Cristalle

Lorsqu’à 13 ans, j’avais eu en cadeau à Noël mon premier parfum, Eau de Rochas, j’étais déçue car selon moi, ce n’était qu’une "eau de Cologne", pas un parfum pour femme. Quand j’ai reçu Anaïs Anaïs à l’anniversaire suivant, j’avais boudé devant ce parfum explicitement pour ado, dans son flacon blanc à fleurs mièvres. Lorsque, quelques années plus tard, on m’a offert un coffret Cristalle, la notion de "parfum pour jeune fille" avait soudain pris une toute autre signification. Il avait beau me sembler un peu "eau de Cologne" sur les bords, c’était mon premier Chanel, et la belle Claudia Schiffer sur la publicité revalorisait tout de même pas mal le genre.
Une Cologne, certes, mais terriblement signée 70’s, avec ses notes vertes et aromatiques extrêmes, voire stridentes, de galbanum, de basilic et de petit grain en départ. Les agrumes, citron et bergamote, créent simultanément une pétillance amère qui donne tout son sens au nom Cristalle : une fraîcheur cristalline, vibrante, "crissante", presque minérale, comme un bruit de verre brisé. Puis les notes vertes se prolongent sur un accord floral de chèvrefeuille, jacinthe, jasmin, plus féminin, élégant et sophistiqué, et se terminent doucement sur un accord boisé, mousse de chêne et vétiver.
Il a cette légèreté frétillante des accords hespéridés qui parviennent à étirer leur fraîcheur le plus loin possible, jusque dans les retranchements les plus confinés de ses dernières effluves.
Cristalle est finalement le plus Dior des Chanel, une sorte de Diorella mixé avec Chanel N°19. Le pendant féminin d’un couple à l’élégance indémodable et intemporelle, formé avec Chanel pour Monsieur, qui incarne en l’occurrence, un petit peu l’Eau Sauvage de la rue Cambon.
La version évoquée ici est l’eau de toilette, qui est pour les habituées le seul et unique Cristalle. L’eau de parfum, créée en 1993 par Jacques Polge, est presque un autre parfum, moins verte, plus fruitée, poudrée, certes plus facile au premier abord, mais tellement moins authentique...