Auparfum

La grande histoire des aldéhydes : du N°5 de Chanel à la parfumerie contemporaine

par Olivier R.P. David - Jeanne Doré, le 5 mai 2021

Le N°5 de Chanel fête en ce mois de mai les 100 ans de sa naissance, et avec elle, l’émergence d’une famille de nouvelles molécules qui allait commencer à faire parler d’elle : les aldéhydes. Mais qui sont-ils exactement, ces composés qui soufflent le chaud et le froid dans les formules ? Tour d’horizon de la question en compagnie d’Olivier R.P. David, d’après l’article publié dans le dixième numéro de la revue Nez, ici retranscrit, rien que pour vous ! Mais également une longue sélection, non exhaustive, de créations qui les mettent à l’honneur depuis un siècle.

Pour les chimistes, « aldéhyde » est le nom d’une fonction chimique présente dans une infinité de molécules : le motif « –CHO », composé d’atomes de carbone, d’oxygène et d’hydrogène, disposés en forme de Y. On la trouve ainsi dans la vanilline, le formol, la vitamine A, le citral, le Bourgeonal ou encore le benzaldéhyde. Le mot « aldéhyde » est employé pour la première fois en 1835 par le chimiste allemand Justus von Liebig dans son étude sur la transformation de l’alcool en vinaigre. Il indique que le composé intermédiaire formé après deshydrogénation de l’éthanol par les bactéries a été baptisé ainsi par son collègue Johann Christian Poggendorff, en contractant l’expression latine alcohol dehydrogenatum. Les Français parleront longtemps d’« une aldéhyde », avant d’adopter le masculin, en suivant la nomenclature de la chimie.

En parfumerie, ce qu’on entend traditionnellement par « note aldéhydée » est bien plus restrictif. Seuls les aldéhydes possédant une chaîne linéaire de carbones, dits aliphatiques, sont concernés, plus spécifiquement ceux avec dix, onze ou douze carbones, qui sont présents dans la coriandre et divers agrumes.
L’aldéhyde C-12 (dodécanal ou aldéhyde laurique) sera étudié en 1880 par Friedrich Krafft, tout comme, en 1883, l’aldéhyde C-10 (décanal ou aldéhyde caprinique). L’undécanal, à onze carbones, ne sera découvert qu’en 1903 par Émile Edmond Blaise et Gabriel Guérin et deviendra l’aldéhyde C-110. Mais toutes ces préparations de laboratoire, peu efficaces, ne permettent alors pas de produire ces composés en quantité industrielle.

En 1904, un chimiste touche-à-tout, Auguste Georges Darzens, directeur du laboratoire de recherche des parfumeries L.T. Piver – et futur professeur de chimie à l’École polytechnique –, met au point un procédé nouveau, la synthèse glycidique des aldéhydes, qui sera très vite baptisé « réaction de Darzens », donnant un accès facile et peu cher à certains d’entre eux. Si cette méthode marche mal pour produire les aldéhydes linéaires de dix à douze carbones, elle s’avère très performante pour synthétiser à l’échelle industrielle un nouvel aldéhyde ramifié, le C-12 MNA (méthyle nonyle acétaldéhyde) à partir de la méthyle nonyle cétone contenue dans l’essence de rue officinale. La voie est ouverte pour l’emploi d’aldéhydes en parfumerie.
Le C-12 MNA sera utilisé pour la toute première fois dans Floramye, composé en 1905 par Pierre Armigeant pour L.T. Piver, puis dans Quelques fleurs de Robert Bienaimé en 1912 pour Houbigant.

