IFRA 45, la saga continue
par Jeanne Doré, le 7 mai 2010
- Parfums haute-couture
- Parfum, gloire et beauté
- Le who’s who de la parfumerie
- Le parfum bio c’est quoi ?
- IFRA 45, la saga continue
- L’obscurantisme des parfums
- Parfums masculins : changement d’axe
- Parfumerie de niche, en quelques chiffres
- Pharmacie, la nouvelle parfumerie ?
- Qu’importe le flacon... pourvu qu’on ait la richesse !
- Le marketing olfactif, idées reçues et idées nouvelles
- Mitsouko et L’Heure Bleue : un problème de base
L’IFRA est en ce moment en période de consultation de ses membres pour valider son 45ème amendement, et deux nouveaux composés considérés comme allergènes sont sur la sellette : il s’agit des furo-coumarines, présents dans le citron et le pamplemousse, et le méthyl-eugenol, présent par exemple dans l’essence de rose ou la noix de muscade.
Le magazine professionnel Cosmétique Mag fait la couverture de son numéro de Mai sur le sujet, titrant “Les matières naturelles sur la sellette” avec en photo deux roses fanées. Un dossier donne la parole aux différents acteurs de l’industrie à la fois responsables (puisque membres de l’IFRA) et victimes de ces restrictions (car devant retravailler continuellement les formules).
Même si le discours reste très politicly correct, il est tout de même encourageant qu’un tel média aborde la question des reformulation un peu plus ouvertement qu’avant.
J’ai donc pensé que les grandes lignes et quelques extraits pourraient vous intéresser :
D’après Jean-Pierre Houri, le président de l’IFRA, ce nouvel amendement serait moins contraignant que les précédents puisque, dit-il « tous les ingrédients ont été soumis à notre nouvelle méthodologie ces trois dernières années et que ce travail est aujourd’hui achevé »
Les maisons de parfums s’autorégulent à l’avance, « sous la pression des ONG et des milieux scientifiques pour s’assurer de la parfaite innocuité des composants utilisés par les industriels ». Notamment concernant les allergènes, Francis Thibeaudeau, chez Robertet affirme : « Les marques ne veulent pas avoir de soucis avec leurs consommateurs sur ce sujet. Nous sommes dans une société régie par le principe de précaution ».
L’article rappelle que Thierry Wasser s’était exprimé dans Le Monde du 13 janvier pour partager son inquiétude sur « l’avenir du patrimoine de Guerlain, dont il est le garant. Il expliquait qu’il avait du arrêter un parfum crée par Jean-Paul Guerlain pour sa mère, Parure », formule datant de 1975 et impossible à reformuler.
Jacques Cavallier-Belletrud, maître parfumeur chez Firmenich, confirme : « Remplacer sans dénaturer la création originale n’est pas simple. Lorsque je reformule, j’essaie plutôt d’améliorer la formule pour lui donner un plus ». (Cette remarque nous confirme qu’un parfumeur qui reformule peut, selon son goût personnel, choisir de dénaturer un parfum de manière volontaire en pensant bien faire !)
Les maisons de composition investissent apparemment beaucoup dans la recherche afin de pouvoir remplacer les molécules incriminées, mais font aussi des recherches sur des nouvelles espèces de plantes, des hybrides pour enlever des naturels les éléments gênants.
Luc Malfait, chez Takasago, explique :« Il relève de la responsabilité de chaque maison d’expliquer le procédé de manière pédagogique, le pourquoi de tel et tel changement. C’est comme aujourd’hui à Versailles lorsqu’on ajoute des sorties incendie ou des rampes pour les personnes à mobilité réduite : ce n’était certainement pas dans les plans de Le Vau ni de Le Nôtre. » (Je ne suis pour ma part pas sûre d’être convaincue par cette comparaison !)
Frédéric Appaire, directeur marketing Paco Rabanne : « Nous ne sommes pas concernés actuellement par ces soucis mais nous suivons les dossiers de près si cela devait concerner une de nos fragrances stars ».
Et une marque anonyme de rajouter : « C’est pourquoi, à côté de nos grands classiques, nous sortons des versions plus modernes afin de préserver notre business au cas où » (c’est intéressant de remarquer que le parfum est bel et bien un business, et non pas une œuvre selon les mots de cette marque anonyme qui semble malheureusement refléter la majorité...)
