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Mémoire d’une odeur

Gucci

Flacon de Mémoire d'une odeur - Gucci
Coup de cœur - Nouveau parfum
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In Paradisone

par Alexis Toublanc, le 8 octobre 2019

Après Bloom, le bouquet de fleurs blanches qui rayonnait déjà parmi les bons crus des linéaires de parfumerie, Gucci confirme sa capacité à nous surprendre avec son dernier-né.

Je revois l’enfant que j’étais. A cette époque, je contemplais et admirais les parfums avec facilité : ce monde était neuf, beau et pur. Comme de nombreux lecteurs ici, j’ai plongé dans le monde des odeurs, y ai donné mon temps, du sens, et ai aiguisé mon nez grâce à lui. Depuis plusieurs années, je prends plaisir à décortiquer et analyser les parfums. Mais force est de constater que la sensation d’admiration et de contemplation béate se fait de plus en plus rare.

Après Bloom, le bouquet de fleurs blanches qui rayonnait déjà parmi les bons crus des linéaires de parfumerie, Gucci a confirmé sa capacité à nous surprendre avec son dernier-né. Son nom est complexe, superposant ce qui est profondément ancré en nous à l’immatériel. Il pousse à la réflexion avant toute vaporisation, cherchant à interroger « l’olfacteur » sur la simple action de sentir. Pour rendre compte de ces mécanismes et interpeller aussitôt, Alberto Morillas a joué sur une opposition franche : une note de tête très matière et évocatrice associée à un accord sur lequel il est difficile de mettre des mots. C’est d’ailleurs étonnant après le déluge de descripteurs olfactifs qui nous viennent aux premières secondes : poudre à canon, foin, osier, poussière de rose, aromates séchés sur une pierre chaude, accents de mousse, de tisane et même quelques effets pétillants comme des bulles de champagne dorées. Ces mots affluent sans s’arrêter, se précipitant comme si la ponctuation avait disparu. Ils décrivent les effets de l’essence de camomille romaine, matière qu’on ne croit pas si bien connaître. Plutôt travaillée en trace, notamment dans les notes rosées d’Aromatics Elixir, elle n’a jamais été osée en majeur (si on met de côté un projet de niche comme Œillères) et encore moins en solinote. Déployée ici dans le plus simple apparat, elle fait exploser toutes ses facettes non plus aux services d’autres matières, mais bien pour se mettre en avant elle-même, pour une fois.

Le contraste avec la structure abstraite se fait tout en douceur, autour d’effets vaporeux presque impalpables, Morillas ayant veillé à ce que la camomille se dilue petit à petit dans l’évolution du parfum. Deux overdoses se lient : celle des salicylates, ces molécules aux notes solaires translucides, et celle de l’Hedione à la respiration jasminée délicate. Incontournables de la palette du parfumeur, ces notes sont plutôt utilisées pour aérer et diffuser les parfums, mais rarement pour les structurer comme elles le font dans Mémoire d’une odeur. Ici, elles tendent leur transparence pour accueillir la camomille, la déployer, et offrent leurs lumières pour la faire rayonner. On pense à des installations d’art contemporain où des blocs distincts joueraient entre eux, laissant dialoguer leurs lumières, leurs formes et l’harmonieuse disposition du vide entre eux.

Ce cœur gracieux a la douceur d’un voile diaphane, le velouté d’une peau chauffée au soleil, l’élégance discrète d’un parfum fait pour éclairer nos doutes plutôt qu’imposer ses certitudes. Incroyablement solide pour un accord jouant autant sur la transparence, Mémoire d’une odeur est soutenu par un fond privilégiant toujours l’aspect éthéré de ses facettes : le cèdre est fin comme une ligne, le santal a la rondeur et le cristallin d’une bulle et de la vanille n’est retenue que sa poudre délicate. L’ensemble est porté pour un ronronnement de muscs fondants et lumineux.

Objet olfactif non identifié ? Mémoire d’une odeur en a tout l’air. Pourtant, on y retrouve toute la délicatesse de son auteur, comme un prolongement solaire et herbacé de l’Essence que Morillas avait signé pour Narciso Rodriguez. Mais il s’inscrit aussi très bien dans cette parfumerie de fin de décennie et ses réminiscences des années 1990. On pense aux floraux boisés musqués descendant d’Allure, comme le faisait Joy l’année dernière, mais aussi aux parfums néo-salicylés à la Twilly, marqués par les créations d’Annick Ménardo ou encore de Jacques Cavallier de cette époque.

Sans genre ni âge, dans un flacon en dehors des tendances et des poncifs, Gucci vient clore en beauté une décennie de parfumerie grand public qui n’aura pas toujours fait dans la délicatesse. La créativité et l’évidence de Mémoire d’une odeur ont réussi à réveiller en un éclair l’enfant béat qui est toujours en moi.

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Duolog

par Duolog, le 9 octobre 2019 à 17:44

On comprend mieux ce qui se passe dans ce parfum en lisant cette critique ! C’est vrai que ce parfum a quelque chose de mystérieux dans la manière dont il amalgame nouveauté et récapitulation de styles connus. J’espère croiser des gens qui le portent, pour sentir comment il est "sur le terrain".

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