À partir de 1904, les chimistes multiplient les nouveaux procédés, poussés par la demande des parfumeurs : synthèses de Blaise, de Bodroux et Tschitschibabin, de Bouveault, etc., mais les productions sont impures. Ernest Beaux dira ainsi : « Les premières aldéhydes que j’ai pu trouver étaient instables et d’une fabrication peu régulière. » Cela limite leur utilisation. Par exemple, Henri Alméras utilisera 0,3% d’aldéhyde C-12 dans Le Fruit défendu des Parfums de Rosine en 1914. Autour de 1915, le C-11 undécylènique est découvert ; il est produit très facilement à partir de l’acide ricinoléique, abondant dans l’huile de ricin. Enfin, la mise au point par Karl Wilhelm Rosenmund d’un procédé de réduction des chlorures d’acides en décembre 1917 va tout changer. Une production en grande quantité et de haute qualité est désormais possible. C-12 MNA, C-10, C-110, C-11 et C-12 sont fin prêts pour l’arrivée de l’« empereur des aldéhydes »…

Ernest Beaux avait probablement expérimenté les aldéhydes dès 1913 dans le Bouquet de Catherine, pour les Parfumeries Rallet, de Moscou. Vers 1919, il est en « campagne dans la région septentrionale de l’Europe, au-delà du cercle polaire, à l’époque du soleil de minuit, où les lacs et les fleuves exhalent un parfum d’une extrême fraîcheur », effet qu’il voudra reproduire avec une surdose d’aldéhydes dans le N° 5. Il pourra le faire grâce à son ami Léon Givaudan, qui produit dès 1920 des aldéhydes de haute qualité en appliquant le procédé de Rosenmund dans son usine Givaudan-Lavirotte, à Lyon. Ainsi quand, durant l’été 1920, Beaux rencontre Gabrielle Chanel qui cherche un parfum pour sa marque, il lui présente « deux séries : 1 à 5 et 20 à 24, [et] elle en choisit quelques-unes, dont celle [portant] le n° 5 », racontera-t-il plus tard. La création est lancée en 1921, avec cet accord révolutionnaire constitué à l’origine de C-11, C-110 et C-12 avec une proportion de 2/1/1, et dosé à près de 1%. N° 5 n’est pas le premier à en contenir, mais présente un dosage plus important que ses prédécesseurs. Il marque la naissance de la famille des floraux aldéhydés, qui s’enrichira en 1927 de L’Aimant (Coty), composé par Vincent Roubert, et d’Arpège (Lanvin) de Paul Vacher et André Fraysse.

Ça sent quoi au juste ?
Aldéhyde C-10 : une note râpeuse de zeste d’orange, un peu grasse et rappelant la coriandre.
Aldéhyde C-11 : une odeur savonneuse de linge propre, aux accents de cuir chevelu ou de cire de bougie.
Aldéhyde C-12 MNA : une facette métallique de détergent, avec des aspects gras évoquant un fer chaud.

5 aldéhydes les plus courants

Aimez-vous la coriandre ?
En 2012, l’équipe du biologiste Nicholas Eriksson a montré que le goût ou l’aversion pour la coriandre étaient génétiquement déterminés. En particulier, certaines personnes avec une variante du récepteur olfactif OR6A2 seraient hypersensibles aux aldéhydes ; la coriandre, qui est riche en C-10 et C-12, aurait pour elles un goût très savonneux.

Sur la corde à linge
Nul besoin de lessive parfumée si vous faites sécher votre linge propre au grand air ! Dans un article publié en 2020, une équipe danoise révèle que l’odeur fraîche et plaisante du tissu ainsi traité provient de l’oxydation naturelle des fibres mouillées. L’interaction de l’air, de l’eau et des ultraviolets solaires provoque le dégagement de toute la série des aldéhydes de C-5 à C-10, dont le mélange est responsable de cet effluve si reconnaissable – et si agréable.

Pour conclure, nous vous proposons une sélection de parfums qui, chacun en leur temps, mettent les aldéhydes en avant. Après un premier âge d’or dans les années folles, ils reviennent en force dans les années 1960 pour s’éteindre au milieu de la décennie suivante, avant de revenir depuis régulièrement sous la forme d’hommages revisités aux grands classiques ou des formes plus audacieuses. Tour d’horizon aldéhydé, depuis le N°5 jusqu’aux derniers lancements qui démontrent que, même un siècle plus tard, (pas non plus par hasard, en des temps où un certain sentiment d’hygiène et de propreté est peut-être recherché ?) ces molécules n’ont rien perdu de leur charme ni de leur éclat.

