Serge Lutens "Le parfum, seul décide"
par Jeanne Doré, le 23 novembre 2010
Il y a quelques mois, au détour d’un hasard fortuit et inattendu, Serge Lutens a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à quelques questions. C’est avec franchise, simplicité et un ton teinté d’humour et de poésie, qu’il s’est prêté au jeu des questions bien senties d’auparfum, qui n’a pourtant pas toujours été tendre avec certaines de ses créations. C’est tout à son honneur ! Je l’en remercie donc, et vous laisse le plaisir de découvrir ses réponses sur des sujets aussi variés que la critique de parfum, sa carrière, Bas de Soie ou les restrictions de l’IFRA...
- Votre personne et votre marque déchaînent les passions sur auparfum et d’autres blogs. Avez-vous conscience de cet effet auprès des gens ? Comment l’expliquez-vous ? Cultivez-vous volontairement un certain mystère ?
Je ne cultive pas le mystère mais si pour certains, par lui, j’existe, qu’y puis-je ? Peut-être est-ce celui du parfum qui agit ? Si j’ôte les chaînes aux passions, quelle plus belle vocation !
Sans doute, ceux qui aiment mes parfums s’y recentrent et s’y ressentent. C’est une réponse à eux-mêmes, mais là, je m’avance, je ne peux donner une explication pour autrui .
- Certains de vos parfums (Nuit de Cellophane, Bas de Soie...) n’ont pas reçu que des critiques élogieuses, en particulier sur ce site. Les avez-vous lues ? Comment appréhendez-vous la critique ?
Appréhender ou selon la définition du dictionnaire : « saisir au corps, saisir par l’esprit ou dans le sens plus courant, envisager quelque chose avec crainte, s’en inquiéter par avance. »
Je prends parfois connaissance des critiques ou plutôt, on me les fait connaître. J’adhère à toute liberté d’opinion et les sites, jusqu’à présent, répondent bien à ce point de vue. S’il y a critique, j’essaie d’en percevoir la nature. Parfois, je la considère gratuite, ou trop éloignée de ce que je souhaitais formuler. En essences, elle rejaillit un peu, non pas sur le parfum, mais mon attitude vis-à-vis de lui. L’ai-je suffisamment affirmé, était-il assez évident ?
- Pouvez-vous nous retracer votre parcours, et expliquer comment votre marque s’est-elle bâtie ?
C’est à l’âge de quatorze ans que je fus placé sans choix - je voulais être acteur - dans un salon de coiffure. « Un grand », comme on dit. J’ai vécu là deux années sans âme, mais, prises avec légèreté. « Séchoir et bigoudis ». Épingles passées au revêche propriétaire, dont l’attitude était encore aggravée par ma réserve…
Vers seize ans, je coupe le premier cordon.
Trop de monde. On me confia une jeune fille aussi triste que moi, et belle par cela. La première mèche tomba et trancha avec mon passé. La confiance naissait. Sa beauté fut ma vengeance, sans doute le devina-t-elle.
Ceci augura un ensemble de prédispositions où le visage deviendrait départ car, de la coiffure au maquillage, il n’y avait qu’un cil naturellement franchi. Un passage au blanc : filles poudrées, cheveux lissés. C’était en mains. Avant de le faire, je ne le savais pas. Passage au maquillage, je deviens « célèbre », d’abord avec Vogue, puis en suite naturelle, par Dior dont j’ai levé les couleurs, que les femmes ont porté en triomphe comme une libération. Ce n’était déjà plus du maquillage, mais une option d’affirmation.
En 1980, je rejoins le groupe Shiseido sous l’étiquette de « Directeur artistique », titre un peu à cheval sur n’importe quoi. Je fus simplement la personne qui fit d’un groupe japonais, une marque, en leur offrant une image.
Les Salons du Palais Royal sont déjà une histoire ancienne. Mon passé ne doit en rien figer. Le flacon ainsi que le décor sont liés au lieu, et la parfumerie - une volonté personnelle, surprenante à l’époque - était un nouveau faire face, utilisant des senteurs marginalisées dans des compositions dignes de poèmes cruels, m’ouvrant un nouveau « chant », après la photographie et le cinéma.
Je regretterais pour ma part que ce lieu et cette tentative pussent générer un snobisme, ce qui ferait mentir l’histoire, risquant de l’enfermer en niche. Enfoncer des portes ouvertes n’est pas le moyen de retrouver l’absolu.