Concernant la créativité, Francis Thibaudeau s’inquiète cependant pour demain : « On ne voit pas les conséquences dès maintenant mais dans une dizaine d’années, nous percevrons une évolution des parfums. Il y a fort à parier qu’il y aura moins de fragrances très typées car les surdosages d’un ingrédient sont plus risqués. Or les grands classiques d’aujourd’hui sont souvent des jus surdosés. » (serait-ce un début de remise en question ?...)
D’un certain côté, les consommateurs sont considérés comme intraitables avec la constance de leur parfum : « les grands amateurs ou les clients fidèles remarquent ce genre de changement » témoigne Jacques Cavallier.
Et de l’autre « Nous sommes à une époque où les gens veulent savoir ce qu’il y a dans les produits » souligne Catherine Jarno, IFF.
La conclusion du dossier est qu’« à l’heure où le grand public demande du naturel à tout-va, son obsession du risque zéro conduit à exclure les plantes de ses parfums. »
Je ne sais pas vous, mais j’ai l’impression d’un serpent qui se mord la queue : le consommateur fait pression sur les marques qui font pression sur les maisons de composition qui se font pression sur elles-mêmes avec l’IFRA pour s’auto-réguler et tout modifier de peur qu’il n’y ait des problèmes avec les consommateurs...
Et si l’industrie du parfum reprenait elle même les choses en main en éduquant le consommateur pour qu’il comprenne qu’on ne peut pas demander l’impossible, plutôt que se tirer une balle dans le pied, au risque de tout perdre ?
Le parfum est devenu un business, soit, mais espérons quand même qu’au milieu de ce business puisse encore subsister un minimum d’art, pour la minorité de consommateurs que nous sommes, plus soucieux de nos émotions olfactives que de nos potentielles réactions épidermiques...
Thème
Ifrapar Jeanne Doré, le 10 mai 2010 à 22:36
AmouageGold, vous avez raison, les matières naturelles sont plus difficiles à breveter que les nouvelles molécules ! La comparaison avec Monsanto est, hélas, pertinente... la seule différence est qu’il n’existe pas de lobby de la parfumerie... j’ose donc encore espérer que ce n’est pas le but ultime de toutes les maisons de parfums de n’offrir que des parfums 100% synthétiques un jour !
Le Gnou, il est vrai que de nombreuses molécules aujourd’hui tombent dans le domaine public et sont donc fabriquées en Chine ou en Inde à moindre coût.
Concernant la remarque de J.Cavallier, j’imagine qu’il parle de ses propres compositions, car les parfumeurs qui retravaillent dans l’ombre les parfums des autres sont en général moins médiatisés que lui !
Mademoizaile, merci pour votre initiative, dommage qu’on ne fasse pas des parfums avec des noisettes !
je ne sais pas trop que vous dire pour vous renseigner, mais j’imagine que vous pouvez toujours écrire à Jean Paul Houri à l’IFRA ...
Tim Buktu, nous sommes bien d’accord, l’IFRA considère davantage les parfums comme un médicament "fonctionnel" que comme un art, comme la plupart d’entre nous.
Les gens veulent savoir ce qu’il y a dans les produits à partir du moment oú on leur fait peur ! Avant que les parabens ne soient décriés (tandis que d’autres conservateurs plus nocifs restent tranquilles) personne ne s’en souciaient, et cette phobie a donné naissance à un nouvelle mode du tout "sans parabens", même dans les produits qui n’en n’ont jamais contenu ! Il y a toujours un opportuniste marketing derrière la stigmatisation d’une matière... et surtout quand le consommateur n’y comprend rien ! On lui dit "bidule = mauvais", donc "sans bidule" devient forcément mieux... c’est tout le problème.
Clochette, moi aussi je ne suis pas très branchée débats stériles, c’est bien pour cela que je n’avais pas encore écrit sur le sujet, mais je trouvais que ce dossier dans Cosmetic Mag était un micro pas en avant qui méritait d’être mentionné.
Quant à faire une pétition ou agir d’une autre manière auprès des medias, je ne pense pas en avoir le pouvoir ni les moyens, mais j’adhère complètement à votre suggestion "vintage edition", c’est une idée à véhiculer ! Et pourquoi pas en allant le crier sous l’arc de Triomphe comme dans l’idée de Phoebus !!