Et vous, quels sont vos parfums aldéhydés préférés ?

— -
Retrouvez tous les numéros de Nez, la revue olfactive sur notre boutique en ligne.

Visuel de l’article : Charles Courtney Curran, Shadows, 1887. Source : Wikimedia Commons

  • N°5 - Chanel

    1921 - Ernest Beaux
    Audacieux et novateur, il est l’un des premiers à mettre en valeur les aldéhydes éthérés et pétillants qui firent sa singularité, pour faire scintiller son bouquet opulent de jasmin, d’ylang-ylang et de rose de mai. Les naturels, présents en grande quantité, sont rendus presque abstraits par le travail révolutionnaire de son créateur.
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  • N°22 - Chanel

    1922 - Ernest Beaux
    Cette variation du N°5 faisait partie de la même série d’essais qu’Ernest Beaux présenta à Coco Chanel lors de la création de celui-ci. Lancé un an plus tard, il évolue dans une direction plus ambrée et crémeuse, où la rose, l’ylang-ylang et la tubéreuse s’enrobent d’un fond vanillé et épicé.
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  • Arpège - Lanvin

    1925 - André Fraysse - Paul Vacher
    Destiné par Jeanne Lanvin à sa fille musicienne Marie-Blanche pour ses 30 ans, ce bouquet floral riche et abstrait met à l’honneur les aldéhydes qui lui donnent du relief et de l’envolée, sur un fond boisé, poudré, vanillé, crémeux, avec un aspect fourrure.
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  • Liu - Guerlain

    1929 - Jacques Guerlain
    Dans la droite lignée de N°5, Liu est le premier floral aldéhydé de Guerlain, inspiré par le personnage d’une jeune esclave dans l’opéra Turandot de Puccini. Ses aldéhydes scintillent sur les fleurs élégantes et un fond vanillé animalisé, moelleux et poudré.


  • Baghari - Robert Piguet

    1950, 2006 - Francis Fabron, Aurélien Guichard
    Réédité en 2006, ce survivant des années 1950 dévoile des aldéhydes savonneux mêlés d’une touche d’eau de Cologne, prolongés par un bouquet de rose, jasmin et fleur d’oranger et un fond boisé, poudré, ambré, au caractère riche, complexe et tenace.
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  • Madame Rochas - Rochas

    1960 - Guy Robert
    Premier féminin lancé par Hélène Rochas, seize ans après Femme, ce grand floral aldéhydé s’inspirant d’Arpège de Lanvin constitue un grand bouquet de fleurs, riche et complexe, reposant sur un socle de vétiver et de santal, crémeux, poudré, musqué, très sophistiqué.


  • Calèche - Hermès

    1961 - Guy Robert
    La haute bourgeoisie des aldéhydes, avec ses notes de laque sur un chignon impeccable, une touche anisée et une pointe de cyprès pour donner du maintien à un large coeur de fleurs blanches : jasmin, muguet et fleur d’oranger sur un solide fond boisé de cèdre assoupli de santal.
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  • Melograno - Santa Maria Novella

    1965
    Ce grand classique prisé par une poignée d’adeptes illustre à merveille le style de la maison florentine : savonneux, vintage, désuet mais addictif. Loin d’évoquer la grenade de son nom, c’est un grand chypre poudré où les aldéhydes illuminent des notes boisées, baumées et moussues d’un autre temps, avec élégance et profondeur.