Les flacons - de table - de cette parfumerie exclusive sont attachés au lieu et ne peuvent s’en détacher ; les parfums, eux, peuvent se déplacer à gré dans les deux présentations de flaconnage (table ou poche). Certains comme Ambre Sultan, Fleurs d’oranger, Chergui l’ont déjà fait. L’ensemble de ces lignes est signée « Serge Lutens ».
Leur qualité et le choix des essences, les composants sont identiques. Le choix définitif de leur orientation est donné souvent après la conception. L’expression est aussi personnelle dans les deux cas. Serge noire ou Clair de musc n’ont pas à envier les parfums les plus mythiques des Salons et si l’on veut comparer, par exemple : Sa Majesté la rose à Rose de nuit, la complexité de la composition du premier cité, définit plus encore la rose que celle de Rose de nuit qui est plus chatoyante.
- Vous êtes unanimement reconnu comme le pionnier d’une certaine parfumerie dite "de niche". Regardez-vous cependant ce que font les autres ? Quelles marques/parfums vous plaisent ?
C’est sans vanité que je vous réponds. Le parfum s’est placé devant moi. Si j’osais dire, il m’a tendu les bras. Je devinais que j’avais quelque chose à y faire, à dire. Avant cela, les parfums ne m’intéressaient pas. Je suis curieux, de tout. Autant la littérature, la peinture, l’architecture, le cinéma, la photographie sont des expressions visuelles qui me complètent. Une fois terminé, le parfum me quitte comme il était venu.
Autant sa gestation est une tension. Il doit avouer. C’est donc le sens que j’apporte à cette parfumerie.
Si je découvre un parfum, c’est toujours en croisant quelqu’un qui le porte, avec qui il fait unité. Il est rare que j’en décèle l’origine... aussi rare, ma foi, que les fois, où je me retourne !
- En sentant Bas de Soie, j’ai pensé qu’il était à la fois très "dans l’air du temps", à la suite d’une série de parfums lancés dans cette même lignée olfactive (Fleur de Liane, Un Matin d’orage, A scent...), et en même temps avec un fond très seventies, très vintage. Comment le décririez-vous ? Assumez-vous d’avoir fait un "parfum à la mode", même si vous êtes connu pour vous moquer des tendances ?
Je ne connais pas les parfums que vous citez et par la question précédente, à ce sujet, je peux vous garantir que les tendances ne sont pas ma préoccupation, sauf les miennes qui ne sont pas toujours dirigeables (tendance à…). Bas de soie est bâti sur un paradoxe et sur une couleur, le bleu mauve. Il associe principalement la fleur de jacinthe et le rhizome d’iris.
Le pivot est mon doute et l’impossibilité de trancher ou donner vainqueur l’une de ces deux séductions, pour les laisser l’une et l’autre dans un équilibre fragile, poudré, évoqué mais jamais prononcé. Un funambule en sorte.
- Cette atmosphère très florale, presque fraîche oserais-je dire, amorcée avec Nuit de Cellophane, et surtout L’Eau, est assez inhabituelle et nouvelle pour la marque, est-ce un virage volontaire, ou seulement un hasard ?
Nuit de cellophane, comme tous mes parfums, m’évoque un instant précis. Là, c’était Kyoto, un jour de fatigue et de décalage horaire, dans la chaleur épaisse d’un mois de juillet et la rencontre opportune de ce jasmin "mandariné", qui à cet instant fut un zeste sur mon esprit pesant.
L’Eau, elle, stagnait en moi depuis la sortie d’Ambre Sultan (1993). Je l’avais alors ébauchée sans en être satisfait. Je désirais pour elle, une fraîcheur durable, comme vous le savez, je suis un « anti-colognialiste ». Une fraîcheur de linge propre qui ne serait pas la restitution d’une odeur recueillie - ce qui relèverait uniquement de l’ordre chimique - mais plutôt de l’impression poétique, qu’elle avait imprimée sur moi, lors de son évocation.
Une émotion se traduit, un parfum n’est pas un citron pressé. Il faut du discernement et une mise en place. En essences, c’est un nouveau parti pris qui me stimule.
- Regardez-vous les résultats des ventes de vos parfums ? Vous arrive-t-il de vous dire que tel ou tel parfum a été décevant pour le public ? Acceptez-vous le fait de vous tromper parfois ? de vous remettre en question ?
Me remettre en question, je le fais tous les jours sur tout. Je connais les réactions et peut les chiffrer, mais cela ne modifie pas mon opinion sur le parfum. Jusqu’à preuve du contraire, mon seul client est le parfum.