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par Méchant Loup, le 10 mai 2010 à 23:48
Un madisson géant sous l’arc de triomphe avec la musique d’Edouard en fond et les paroles :"toi + moi + lui + elle etc"... en faisant défiler nos parfums préférés, le tout véhiculé sur nos réseaux bien aimés, c’est une idée a creuser... le parfum ne tue pas... vive le parfum !
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par Jicky, le 11 mai 2010 à 16:16
Je suis Méchant Loup !!! Phoebus au piano, et je sais faire... euh... du triangle^^
par Tim Buktu, le 10 mai 2010 à 17:45
« Nous somme à une époque où les gens veulent savoir ce qu’il y a dans les produits » souligne Catherine Jarno, IFF.
Bon, cette déclaration me laisse perplexe, c’est typiquement ce qu’on appelle une idée reçue. C’est vrai à la rigueur pour les cosmétiques (et le grand public ne connait, et encore, ceux qui s’intéressent à la question, qu’une ou 2 substances entrant dans leur composition comme le parabène ou les composés à base d’aluminium dans les antitranspirants).
Pour les parfums je ne pense pas qu’on soit très avancé si on découvre que son parfum préféré contient de l’eugénol, de l’iso-E super, du scatol, du cinnamol ou des damascones. C’est pourtant écrit sur la boite et parfois il faut la moitié d’un côté du carton pour recenser tous les composants. Où va-t-on ? A ce rythme dans quelques années il faudra ajouter au conditionnement des parfums une notice comme pour les médicaments ! Effets secondaires, précautions d’emploi, ne pas dépasser la dose prescrite, déconseillé aux femmes enceintes, et puis quoi encore ?
L’IFRA nous pond des amendements comme le Conseil de Sécurité des Nations Unies vote des résolutions.
Je viens de lire ceci sur leur site :
Benefits of Fragrance
We believe that fragrances make a tangible contribution to people’s everyday wellbeing, in some cases relieving stress, improving mood, aiding sleep and always providing a pleasant atmosphere.
C’est intéressant. C’est une vision très fonctionnelle de la parfumerie, on dirait une publicité pour des vitamines ! Aucune ambition esthétique, patrimoniale, aucune perspective historique ou culturelle. Je comprends que ces préoccupations fonctionnelles soient au centre de l’activité de l’IFRA pour les parfums d’ambiance, les détergents et les cosmétiques mais l’industrie de la parfumerie fine (fine fragrance) ne devrait-elle pas soustraire ses activités à l’hégémonie de l’IFRA ? Est-il fatal que l’Heure Bleue devienne un jour une victime collatérale des débats sur la toxicité de Canard WC fraicheur pêche abricot ?
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par clochette, le 10 mai 2010 à 18:15
Surtout que l’argument que vous citez est absurde, ce qui est en question, ce n’est pas l’information du consommateur, sinon qu’ils obligent donc l’annotion des produits susceptibles de causer des allergies et une instruction et voilà, plus de problème : "en cas d’allergie, vaporiser sur les vêtements" "éviter le contact avec la peau" etc.
Je me suis déjà beaucoup indignée à ce sujet, honnêtement je suis maintenant un peu blasée, les blogs lancent ces sujets régulièrement, mais aucun ne prend aucune initiative, et ça me fatigue ces débats stériles : on pourrait vraiment, sous l’impulsion de Jeanne, Denyse, Octavian, Sixtine, Juliette, Méchant Loup etc, faire deux choses : prendre la parole dans les médias (oui-oui, je sais, les annonceurs sont concernés, mais n’y a-t-il aucune ouverture ?), mettre à disposition des lecteurs des blogs parfums (on est pas mal nombreux je pense) une pétition réclamant : 1/ la réhabilitation des matières premières non cancérogènes et non mutagènes telles que la mousse de chêne, le jasmin de Grasse etc. 2/ la réédition des classiques dans leur formule originale (pourquoi pas sous forme de flanker, imaginez une vague de flankers "classique" ou "vintage" par ex :"Mitsouko classique") 3/ un étiquettage des parfums avec la date de leur formulation, les composants potentiellement allergènes, et les mentions que j’ai proposées plus haut.