  • Estée - Estée Lauder

    1968 - Bernard Chant
    Aux États-Unis aussi, Estée Lauder joue la carte d’une blancheur immaculée et lumineuse rendue possible grâce aux aldéhydes qui procurent un effet savonneux, s’entourant de notes boisées, poudrées, musquées et propres. Chic et puritain.
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  • Calandre - Paco Rabanne

    1969 - Michel Hy
    Pour son premier parfum, Paco Rabanne voulait retranscrire l’histoire d’un couple faisant l’amour sur le capot d’une Jaguar, lors d’une balade au bord de la mer. Les odeurs des corps et de la voiture, mêlées à celles de la nature environnante prennent la forme d’un floral vert aldéhydé, chypré, dont la modernité repose sur de nouvelles notes rosées très fusantes, qui figurent le métal brûlant.
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  • Rive gauche - Yves Saint Laurent

    1971 - Michel Hy
    Rive gauche joue sur des accords rosés et aldéhydés (notamment l’Adoxal) posés sur un écrin boisé, chypré, musqué. Il transporte avec lui l’atmosphère guindée des ateliers de couture et des salons mondains du 6ème arrondissement, tiraillé entre la pudeur froide de ses notes métalliques, et l’érotisme troublant de ses dessous poudrés. Lire la critique


  • First - Van Cleef & Arpels

    1976 - Jean-Claude Ellena
    Première fragrance à la fois du joaillier et du parfumeur, First a été conçu comme un « parfum-bijou », dans lequel différentes qualités de rose, jasmin, muguet et jacinthe sont relevés d’aldéhydes et de bourgeon de cassis, exprimant la féminité raffinée et luxueuse de son époque.
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  • White Linen – Estée Lauder

    1978 - Sophia Grojsman
    Une immense vague d’aldéhydes, un cri ultra-propre de savonnette qui annonce dans la pétulance un cœur floral kaléidoscopique et généreux de jacinthe, d’œillet, muguet, rose, iris et lilas confortablement posés sur un parterre de mousse, vétiver et santal.
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  • In Blue - Courrèges

    1983 - Edouard Fléchier - Nadège Le Garlantezec
    À l’origine créé en 1983, puis disparu dans les années 1990, ce chypre aldéhydé a été réédité par Courrèges en 2014. Les aldéhydes se parent de lavande, de gingembre et de notes vertes qui annoncent un volumineux bouquet floral, et une évolution boisée moussue toujours de belle facture.
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  • Gold - Amouage

    1983 - Guy Robert
    Premier parfum de Guy Robert pour Amouage, dont la création fut mandatée par le Sultan d’Oman, Gold se définit comme magnifique dans l’excès, la puissance, la grandiloquence, la prodigalité, dans le sillage de Calèche et du N°5. Le cœur floral se fait velouté et crémeux, souligné de baumes légèrement animalisés, avec un sillage et une tenue prodigieux.
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  • L’Âme soeur - Divine

    1986 - Yann Vasnier
    La maison fondée à Saint-Malo propose avec Divine un grand floral blanc où la tubéreuse se mêle de notes de pêche duveteuse et d’aldhydes savonneux, sur fond de muscs animalisés et de chypre moussu et crémeux.


  • La Myrrhe - Serge Lutens

    1995 - Christopher Sheldrake
    Serge Lutens réinterprète la résine offerte par les rois mages en l’entourant d’écorces d’orange aldéhydées et métalliques, qui rejoignent les facettes minérales de la myrrhe, les épices chères au créateur et des notes fumées de volutes d’encens.
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  • M/Mink - Byredo

    2010 - Jérôme Epinette
    Dans une atmosphère minérale et ozonique, des notes aldéhydées d’Adoxal, métalliques et rosées, se déversent sur une fourrure dense et feutrée. Une encre noire devenue animale dans un équilibre fragile, mais bien maîtrisé.
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  • L’Orpheline - Serge Lutens

    2014 - Christopher Sheldrake
    Contraste épuré entre les facettes métalliques et froides des aldéhydes, les notes vertes aromatiques d’une fougère flirtant avec le savon à barbe, et un encens minéral et cendré, rehaussé d’épices et de muscs.
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  • N°5 L’Eau - Chanel

    2016 - Olivier Polge
    L’icône des parfums aldéhydés est réinterprétée tout en transparence, les aldéhydes se font lumineux pour éclairer, avec les agrumes, le cœur caractéristique de jasmin, ylang-ylang et rose, ici façonné tout en légèreté et fondu dans la blancheur des muscs à la fluidité incomparable.
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  • Superstitious – Éditions de parfums Frédéric Malle