- Je ne vous demanderai pas ce que vous pensez des reformulations-amputations imposées par l’IFRA aujourd’hui, vous vous êtes déjà largement exprimé sur le sujet. Pourriez-vous imaginer que certaines marques décident de mettre sur le marché des parfums estampillés "non conformes IFRA" ? Est ce que Serge Lutens aurait le droit, ou la liberté de faire cela ?
Je l’ai déjà envisagé et bien avant cette loi car petit à petit, c’est la farine que l’on retire au boulanger, mais les dossiers à remplir sont si complexes, quelques fois deux ou trois ans sans être sûr du résultat…Cette loi n’est pas toujours justifiée surtout quand il s’agit d’espèces cultivées. Ce n’est pas une volonté de nuire, en les censurant, de la part de l’IFRA mais plutôt, une méconnaissance, un manque d’approfondissement du sujet. Cela dit, je ne désespère pas trouver une solution à ce que je nomme une engeance.
Peut-être un jour verra-t-on apparaître sur l’étui « le parfum tue », « le parfum nuit gravement à la santé ». Tout cela dans la fumée des usines, des voitures ! Deux de mes parfums pourtant réalisés n’ont pu mettre la tête hors de la loi. Peut-être un jour, par cette prohibition, deviendrais-je un pirate ? Pourquoi pas !
- Quels sont vos rapports avec le groupe Shiseido qui détient votre marque ? Vous imposent-ils des contraintes ? Des objectifs à atteindre ? De quelle marge de manoeuvre disposez-vous ?
Mon nom est licencié. J’en reste le propriétaire. S’il y avait contrainte, elle serait l’œuf de la rupture. Les objectifs concernent la Direction de la marque.
- Lorsque vous êtes en cours de création d’un nouveau parfum, faites-vous sentir les différentes étapes à d’autres personnes que Christopher Sheldrake et vous-même ? Qui d’autre est impliqué dans la création d’un nouveau parfum ?
M’immerger tel un sous-marin, m’isoler dans l’idée. Personne, en dehors de Christopher Sheldrake, n’intervient avant la finalisation du parfum. Le parfum, seul décide.
- Travaillez-vous différemment pour les créations des Salons du Palais Royal et pour les parfums Serge Lutens ? A part certainement le prix des matières premières, comment définiriez-vous la différence entre les deux
Je pense avoir répondu à votre question concernant la présentation de la marque Serge Lutens. Souvent, et bien que travaillant un seul parfum à la fois, je cumule les missions et rien, d’avant sa finalisation, ne peut décider de sa destination : l’orphelinat de luxe du Palais Royal – maintenant Serge Lutens - ou la distribution sélective.
- Que faites-vous lorsque vous ne travaillez pas sur vos nouveaux parfums ?
La même chose que lorsque j’y travaille. Je suis concentré sur un sujet précis, que je ne lâcherai pas avant son aveu. J’écris, je lis…
- Vous avez dit que vous ne vous intéressiez pas au passé, mais quels sont selon vous les parfums les plus emblématiques de votre marque ? Et parmi les autres marques, quels sont pour vous les plus grands parfums des 100 dernières années ?
Les parfums emblématiques de la marque – je n’évoque ni le chiffre, ni la notoriété, mais ce qu’ils ont représentés pour moi, le temps de leur mise en œuvre – sont : Féminité du Bois et sa sœur Cèdre différemment aboutie, Ambre sultan, Chergui, Cuir mauresque et plus intime encore, Serge Noire… ?
A vrai dire, je ne remarque pas les parfums en soi. Par contre, je peux m’attacher à une senteur émise par l’allure ou la détermination d’une personne qui l’enlève, et si ma curiosité m’y oblige, et si l’opportunité m’en est donnée, je lui poserais la question.
Je peux être surpris de la variété de mes goûts, à l’intérieur du mien. Ils se ramifient, je dirais poétiquement.
Propos recueillis en septembre 2010
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par mitsouko, le 7 décembre 2010 à 09:20
Chère Clochette,
Sans doute sommes nous partis pris dans nos jugements sur les autres. A vrai dire, il est presque impossible de ne pas projeter nos propres émotions dans le regard que nous portons sur nos semblables. A moins d’avoir fait de nombreuses années d’analyses (et encore sans garantie absolue).
Personnellement, je suis hélas entourée de beaucoup trop de gens qui se prennent tellement au sérieux qu’ils en deviennent méprisant pour ne pas avoir projeté l’énervement que cela provoque chez moi sur les propos de monsieur Lutens.