Peut-être qu’il y a effectivement des lobbies derrière toutes ces réglementations ; moi j’aurais tendance à rendre les écolos-extrémistes type Greenpeace responsables, qui pernicieusement font germer l’idée que les parfums sont cancérigènes, mutagènes, provoquent de graves maladies respiratoires, menacent même la reproduction humaine... Avouez que ça dépasse les simples accusations d’allergies. D’autre part, j’accuse l’industrie du parfum, les responsables seulement préoccupés de profits de s’en ficher royalement. Eux, la dimension artistique de la parfumerie, ça leur passe bien au-dessus. Les nez, eux, étaient jusqu’à récemment dans un système de confidentialité, rappellez-vous, jusqu’à récemment, on ne connaissait pas leurs noms, alors que maintenant certains sont même "starifiés". Ils commencent doucement à sortir de leur réserve, peut-être un peu tard, mais il suffit de voir ce qu’un simple constat de créateur a comme incidence sur les législateurs ; il me semble qu’ils ne sont pas fermés au dialogue, que le souci était réellement au niveau de la communication.
Il est temps de nous faire entendre, nous les amoureux de ce beau patrimoine français.
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par tambourine, le 10 mai 2010 à 18:41
je suis assez d’accord avec vous, sauf qu’audelà du simple problème des des écologiques flippés et responsables, il ya en effet u vrai cynimse du marché, comme el souligne amouage gold, qu’on ne soupçonne sûrement.
mais comme vous je suis un peu blasée et ne sais plus quoi dire, à part toujours la même chose. J’aimerais vraiment pouvoir agir, que ce soit par le biais du blog, d’une pétition, d’une plus grande communication des amoureux du parfum dans le cadre des médias etc...
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par clochette, le 10 mai 2010 à 20:07
Bon, on est d’accord alors =) Qu’est-ce que vous attendez pour nous mettre au point un mouvement de révolte de la blogosphère contre les reformulations sauvages lors de vos rencontres entre privilégiés (je ne dis pas qu’il faut mettre Sylvaine dans le coup, hein) ?
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par carmencanada, le 10 mai 2010 à 23:33
Clochette, personnellement, comme Jeanne, je n’ai pas de vocation particulière à devenir la Passionaria de l’anti-IFRA : c’est un dossier qui a des ramifications politiques, scientifiques et économiques diaboliquement difficiles à maîtriser pour être pris au sérieux, et pratiquement un boulot à plein temps. Or, toute "privilégiée" que je sois avec mes trois pince-fesses qui se battent en duel, je dois travailler pour gagner ma vie. Si des parfumeurs de grandes maisons peinent à se faire entendre de ceux qui pourraient réellement avoir un impact sur les politiques de réglementation (les grands patrons, les politiques au niveau européen), je vois mal ce qu’une pétition y changerait. J’ai tenté de relancer la journaliste du Monde ayant publié les propos de François Demachy, Thierry Wasser et autres pour voir si elle comptait poursuivre sur sa lancée, elle n’a pas donné suite.
Je pense que le fait de parler publiquement des reformulations, ce que j’ai fait régulièrement sur Grain de Musc et à France-Inter, peut du moins servir à alerter le grand public qui recherche des infos sur le net. Ça n’est déjà pas rien.
par Mademoizaile, le 9 mai 2010 à 21:13
intéressée par le parfum depuis longtemps, je suis, par ailleurs, membre d’une association de personnes allergiques. J’ai discuté du sujet avec des membres de l’association et a priori (je dis a priori car je ne connais pas suffisemment le dossier) nous ne sommes pas d’accord avec ces suppressions de produits allergisants.
Autant nous condamnons la diffusion de produits parfurmés dans les lieux publics, autant nous estimons que chacun peut mettre ce qu’il veut sur lui.
Mon fils est allergique à la noisette, je ne vais pas exiger qu’on supprime le praliné de tous les gâteaux, par contre je veux juste savoir s’il y a de la noisette ou pas dans le produit que j’achète.
Avec une plus grande connaissance du dossier (d’ailleurs si vous pouvez me dire où me renseigner, ce serait super) nous pensons que nous pourrions agir pour arrêter le "massacre" olfactif. Qu’en pensez-vous ?