    2016 - Dominique Ropion
    Dans ce descendant glam-rock d’Arpège, les aldéhydes rayent de leur hurlements métalliques les vocalises d’un jasmin en furie, maquillé d’une rose flashy et qui mâche un chewing-gum à la pêche ; derrière, le groupe joue un solo d’encens sur une basse de patchouli et d’ambre : du Queen pour les narines !
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  • Métallique – Tom Ford

    2019 - Antoine Maisondieu
    Grand-mère a fait un succulent dessert glacé, les aldéhydes givrés cristallisent une vanille crémeuse, fruitée par la graine d’ambrette, saupoudrée d’héliotrope et d’aubépine et nappée de santal onctueux.
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  • Ray Flection - Masque Milano

    2020 - Alex Lee
    C’est ici la facette agrume des aldéhydes qui est mise en valeur dans cette création vitaminée et pétillante, où les zestes se parent d’épices froides, de notes solaires et poudrées, sur fond boisé ambré.


  • Et voilà - Teo Cabanel

    2021 - Patrice Revillard
    Une grosse boule de muscs poudrés et propres, boostés aux aldéhydes intenses et fusants, des fleurs blanches crémeuses légèrement amandées, et un santal lacté et tenace, le tout évoquant un linge propre séchant au vent.


  • Sun Bleached - Une Nuit nomade

    2021 - Jerôme di Marino
    Un condensé de notes diaphanes et pures, évoquant de grands draps de coton blanc. Une légère note d’agrume en départ introduit un cortège d’aldéhydes savonneux, musqués, poudrés, et quelques fleurs épicées qui procurent une dimension cosmétique plus crémeuse.
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  • Homesick - The Observer Collection

    2021 - Will Inrig
    La première création olfactive de The Observer Collection, fondée par le photographe et designer Robert Spangle, explore la notion de « mal du pays », entre nostalgie et esprit d’aventure. De puissants aldéhydes côtoient des notes résineuses et camphrées d’aiguilles de pin, à peine enrobées de quelques bois secs. Un exercice de style extrême et radical !


  • 5 aldéhydes les plus courants


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Farnesiano

par Farnesiano, le 18 juin 2021 à 10:53

Merci et bravo pour cet excellent article, de ceux qu’on ne pourrait finalement trouver que sur Auparfum, notre "base de données " à tous ;) Je m’étonne seulement de voir figurer, parmi la liste des grands aldéhydés, Gold pour femme. Chez Amouage, le grand aldéhydé pour moi c’est Dia créé il y a 20 ans par Ellena. Un petit bijou qui vaut son prix. Gold pour Femme comme la version pour homme, c’est un opulent sensuel, très animalisé, profond, décoiffant, terrible :
une bombe !

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par Petrichor, le 19 juin 2021 à 06:05

Je crois qu’il ne faut pas trop chercher la logique. Il y a des aldéhydes presque partout.

Donc les auteurs ont cité les grands classiques, ceux qui ont eu de la descendance.
"Madame Rochas", "Calèche" et "Gold" c’est presque redondant, mais ça montre la maturation d’une idée. Calandre et Rive gauche, c’est redondant aussi, et drôle, car certains y ont vu des clones. Et les derniers exemples sont des nouveautés.

Peut-être que pour citer Dia, il aurait fallu étoffé la branche qui passe par "White linen". J’invente une filiation du genre : "no22" -> "Diorissimo" -> "white linen" -> "Pleasures" -> "Dia". La mode des dernières décennies consistent à souder les aldéhydes savonneux à de nouveaux muscs blanc lessiviels moins rêches.