Ceci dit, qui vous dit que vous ne tombez pas vous- même dans ce travers au sujet de ce même monsieur ?
Nous le voyons peut-être plus pédant qu’il ne l’est, mais vous lui donnez peut-être plus de qualité qu’il n’en mérite ? Ce qui est tout à votre honneur Clochette ; si vous voulez tant voir chez lui de la poésie, du second degré, de la sensibilité, c’est vraisemblablement parce que vous possédez ces qualités plus développée que chez la moyenne des gens.
Et je ne dis pas cela pour vous passer la brosse à reluire. C’est juste ce qu’il m’a semblé percevoir dans vos différent posts.
Pour en revenir à l’interview, par exemple, je trouve très étonnant concernant Bas de soie qu’il ne veuille pas même envisager une influence inconsciente des tendances du moment. Même s’il ne prête pas attention aux créations des autres il a forcément été confronté à ce genre d’effluves dans la vie de tous les jours. Qui sait si son inspiration n’a pas été enclenchée par un parfum vert du moment croisé dans la rue, et qui aurait marqué son esprit de maniére subliminale ? Le fait qu’il refuse la possibilité une influence extérieure même indirecte me laisse pantoise. J’y vois là au mieux un manque d’objectivité, au pire un manque d’humilité.
Mille excuses pour la longueur de ce post.
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par clochette, le 7 décembre 2010 à 14:58
Ooooh c’est gentil ça... Et hop, une Clochette toute rouge (ça donnerait quoi, en parfum, ça ? L’alliance du muguet et de la rose rouge j’imagine :p )
Attention, je vais me lancer dans un speach à la Edouard Baer/Otis dans "Astérix et Cléopâtre" mdr Plus sérieusement, je ne sais pas, j’ai connu beaucoup d’artistes très connus dans notre milieu (ce qui est assez normal, un grand soliste ou chef ou compositeur étant bien plus accessible qu’une Britney Spears), et j’ai seulement constaté que derrière ce type de discours peuvent se cacher toutes les personnalités (particulièrement marquées chez les chefs d’orchestre, mais c’est probablement parce-qu’ils sont particulièrement exposés, debout devant tout l’orchestre, "à nu") : certains autistes (d’ailleurs je travaille souvent au même pupitre qu’un autiste, vrai de vrai), d’autres sociables à l’extrême, lunaires, arrogantes, généreuses, despotiques, utopistes, blasés, passionnés, et beaucoup (ça va vous surprendre) de je-m’en-foutistes qui font de la musique comme d’autres font caissière au MacDo en regardant la montre toutes les 5 minutes... Chacun pouvant même passer de l’un à l’autre suivant les moments de la vie... C’est vraiment passionnant à voir, on pourrait en parler des heures (je parle trop ? ;) hehe), et j’observe chaque semaine l’alchimie entre ces différentes personnalités, chacun a une manière différente de réagir par rapport à chaque type de personnalité en fonction de son caractère et de son vécu. Personnellement j’ai beaucoup de tendresse pour chacun d’eux, parce-que je trouve ça tellement beau dans cette société gouvernée par le "paraître", le "avoir" de mettre autant d’énergie à créer du vent, finalement. Un son, une odeur, ça sort directement de l’imagination pour atteindre un instant l’ouïe, l’odorat d’une personne l’espace d’un instant ; faut quand-même être sérieusement siphonné pour mettre autant d’énergie à soigner un son, une odeur ! Alors tout ces gens qui mettent autant d’eux-même, de leur personnalité, de leur connaissance, de leur savoir-faire, de leur imagination là-dedans, ça me touche forcément. Et c’est normal que ça semble "déconnecté" et que ça exacerbe certains traits de caractère aux yeux des autres, après tout, le but de l’Art n’est pas de gommer les aspérités, on est là pour se mettre à nu, défauts comme qualités, pour offrir notre vérité. Et si ça en rend certains arrogants, tant pis, le paon qui fait la roue l’est aussi ! Et derrière cette arrogance nécessaire à l’exécution se cachent toujours remise en question, recherche de perfection, insatisfaction, aspiration à un idéal jamais atteint qui rendent même le plus arrogant des artistes extrêmement vulnérable, car la perfection n’existe pas et chaque son qu’on fait (chaque odeur qu’il crée j’imagine ?) nous le rappelle et nous met face à une insatisfaction envers nous-même...