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par Phoebus, le 9 mai 2010 à 21:36
C’est très intelligent de votre part. Mais l’ennui, je crois, c’est que les parfumeurs préfèrent conserver "le secret" des formules de leurs parfums pour ne pas être copiés et garder un semblant de mystère autour de leurs oeuvres (ironique, n’est- ce pas, vu qu’ils se copient tous quand même alors au fond ça change quoi...?).
par AmouageGold, le 8 mai 2010 à 20:49
carmencanada a raison, le public se soucie a raison d’ailleurs bien plus des produits de synthese que de l’essence de rose !
Le discours bidon de Jean-Pierre Houri, président de l’IFRA, repose sur une seule chose, permettre aux grandes societes de parfums comme Givaudan, IFF et Firmenich de faire ce que des geants de l’agro-alimentaire comme Monsanto ont fait avec les OGM. "reinventer la nature" nous dit Monsanto sur leur site, traduire par "reinventer la nature pour en tirer de gros profits en milliard de dollars". Les matieres naturelles en parfumerie sont sur la scellette uniquement pour des histoires de gros profits. En les supprimant, ces grosses compagnies de parfum les remplacent avec des molecules de substitution qui elles sont breuvetees et rapportent de l’argent.
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par Le Gnou, le 9 mai 2010 à 13:40
C’est la théorie du complot des industriels des fragrances et arômes ! Mais elle n’est pas bien fondée.
Les industriels des fragrances et arômes ont aussi des intérêts dans les matières premières naturelles, par le biais de participations et de filiales. Et le business des MP naturelles a une meilleure valeur ajoutée que de produire de l’acétate de benzyle ou de l’Iso-E par bidon de 200 kg (Les industriels chinois low-cost le font très bien).
Dans la majorité des cas, ce sont les parfumeurs des industriels des fragrances et arômes qui formulent pour les marques de parfums. Lorsqu’une fragrance doit être reformulée suite à une nouvelle restriction de l’IFRA, l’ industriel doit le faire sans coûts supplémentaires pour la marque (en général, cela dépend du contrat entre l’industriel et la marque), c’est un peu du service après-vente. Donc l’industriel doit mobiliser des équipes de parfumeurs et de techniciens pour reformuler sans rémunération supplémentaire.
Le domaine "fine fragrances" n’est qu’une facette des activiés de ces industriels. Lorsqu’une molécule est frappée de restriction par l’IFRA dans la parfumerie fine, elle peut avoir encore des débouchés importants dans le domaine de la parfumerie fonctionnelle.
Pour en revenir à l’article de Jeanne, la position de Jacques Cavalier m’a interpellé. Pour moi, une reformulation est un travail de re-composition à l’identique dans la mesure du possible (comme une restauration), et non une ré-interprétation, ceci par respect du consommateur (sans même entrer dans le débat du respect de l’ "Oeuvre").
En fait, il faudrait savoir si J. Cavalier parle de compositions sur lesquelles il a travaillé à l’origine (il y aurait alors un début de légitimité) ou de formules qui ne sont pas les siennes.
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par Phoebus, le 9 mai 2010 à 14:02
Ah oui...Je ne sais pas trop quoi penser de ce qu’a dit J.Cavalier. De son point de vue, j’imagine qu’il essaye de reformuler au plus proche le parfum d’origine, mais que si le résultat final est sensiblement en dessous, alors il prend des libertés et trempe un orteil dans la "réinterprétation" pour essayer de rejoindre qualitativement l’oeuvre d’origine, avec quelques notes différentes mais qui donneront au résultat une impression globale plus proche de l’ancienne version...
En partant de ce principe là, je pourrais personnellement accepter et comprendre une reformulation/réinterprétation. Mais il ne faudrait pas que ce soit systématique.
par AmouageGold, le 9 mai 2010 à 20:49
Le Gnou, les histoires de valeurs ajoutees en economie ca fait tres "cours d’eco annees 80", epoque ou tout le monde pensait encore qu’il ne pouvait rien avoir de plus puissant qu’IBM, hors il s’est avere que comme dans tous les domaines de l’economie, ce sont ceux qui detiennent les droits intellectuels qui sont les plus puissants, dans ce cas Microsoft.
Peu importe si telle matiere premiere vaut plus que telle molecule synthetique sur le marche, il est fort probable que la propriete intellectuelle de cette derniere sera bien plus rentable en l’occurence dans la parfumerie puisqu’elle peut-etre utilisee a l’infini. Les droits reverses sont gigantesques et surpassent la cote d’une matiere naturelle d’exception qui ne s’adresse qu’a un petit marche, de plus en plus marginal dans la parfumerie d’aujourd’hui.