(On pourrait même faire un jeu similaire de refaire des filiations avec l’aldéhyde pêche. (Les auteurs ont resserré le propos sur les aldéhydes de forme chimique simple) )

Autre raison que j’invente : Dia sent ce que j’appelle "un accord cyclamen", qui rappelle la parfumerie fonctionnelle.
Donc notre inconscient nous inhibe, on ne veut y reconnaître un parfum exemplaire, victime de nos jugements de valeur. Ca en fait une version luxe d’un produit courant. La naturalité de la rose naturelle, et de l’encens blanc, ressortent tout de même à forte dose, et à bon escient, sous la plume de Jean-Claude Ellena.
(J’ignore ce que sentent les cyclamens. Je visualise une odeur de fleur fraîche comme la rose blanche, ajoutée de notes violacée et vertes ?!).
Pour la blague : "no22" -> "savon dove" -> "bombe à chiotte muguet cyclamen" -> "dia" (je le répète, je plaisante, et puis le savon dove sent très très bon, c’est un cas d’école)

C’est l’ironie des aldéhydes : d’abord une odeur de luxe (cher à produire), puis de savon imitant le luxe (baisse des coûts de la synthèse), puis odeur de parfumerie "fine" faisant un clin d’œil à la parfumerie "fonctionnelle".
Sauf que depuis les années 80, les marques rognent de plus en plus sur le budget des formules. Les parfums mainstream ont parfois du mal à se distinguer des savons. ((Et certains savons (dove), sentent meilleurs que bien des parfums)). Et les classiques frappés de reformulation et de pénurie, type santal blanc, en prennent un coup. (Je sentais récemment un Calèche EDT incroyablement texturé, et pourtant il ne daterai que de 2003).

C’est étonnant aussi, qu’on s’entendent à reconnaître comme ancien aldéhyde classique, ceux qui assument leur côté bourge (presque collet-monté), ou hygiéniste (presque puritain).

C’est une caricature à gros trait que je fais. Les meilleur.e.s nez ont toujours eu une approche de peintres impressionnistes, ils ont joué de la palette d’aldéhydes pour leur effet. Ernest Beaux pensait à la neige. Dans "Comme des Garçons 2 Man", les aldéhydes sont utilisés pour renforcer une illusion de bougie soufflée. (cireux) Etc.

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par Farnesiano, le 19 juin 2021 à 14:14

Merci pour cet éclairage, Petrichor, et pour le rappel de Dove - que je n’ai plus acheté depuis des lustres mais dont le côté aldéhydé ressortait pour moi dans la lumière, un peu acide, et la texture de sa "projection".

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par Jeanne Doré, le 21 juin 2021 à 19:47

Bonsoir Petrichor,
Merci pour cette analyse très juste, je me permets juste de rectifier un seul détail : l’aldéhyde pêche n’en est en réalité pas un, il s’agit d’une lactone, la gamma-undecalactone. Certaines lactones auraient été ainsi rebaptisées à leur naissance sans doute pour ne pas dévoiler leur vraie nature (secret industriel) et aussi parce que les aldéhydes étaient alors très à la mode au début du XXe siècle, et cet engouement ont sans doute ainsi favorisé leur succès...

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par Petrichor, le 23 juin 2021 à 23:20

Au temps pour moi :)
Je ne connaissais pas cette histoire. C’est très instructif.

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par Jeanne Doré, le 21 juin 2021 à 19:40

Bonjour Farnesiano,
Merci pour votre message !
Tout à fait, nous aurions pu inclure Dia... et tant d’autres !
Mais nous avons d’abord pensé à Gold, qui s’inscrit dans la lignée des grands floraux aldéhydés classiques.
Heureusement, vos messages sont là pour compléter la collection :)
Merci,
Jeanne

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par Véronique Coty, le 15 mai 2021 à 11:55

Merci d’avoir cité L’Aimant, sublime aldhéydé créé par Vincent Roubert pour François Coty en 1927 (Rallet - Maison acquise par François Coty en 1925 - bases de l’Aimant : muguet, rose, et jasmin) largement plus vendu que le N°5 à l’époque ! N’oublions pas que BEAUX rencontra et travailla un temps pour François Coty avant de s’adresser à Me Chanel... Cette rencontre fortuite sur la Côte d’Azur est un peu arrangée, c’est "plus jolie"... Chacun y a mis son petit ingrédient mais finalement il existe peu de hazard dans la vie !

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