Euh... bon voilà, je crois que je suis officiellement prête pour l’asile PTDR
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par T2000, le 13 août 2012 à 13:10
j’aime.. =)
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par Mado33, le 1er septembre 2013 à 18:48
C’est difficile de reprendre le fil^^ donc voici un article passionnant sur Serge Lutens :
SOURCE : KAFKAESQUE
par Jeanne Doré, le 6 décembre 2010 à 23:50
Je peux comprendre votre agacement, mais cela ne me surprend pas que Serge Lutens soit si "éloigné" du marché, car son travail est très complémentaire du parfumeur avec lequel il travaille, et qui lui, doit avoir une culture et une manière de travailler complètement différente (oui, je sais, vous voulez une iterview de Christopher Sheldrake, j’ai bien compris le message ;) )
Certains artistes ne sont créatifs que coupés du monde, seuls face à eux mêmes, à leurs émotions, leur univers, leur "moi intérieur", ils sont dans l’introspection et la reflexion auto-centrée.
Certes c’est narcissique, mais il faut absolument l’être un peu, voire beaucoup quand on se dit un artiste, sinon, on n’en est pas pas un !
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par clochette, le 7 décembre 2010 à 04:32
Je n’ai rien dit jusqu’à présent sur le sujet, parce-que je comprends la réaction de rejet de certains, et je n’aimerais pas sortir des clichés sur les artistes, mais effectivement, évoluant dans ce milieu, ça ne me dérange pas, j’aime cette forme de poésie, j’ai connu beaucoup d’artistes et parfois cette recherche d’absolu peut-être mal interprétée. Monsieur Lutens ne m’a jamais semblé arrogant, à moi, je trouve plutôt qu’il a l’air de quelqu’un de très sensible, doux, poétique, presque lunaire. L’unique chose qui m’irrite est le prix de ses produits, mais j’ai l’impression que c’est comme un pied de nez à la "snoberie" (?) de ses clientes. En règle générale je trouve beaucoup de deuxième degré et d’humour dans ce qu’il dit. Ce qui peut irriter, peut-être aussi, c’est l’attitude très "bourgeoise-qui-pète-plus-haut-que-son-cul" de certaines amatrices de Lutens. Il les caresse dans le sens du poil, mais il me semble avec humour et détachement. Ce n’est que mon impression, mais si finalement, il était avant tout quelqu’un sur qui les gens projettent tout et n’importe quoi, leurs désirs, leurs clichés, un peu d’eux-mêmes ? Etant l’artiste libre, innovateur et à contre-courant pour ceux qui aiment se penser qu’ils sont libres des carcans de la société ; le créateur méprisant et arrogant pour ceux qui ont l’impression d’être exclus de ce milieu ? Et si au final il n’était rien de tout ça ? S’il était juste un amoureux de la beauté qui aime faire les choses à sa manière, puisque ça marche et qu’il a la liberté financière de le faire ? Parce-que, laissez-moi casser une illusion, la liberté de création est possible avant-tout quand il y a les moyens financiers la permettant ! Un post très long et un peu décousu, c’est juste qu’à chaque fois que quelqu’un suscite des réactions aussi épidermiques, dans le négatif ou dans le positif (les 2 dans ce cas), ça me donne toujours l’impression que les éloges ou les critique se détachent de la personne concernée et qu’en fait ceux qui les émettent sont simplement en train de parler d’eux-mêmes...
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par clochette, le 7 décembre 2010 à 15:00
Mouais, en fait, voilà pourquoi je ne voulais rien écrire, parce-que ça donne ça, des coms interminables sans queue ni tête =D
par eh-andy, le 3 décembre 2010 à 17:04
au moins il a le mérite de ne pas prononcer des propos racistes comme Mr Guerlain, hum hum.. Mais c’est vrai qu’il est agaçant tout de même !
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par mitsouko, le 3 décembre 2010 à 20:45
Oui, entre Serge Lutens qui réfléchit trop à ce qu’il dit au point de devenir pompeux et Jean-Paul Guerlain qui ne réfléchit pas assez et tombe dans le cliché raciste......
Je confirme : ça casse le mythe.
par mitsouko, le 3 décembre 2010 à 15:48
C’est drôle, mais quand je lis l’avis de lililatigresse, j’ai la nette impression qu’elle a su parfaitement décrire ce que j’ai moi-même pensé de cette interview.
Encore un homme qui se donne beaucoup de mal pour avoir l’air intelligent (du coup on se demande : l’est-il vraiment ?)
Au début je me suis demandée s’il était complètement barré ou tellement enfermé dans son monde qu’il n’arrive plus à communiquer comme le commun des mortels. Mais quand il s’avère incapable de citer un parfum d’une autre marque qui l’aurait ému ou interessé, je n’ai pu m’empêcher de penser : "quel prétentieux !"