Le marche des droits intellectuels de societes de parfums que j’ai cite plus haut est equivalent a plusieurs milliards de dollars, il suffit de faire une recherche sur internet pour avoir les chiffres. Ils se livrent a une competition acharnee et meme si la haute parfumerie ne represente pas grand chose, c’est tout de meme un marche a exploiter.
Il est vrai que ces societes de parfums possedent par le biais de filiales certaines cultures de matieres naturelles dans le monde utilisees dans la parfumerie, mais c’est marginal et en decroissance. Nombre de ces societes ont revendu des terrains a Grasse parce que la speculation sur l’immobilier est plus rentable. Grasse a perdu 40% de surface cutivable pour la parfumerie depuis les annees 50.
Je vous invite vivement a regarder ce documentaire "The world according to Monsanto", vous verrez que la realite economique est bien plus cynique que les gens pensent. On vit dans des democraties certes mais de plus en plus sous l’emprise de lobbies ultra puissants.
Decribiliser la realite des choses en balancant le coup des theories du complot alors ca je vous assure c’est un grand classique ! Non seulement les pesticides en France ne seront pas, comme prevu, reduits de moitie en 2018, mais les puissants lobbies industriels ont obtenu du gouvernement francais le feu vert pour poursuivre le tout au pesticide, mais je sais, c’est certainement une theorie du complot. Les banques qui ont toutes ete sauvees par les gouvernements, ces memes banques et traders par le biais des equity market etc s’attaquent aujourd’hui a des pays vulnerables comme la Grece, mais je sais, ca ne peut etre qu’une theorie du complot...
par Phoebus, le 8 mai 2010 à 16:03
C’est intéressant. Bien sûr on est loin d’un article du genre "J’Accuse" de Zola, mais ça en dit quand même assez long pour faire réagir.
C’est dans ce genre d’atmosphère, de "crise à venir", qu’on peut entrapercevoir le vrai visage des grandes firmes. Ils ont l’air de trembler sur leurs fondations, et j’ai bien aimé le demi aveux sur "la vraie raison qui explique pourquoi il y a tant de lancements modernes et lisses chez toutes les marques". Le business, évidemment...Ils veulent assurer leurs arrières.
Ensuite je ne comprends pas très bien pourquoi ils veulent absolument tout reformuler (je veux dire : pourquoi ne pas garder pour moitié les anciennes formules, et pour moitié les nouvelles ? Les réactions cutanées dues aux parfums ne sont absolument pas majoritaires, alors pourquoi "punir" les autres aussi en dénaturant les classiques ? On sait si on réagit mal à un composant ou pas...Oh et puis tant qu’à faire, qu’ils marquent derrière les flacons tous les composants, après tout les personnes allergiques vivent très bien en vérifiant sur leur paquet de chips qu’il n’y a pas de traces d’arachides ou je ne sais quoi...).
Le véritable problème, je pense, c’est le système judiciaire. De ce que j’ai cru comprendre, les grandes firmes ont peur d’être attaquées par des consommateurs qui ont mal réagis à leurs produits...Je n’ai pas l’impression qu’il y en ait eu beaucoup en France, mais aux Etats-Unis, n’importe qui lance un procès contre n’importe qui pour n’importe quoi (s’ils mettent des bouts de carton autour des gobelets à café au Macdo, c’est parce qu’une consommatrice s’est un peu brûlée les doigts un jour et les a attaqués en justice... Et elle a gagné. Je sais, c’est stupide, mais si elle a gagné pour si peu, j’imagine que ça marche a fortiori pour les parfums qui peuvent déclencher des réactions...).
