris, son absence totale de concession et le plus curieux c’est qu’il s’avère tout à fait portable.
Son aridité métallique le rend frais par temps chaud. Son encens liturgique le rend fascinant par temps froid.
Cette raideur aldéhydée rappellera certainement à certains M/Mink de Byredo (et son Adoxal de chez Givaudan) mais également le merveilleux 07 Tanoke d’Odin ou encore Hinoki de Comme des Garçons et sa térébenthine.
LAVS peut à l’évidence rejoindre le cabinet de curiosités de la parfumerie moderne et étonnera encore les vieux loups du parfum que vous êtes.
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par Chanel de Lanvin, le 5 juillet 2019 à 13:13
Bonjour,je porte ce parfum avec plaisir et je peux vous dire que cette note de chlore et son descriptif que vous détaillez sont totalement inconnus pour moi.
Je ne sais pas quel flacon vous avez tester pour donner cette impression,mais de grâce soyons prudents quand on évoque un parfum,cela pourrait décourager à un non initié de passer son chemin et d’un excellent travail.
La meilleure façon d’apprécier un parfum est d’en faire soi-même le test,car les avis selon les ressentis peuvent êtres fort différents et trompeurs.
Pour compléter son aura,j’ajoute Lavs nuage maison.
A réserver donc aux réels amateurs d’encens.
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par Jeanne Doré, le 5 juillet 2019 à 16:47
Bonjour Beer Luc,
Je comprends votre crainte de rebuter, mais sur Auparfum cela a toujours été le principe d’écrire ce qu’on ressent, même si c’est parfois avec des mots qui ne seraient pas les mêmes pour un autre.
Si c’est pour lister la pyramide olfactive donnée par la marque, on peut se contenter de lire d’autres sites... :)
Compte tenu de l’aspect plutôt positif de cette critique, j’espère que cette facette "chlorée", comme décrite par Corto, n’effraiera pas trop les lecteurs, et qu’ils seront peut-être même encore plus curieux d’aller découvrir ce parfum qui attire malgré ses notes étranges... et donc forcément intrigantes !
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par Garance, le 7 juillet 2019 à 07:45
Pour ma part, je vais tenter de sentir plusieurs parfums de la gamme... Je ne connais qu’Opus 1144, et ce parfum a été une véritable révélation (!) : riche, ample, et mystique tout à la fois, un encens vanillé de toute beauté. Par ailleurs, pour retourner vers l’échange entre Beer Luc et Jeanne : Même si je n’aime pas un parfum, même si je suis dérangée par une fragrance, peu importe, j’ai avant tout le désir de découverte. Et on peut apprécier être bouleversée, dérangé(e)... sans pour autant d’ailleurs vouloir porter un tel jus.
Chanel de Lanvin
a porté LAVS le 5 juillet 2019
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par jovi, le 5 juillet 2019 à 13:27
Merci Corto pour cette très belle critique que je trouve très juste.
J’ai porté lavs et je l’ai détesté sur ma peau cette odeur de produit détergent hyper chimique était la seule chose que je pouvais sentir. Je voulais l’aimer parce que je suis un amoureux inconditionnel de bois d’encens. Je l’ai porté tous les jours pendant un mois et toujours rien quelle déception. Je savais que certain parfum pouvait mettre du temps bois d’encens est de ceux-là ; pendant des jours je ne sentais que le poivre et les épices à plein nez mais ensuite une superbe note de labdanum m’a rendu fou de ce parfum et de cette matière aussi. Je n’ai jamais porté Avignon mais si les 2 se ressemblent je ne devrais peut être pas m’y confronter !?
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par Jeanne Doré, le 5 juillet 2019 à 16:53
Merci Jovi de rappeler que pour aimer un parfum il faut parfois lui donner du temps... et l’amour n’en est que plus grand !
C’est intéressant votre perception de notes "détergent", là où Corto exprime du "chlore", et que moi je définirais comme une note pin/limette, que l’on peut en effet parfois retrouver dans certains produits ménagers, dont l’eau de Javel.
Je pense que cette facette est naturellement présente dans l’encens, qui est beaucoup plus "frais" que ce qu’on imagine, en vrai.
Finalement ça se tient !
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