Est-il possible qu’aucun parfum ne soit digne d’intérêt pour ce monsieur ? Ainsi donc, lui seul serait capable de créer des parfums dignes de ce nom ? Wouaouh, vive lui ! Jacques Guerlain et tant d’autres génies peuvent aller se rhabiller ? Mazette !
Fort heureusement, que monsieur Lutens se montre pédant ne m’empêche nullement d’admirer la beauté de ses parfums. J’ai eu un vrai coup de foudre pour Féminité du bois, et pour Chergui aussi, et Ambre sultan et.... bon j’arrête là.
Mais entre nous, je trouve qu’humainement parlant le bonhomme n’arrive pas à la cheville de son oeuvre. L’écouter parler, ça casse le mythe. C’est dommage.
par lililatigresse, le 3 décembre 2010 à 12:10
J’ai attendu pas mal de temps avant de me décider à commenter cette interview, si ce que j’allais écrire nécessitait de l’être. Sans doute que non, mais je ne puis plus résister.
Avant de venir sur ce site, je ne connaissais pas Serge Lutens. J’ai lu toutes les critiques de ses parfums, en ai senti quelques-uns, porté aucun, non qu’aucun ne soit bon, mais que je n’ai eu aucun coup de foudre (mais rien n’est définitif !). En lisant cet entretien, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire, puis finalement de rire : ce type s’adore, il prend des poses de poète existentialiste et utilise un langage alambiqué, mais non joli ni poétique à mon sens, pour nous expliquer qu’il n’est influencé par rien si ce n’est par sa propre vie. Ce qu’il dit sur l’IFRA est le seul passage que j’ai trouvé réellement intéressant, j’attends d’ailleurs de voir ce que cela donnera et si Serge deviendra "un pirate", ou pas...
Je ne remets pas en cause ses talents de parfumeur, ni le fait qu’il fasse partie d’une certaine avant-garde, c’est juste que cette façon de s’exprimer, que je trouve pédante, ne rend pas, à mes yeux, l’homme très intéressant. C’est dommage.
par Jeanne Doré, le 30 novembre 2010 à 23:03
Merci à tous pour vos commentaires, qui sont presque unanimement.. sceptiques & contrastés !
Uella, je ne connais pas le maquillage de Serge Lutens, je n’ai même pas pensé à le questionner à ce sujet, mais cela donne envie d’essayer !
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par Uella, le 30 novembre 2010 à 23:43
Jeanne, j’admet que l’acces aux "Essentiels de Beaute" commercialises par la chaine du grand magasin Barney’s aux Etats-Unis (l’equivalent americain du Bon Marche dans sept grandes villes americaines) est sans doute plus aise qu’en France ou il faut se rendre exclusivement aux Salons du Palais Royal. Les prix sont eleves mais la qualite est epoustouflante. Que ce soit la base de teint, les fards ou le crayon correcteur, je n’ai jamais porte un maquillage aussi leger qui tienne sans bouger jusqu’au demaquillage.
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par clochette, le 1er décembre 2010 à 01:06
Des prix si élevés qu’on est bien contente quand on a la chance d’avoir une peau qui est belle nue et n’a pas besoin de fard...
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par Uella, le 3 décembre 2010 à 01:07
clochette, le maquillage n’est pas forcement synonyme de camouflage. Il n’y a rien de pire que l’utilisation de fonds de teints epaix et trop fonces pour tenter de faire dispairaitre une peau disgracieuse. Une peau sublimee au naturel offre un visage ideal pour s’amuser a accentuer les levres ou le regard sans faire poule-poule, personnellement j’aime a la folie les fards-a-levres Garde Rose et Pourpre Maure ;-)
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par clochette, le 3 décembre 2010 à 10:04
Mais je sais bien, pour avoir fait du mannequinnat et apppris beaucoup de "tips" des maquilleurs pros, je monte sur scène chaque semaine alors le maquillage de scène je connais aussi, je sais surtout que rien ne justifie ce prix pour ces produits. Il y a beaucoup de marques qui proposent des produits qui permettent d’obtenir l’effet qu’on veut à petit prix. Et au quotidien, rien ne vaut une peau simplement belle bien hydratée avec une touche de mascara ou de rouge-à-lèvres ! Enfin, ce n’est que mon avis.
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par Zettina, le 1er juin 2011 à 17:15
Pourquoi le maquillage Lutens est-il cher ?