On en revient donc à l’argent, et c’est la que le "serpent se mord la queue". Parce que sans argent, pas d’œuvre, sans œuvre, pas d’argent. Avec les "vieilles oeuvres" (les classiques) ils risquent de perdre de l’argent s’ils se font attaquer, et avec les "nouvelles œuvres" (les reformulées) je pense qu’ils en perdront aussi vu que la qualité ne sera plus forcément au rendez vous. Mais on sait, nous, que certaines personnes (malheureusement assez nombreuses) peuvent acheter un parfum juste pour le concept, le flacon, ou la marque, sans vraiment se soucier du jus. On fait le calcul : dénaturer les classiques coûtera moins chers aux grandes marques puisqu’il y aura toujours des gens pour acheter les nouveaux lancements (à grand renfort de pub), plutôt que de prendre le risque de perdre gros avec les "jus traditionnels". Sur ce coup là j’accuse les Américains, parce qu’ils sont douillets, veulent tout aseptiser, et veulent toujours se faire dédomager au centuple s’il leur arrive quelque chose. par extension, j’accuse aussi la mondialisation, puisque les grandes firmes européennes exportent maintenant, bah oui, c’est le marketing. . .
Ma solution ? Je propose que les internautes d’Auparfum se réunissent à Paris pour faire un concert sur l’arc de triomphe (sisi, perso je joue du piano), avec une grande banderole "save perfumes" et le tout rediffusé sur TF1, bien sûr. Au point où on en est, on n’a plus que ça à faire...
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par eh-andy, le 8 mai 2010 à 17:10
ahah, sauvons les parfums sur TF1, et on aurait Carla en fond qui viendrait témoigner sur "Vol de nuit" en version originale (aaaaaaaaah), et puis on les remercierait, hein, les parfumeurs qui nous vendent 70euros un parfum dont la fabrication leur coûte 4 euros, 7 avec le flacon.. Eh bien, NON !!!
par Jeanne Doré, le 8 mai 2010 à 13:58
Jicky,
La comparaison avec les cigarettes est très pertinente, ont les autorise à grand renfort de messages de précaution, et elles ne seront jamais interdites car elles rapportent de l’argent aux états et sont soutenues par de puissants lobbies (cf le film Thank you for Smoking)
Carmencanada,
Tout à fait d’accord sur cette confusion/paradoxe naturels/chimiques, il faut être très prudent dans les mesages délivrés au grand public...
Cette tendance à plus transparence, à laquelle participe cet article, est vraiment très encourageante, elle montre que les principaux responsables au sein des maisons de composition se posent eux aussi parfois des questions...
Méchant Loup,
Oui, consolons nous de cette levée de tabou concernant la reformulation, c’est le début à tout : pouvoir en discuter ouvertement !
par Thierry Blondeau, le 8 mai 2010 à 10:44
Jeanne, comment ne pas partager votre dernière remarque au combien éloquente ? Au moins, on peut peut être se consoler par le fait que le sujet aie l’air d’être moins tabou et que les voix de certains parfumeurs et de certains consommateurs se fassent "un peu" entendre. Y aurait il un petit espoir ? Concernant l’éducation du consommateur, elle commence et le passionne, est indispensable, mais c’est un long chemin.
par carmencanada, le 8 mai 2010 à 10:42
Les appréhensions du public concernent en général les produits de synthèse, soupçonnés des pires méfaits : la chimiophobie est source de beaucoup de discours négatif sur le parfum, plus accentués aux USA et dans les pays nordiques, d’ailleurs. Il est donc ironique que ce soient les matières premières naturelles qui soient le plus directement menacées par les réglementations.
Mais il me paraît difficile de mener à bien une pédagogie vis-à-vis du grand public qui dirait "tous les synthétiques ne sont pas mauvais, certains produits naturels provoquent en revanche des allergies", car on risquerait de se retrouver non plus avec une chimiophobie, mais un rejet du parfum tout court.
On se dirige peut-être vers une plus grande transparence de la part des marques sur les reformulations, ce qui serait déjà, au moins, arrêter de tromper le consommateur sur la marchandise. Encore que j’en doute.
Quel que soit le cas de figure, seuls les médias grand public, et plus particulièrement la presse féminine, pourrait alerter un public suffisamment vaste pour faire pression sur les marques, or elle ne le fera pas sans le consentement de ces marques qui sont également leurs annonceurs. Il faut donc que la décision vienne de haut (allô, M. Arnault ?), et cette décision ne sera prise que lorsqu’elle affectera les bénéfices des marques... Mais comme on vend du nouveau "produit" en espérant capter celles qui, déçues par leur classique de toujours, changent de parfum... encore une fois, cercle vicieux.
La remarque finale de Francis Thibaudeau me paraît juste. J’ai confiance en la capacité de certains parfumeurs à créer de beaux parfums même dans un cadre beaucoup plus restrictif, mais en effet, ils pourraient perdre l’option d’utiliser généreusement de belles matières et là... c’est inquiétant.
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par mamyparfums, le 29 janvier 2012 à 16:08
Bonjour,
Je suis revendeuse professionnelle de parfums de destockage de marques, de source surplus, invendus et faillites et alors que sans remarques en 2009 et 2010, j’ai eu des problemes en 2011, me faisant accuser de vendre de la contrefaçon de marques. Mes clients m’ont dit que mon parfum ne sentait pas la même chose que celui qu’ils mettaient depuis 20 ans. J’ai remarqué que certains portaient un N° gravé sous la boite et d’autres non. J’en déduisis que les non gravés avaient subi une adjonction aux huiles essentielles de molécules de synthese. Or je ne crois pas me tromper en disant que dans un même mélange la synthese étant de forme moléculaire différente de celle des huiles essentielles, elle ne peut pas être missible aux formes moléculaires des huiles essentielles naturelles et donc antagonistes elles s’entrechoquent et le parfum étant un produit par définition vivant ( H.E) le transport lui est particulierement défavorable. Quand la poste le livre, si vous en mettez sans le laisser reposer 1 nuit, il pue c’est une horreur et apres cette nuit de repos les molécules ayant repris leur place, l’odeur est un bonheur mais avec une très légere différence de 1% avec son frere original non reformulé et gravé sous la boite. La synthese est une nature morte non associable avec la nature vivante qu’elle décompose. L’Europe détruit tout voir le bio Européen dans le but de satisfaire 2% d’allergiques qui ne l’étaient pas avant avec les anciens parfums. On nous parle des H.E de citron pamplemousse cannelle lesquelles sont utilisées en cuisine mais comment être certain que la réaction cutanée ne venait pas d’autre chose que le parfum mais d’un terrain corporel acidifié de part une dégradation de leur santé en carence de produits nutritifs essentiels . Cela parait léger de disqualifier un marché d’artistes créateurs de la nature verte et fleurie pour quels calculs de profits Européens avariés ? le parfum c’était le trésor de Lancôme devenu introuvable avec N°S gravés sous la boite donc non reformulé. CDT
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par Jeanne Doré, le 30 janvier 2012 à 21:39
Bonsoir Mamyparfum, votre théorie est interessante, et la tenue des parfums dans le temps est sans doute liée à leur composition. Cependant, il y a des "molécules de synthèse" tout comme des "molécules issues d’essences naturelles" dans la plupart des parfums, et certaines sont même identiques, seules leur origine varie ! Il n’y a donc pas, à ma connaissance, de phénomène d’"entre-chocs" entre les deux, mais simplement des réactions "chimiques" entre tous ces ingrédients, les naturels comme les synthétiques, qui sont hélas, difficiles à prévoir et à contrôler !
par Jicky, le 7 mai 2010 à 23:11
Oui, c’est exactement le cas d’une balle dans le pied toutes ces reformulations... On les veut par sécurité mais on les réfute parce qu’elles atteignent nos classiques.
C’est vrai qu’il y a un risque, mais il est minime, de l’ordre de <1pour cent. Et puis, si on réagi à un parfum, on le met pas . Point barre.
C’est vrai que moi ça me dépasse, mais être obligé d’arrêter Parure car il y avait deux trois personnes qui avaient la peau rouge après je trouve ça dommage. Quitte à perdre un peu d’argent (même si je m’inquiète pas trop pour Guerlain^^), il pourrait au moins garder et produire les formules, sans forcément vendre le parfum. Juste histoire de commémorer le culte !
Mince quoi !!! C’est vrai, Parure je l’ai connu par une voisine qu’il le portait et vous auriez vu sa tête lors de sa disparition....
Un business pour certaines marques, un moyen d’expression pour d’autres. Je pense que l’amour de la parfumerie restera quand même !
Ps : je que je comprend pas c’est que y’en a ils disent : " Ouais de toute façon la synthèse c’est que de la croitte, faut des essences naturelles dans les parfums " et tout et tout puis à côté ils réclament l’arrêt des essences naturelles, car potentiellement trop dangereux. Par contre, ils arrêtent pas la cigarette qui, je dis ça au hasard^^, fait plus de morts que les parfums !
Commerce, quand tu nous tient...
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