J’apporterai une première explication : les boîtiers. Ils sont en laque, de qualité japonaise. Je ne sais pas si vous avez déjà eu l’occasion de manipuler des boîtes japonaises en laque, c’est un matériau très particulier qui demande du temps à la fabrication et qui est d’une grande solidité mais également d’une grande beauté. Mais c’est un matériau cher. Ces boîtiers durent longtemps et ont vocation à durer puisque la maison Lutens propose des recharges - en passant, très pratique quand on veut utiliser une couleur plus soutenue aux beaux jours -. Et ces recharges sont, elles, au prix du marché de la parfumerie dite "grandes marques". Donc, on ne jette pas. Et ces magnifiques boîtiers sont de beaux objets et je dois dire que, moi qui me farde avec plaisir depuis de très nombreuses années (....!) j’apprécie le matin de manipuler ces objets. Pendant quelques minutes, je suis une princesse japonaise.
Deuxième explication : Uella a raison, de mon point de vue. J’ai également été mannequin, (photos et défilés), je connais les "tips" dont parle à juste titre Clochette. Mais ces trucs et tours de main ne valent que pour un éclairage particulier. Mettez au défi un make up artist de vous sublimer dans l’invisible... Il travaillent tous pour la lumière artificielle. Ces "tips" ne fonctionnent que dans l’éclairage électrique. Sortez, de préférence en plein soleil, et vous êtes lamentable. De plus, les MUA ne travaillent que pour l’éphère et le rendu immédiat (temps de la photo et du défilé).
Or les fards Lutens vous subliment d’une façon absolument incroyable, en quelques minutes (je vous jure que le matin, quand il faut se presser pour aller déposer le petit à l’école, ça compte) et ils tiennent absolument toute la journée.
Je suis d’accord avec Uella, quand on commence, on ne peut plus revenir en arrière.
par Uella, le 30 novembre 2010 à 01:26
Serge Lutens a toujours dit qu’il n’a jamais aime une certaine parfumerie francaise, celle d’Edmond Roudnitska par exemple, L’Eau Sauvage qui represente selon lui le genre de parfum detestable au plus haut point. Ca ne m’etonne donc pas qu’il ne s’interesse ni de pres ni de loin aux autres parfumeurs. Sectarisme ? Affirmatif, et quoi d’autre ?
Personnellement si ce n’etait pas pour Serge Lutens, je ne me parfumerais plus. La parfumerie actuelle m’ennuit a mourir, les classiques reformules je ne veux plus en entendre parler, mes parfums du moment sont Chypre Rouge, Bas de Soie, Nuit de Cellophane, Feminite du Bois et le merveilleux A la Nuit.
J’aurais aime une question a propos de sa gamme de maquillage, il faut savoir que les ventes de maquillage Serge Lutens dans les points de vente Barney’s aux Etats-Unis surpassent celles de ses parfums. Des qu’on se farde en Lutens, on est fichu, impossible de faire marche arriere. Quelle liberation ce maquillage ! Serge Lutens a invente le voile invisible, ses fards subliment le teint sans faire "maquillage" avec des tons qui varient entre froids et neutres, on est tres loin de la vulgarite des teints actuels ultra-chauds que l’on retrouve chez toutes les grandes marques qui cherchent a reproduire l’idee mainstream de la femme bronzee toute l’annee.
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par Tim Buktu, le 30 novembre 2010 à 17:10
Lutens... fait du Lutens, jusque dans ses tournures qui pastichent une certaine obscurité mallarméenne (le parfum VIRGULE seul décide). Qu’il déteste la parfumerie de Roudnitska, au fond, cela n’a pas très grande importance. Il s’attire les mêmes regards amusés que les gens qui disent détester Berlioz ou Cézanne. On ne bâtit rien sur rien, y compris lorsque l’on veut rompre avec une certaine tradition. J’apprécie cependant "Une émotion se traduit, un parfum n’est pas un citron pressé.", il n’y a pas de plus bel hommage (involontaire) à la tradition française de la parfumerie abstraite, Chanel en particulier.
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par Uella, le 30 novembre 2010 à 23:26
Tim, selon Serge Lutens le parfum est arabe, sa parfumerie s’inspire directement de cette tradition ou le parfum n’est pas un sent-bon pour homme ou pour femme mais un lien culturel et religieux (l’Iman se parfume apres avoir rendu visite a sa promise et non avant). L’Eau Sauvage represente la quintessence du parfum pour homme que les americains appellent d’ailleurs "cologne" et surtout pas parfum (ce qui va bien dans le sens de l’idee de la parfumerie selon Serge Lutens), une senteur expressement fraiche, propre et virile. De meme, L’Eau Serge Lutens a tres justement ete marketee comme un anti-parfum ou une senteur propre que l’on utilise apres la toilette, son utilisation a caractere fonctionnel ne peut en faire un parfum.
par eh-andy, le 29 novembre 2010 à 17:29
je suis mi-agacé mi-séduit par ce discours. Il me plaît, mais il est un peu trop marketé. Je ne crois pas une seule seconde, pas une seule que Mr Lutens n’aille pas voir ce qui sort de nouveau.Ou pire, ne connaisse pas les classiques. Malgré cela, il reste que son discours est cohérent. C’est assez rare en parfumerie pour qu’on le note. Merci Jeanne pour cet article intéressant.
par Jicky, le 28 novembre 2010 à 22:53
Belle interview Jeanne (quel privilège ! Ses interventions se font au compte goutte il me semble !).
Je vais pas vraiment m’étendre ce soir, je pense que je vais reposter plus tard dans la semaine, mais là j’ai de moins en moins le temps de flaner sur auparfum (j’imagine que vous aviez remarqué ^^)
Je respecte les créations de M. Lutens, toutes aussi interessantes les unes que les autres (bon, sauf peut être pour L’Eau, même avec tout le baratin derrière, j’ai du mal à adhérer).
Mais là, je sais pas, il devait porter Iris Silver Mist, car je le trouve un peu... un peu froid (je vois déjà Uella me foncer dessus à train de m’égorger à coup de noeud d’acier tranchant de Miss Dior Chérie :p).
Je sais pas si vous remarquez, mais aucun autre nom de parfum, de marque n’est cité. Même dans ses autres interviews. Alors, oui, Serge Lutens est un homme du milieu quand même à part, mais ça m’étonnerait qu’il ne soit jamais tombé sur un flacon du n°19 ! Ni même qu’il n’ait jamais sniffer en douce quelques effluves de Shalimar. Et là, je trouve que c’est pas cohérent son discours.
Finalement, je préfère quand il parle de sujet sur la parfumerie, que sur ses parfums même. Parce que le coup de la belle métaphore filée de 30 champs lexicaux tous unis pour parler d’un de ses parfums ça fait bizarre.
Bon après, je sais que bizarrement, c’est totalement pour ça qu’on l’aime notre mister Lutens : il fait pas les choses à moitié. Mais bon, je préfère son intervention sur les pirates de l’IFRA ! Ca c’est une idée géniale ! Enfin, je veux dire la reflexion qui va derrière (je dis ça parce que sinon, je vais me faire kidnapper par des espions biélorusses de l’IFRA :p - et je n’ai rien contre les biélorusses !)
J’aime bien par contre sa phrase "le parfum n’est pas un citron pressé". C’est tellement ça ! Des fois y’a des gens de mon lycée qui se sentent obligés de me dire "ah la dedans y’a de la vanille, du jasmin ou je ne sais quoi". J’ai envie de leur dire : "Mais ! Oh ! Par l’orgue à parfum de Jacques Guerlain ! Ton nez il est "pure", tu sens le tout, tu décomposes pas ! C’est ta qualité ! C’est avec ça qu’on peut raisonner parfum" ! Puis après, il y a tout l’art du parfum : ce n’est pas un citron pressé, mais plutôt une ribambelle de zestes de citron que l’on assemble côte à côte et que l’on teint de manière harmonieuse, ou non, pour faire naitre un nouvel agrume !
Vive l’odorat !
par Jeanne Doré, le 27 novembre 2010 à 14:32
Merci Dau, j’ai cru un moment que je ne pourrais ps publier cette interview, mais je suis contente que ce soit fait !
Je vous avoue que j’étais surprise aussi que M.Lutens dise ne pas s’intéresser aux autres parfums, mais d’un autre côté, cela n’est peut-être pas si surprenant.
J’aurais beaucoup aimé lui poser d’autres questions à ce propos, (et bien sûr, pouvoir aussi interroger Sheldrake !) mais j’ose imaginer qu’il donne au parfumeur des éléments "non parfum", comme un souvenir, une emotion, un contexte, et que c’est Cheldrake qui interprète en odeurs, en lui soumettant, j’imagine, plusieurs options, et Lutens choisit la piste qu’il estime la plus adaptée ? (en attendant la prochaine intervew de Christopher Sheldrake, c’est juste une hypothèse !)
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