Auparfum

Ces parfums qui ont soufflé leurs bougies en 2022

par Anne-Sophie Hojlo, le 18 novembre 2022

Ils ont marqué leur temps et continuent de teinter notre paysage olfactif après une ou plusieurs décennies d’existence. Alors que l’année se termine, retour sur les créations emblématiques qui ont soufflé leurs bougies ces derniers mois, entre illustres aînés et jeunes premiers.

Les 110 ans de L’Heure bleue, Guerlain

En 1912, Jacques Guerlain traduit ce moment suspendu, à la tombée de la nuit, où le ciel prend une teinte bleutée particulière, grâce à des nuances fleuries, anisées et poudrées de fleur d’oranger, d’iris et d’œillet, sur un fond ambré infiniment tendre et moelleux. À l’aube de la Première Guerre mondiale, L’Heure bleue symbolise cette période de calme avant la tempête qu’a représentée la Belle Époque.

Les 100 ans de :

N°22, Chanel
Quand Gabrielle Chanel demande au parfumeur Ernest Beaux de lui créer « un parfum de femme à odeur de femme », le N°22 figure parmi les essais présentés, comme le N°5 qui lui sera préféré. Lancé en 1922, un an après son illustre aîné, il en constitue une variation à l’atmosphère plus chaude et ambrée, dans laquelle s’épanouit notamment un ylang-ylang solaire et épicé, rendu scintillant par les aldéhydes, sur un lit de santal crémeux.

Nuit de Noël, Caron
C’est sa compagne Félicie Wanpouille qui suggère à Ernest Daltroff une création sur le thème de la nuit du 24 décembre. Le parfum donne la part belle à l’absolue de rose, habillée d’une surdose de Mousse de Saxe. Cette base de Laire adoucit l’isobutyle quinoléine (IBQ), une molécule de synthèse à l’odeur cuirée verte, nouvelle et considérée comme particulièrement audacieuse à l’époque, grâce à des notes de géranium et de vanilline. À l’occasion de son centenaire, Caron propose une réédition numérotée de Nuit de Noël, dans une version la plus proche possible de l’original et dans son écrin d’origine.

Les 50 ans de Diorella, Dior
En 1972, Edmond Roudnitska nous offre une création souvent considérée comme la version féminine de l’Eau sauvage, lancée six ans plus tôt. S’inscrivant dans la tendance des eaux chyprées, Diorella se veut un parfum chic mais décontracté, destiné à une nouvelle clientèle qui porte le jean plutôt que le tailleur. Son ouverture hespéridée dévoile un cœur de jasmin ourlé de facettes fruitées de melon presque blet et de notes chyprées boisées. Une composition au rendu à la fois limpide et charnel, qui aurait été la favorite de son créateur.

Les 40 ans de Vanderbilt, Gloria Vanderbilt
Moins chic que Paris ou Trésor, car vendu en grande distribution, Vanderbilt n’en est pas moins lui aussi un digne représentant du style de Sophia Grojsman. Pour Gloria Vanderbilt, richissime héritière et figure de la haute société new-yorkaise, la parfumeuse américaine a imaginé en 1982 un bouquet aldéhydé classique, dans lequel on retrouve sa signature généreusement poudrée et musquée, aussi douillette que confortable. Une bulle – voire une boule – de douceur que l’on peut toujours s’offrir à prix modique.

Les 30 ans de :

L’Eau d’Issey, Issey Miyake
En 1992, la mode novatrice du styliste japonais est transposée en parfum. N’appréciant guère les odeurs fortes, considérées comme intrusives au Japon, Issey Miyake souhaite que la première composition qui porte son nom sente… l’eau. Jacques Cavallier Belletrud habille la Calone, molécule artificielle à l’odeur ozonique, de fruits d’eau et de notes poudrées et miellées, dans un floral aquatique au sillage finalement affirmé et identifiable, qui marque l’époque.

Eau parfumée au thé vert, Bulgari
S’inscrivant elle aussi dans la quête de pureté et d’authenticité qui caractérise le début des années 1990, cette composition a été inspirée à Jean-Claude Ellena par une tasse de thé Darjeeling. Plutôt qu’une traduction fidèle, le parfumeur en propose une réinterprétation libre, dans un style épuré qui est devenue sa signature. Si cet accord de notes hespéridées avec des ionones à odeur de violette, saupoudré d’épices et enveloppé d’Hedione, avait d’abord été refusé par Dior pour le projet qui deviendra Fahrenheit, il a par la suite été repris dans de nombreux produits parfumés au thé vert.

Angel, Mugler
L’univers de Thierry Mugler, célébrant une féminité exacerbée et futuriste, trouve sa traduction olfactive en 1992. Le créateur veut une composition qui lui rappelle les fêtes foraines de son enfance : Olivier Cresp propose de revisiter l’accord oriental avec une note gustative d’éthyl maltol, molécule jusqu’alors très peu utilisée en parfumerie, et en contrepoint un patchouli noir et terreux. Novateur et polarisant, le parfum à l’étoile bleue mit quelques années avant de connaître un succès jamais démenti depuis, donnant naissance à la famille olfactive des gourmands qui domine le marché depuis trente ans.

Féminité du bois, Serge Lutens
Toujours en 1992, décidément une année marquante pour la parfumerie contemporaine, Serge Lutens, alors chez Shiseido, souhaite rendre hommage au bois de cèdre de l’Atlas qu’il a découvert au Maroc, et décide d’en faire la colonne vertébrale d’une création féminine - une idée révolutionnaire à l’époque. Christopher Sheldrake commence le parfum en composant une base autour du cèdre, et c’est Pierre Bourdon qui est chargé de le terminer. Ce dernier explique avoir complété la formule avec un accord très épicé inspiré de l’Eau d’Hermès, ainsi que des notes de vanille et de pêche. Féminité du bois rejoint la collection Serge Lutens en 2009 et reste aujourd’hui un de ses best-sellers.

Les 20 ans de :

M7, Yves Saint Laurent
Sous la houlette de Tom Ford, directeur artistique de la maison, Jacques Cavallier Belletrud et Alberto Morillas signent en 2002 une des compositions les plus visionnaires de l’époque. M7 est le premier parfum occidental à revendiquer une matière première devenue depuis omniprésente : l’oud, ou bois d’agar. Ses facettes animales sont ici évoquées grâce à un accord paré d’épices et de notes boisées, ambrées et musquées, pour un résultat mâle et charnel.

Vétiver extraordinaire, Éditions de parfums Frédéric Malle
Lorsqu’ils travaillaient tous deux chez Roure (aujourd’hui Givaudan), Frédéric Malle portait un accord boisé que Dominique Ropion lui avait composé. Vétiver extraordinaire est né de cette formule et d’une nouvelle qualité de vétiver issue d’une distillation moléculaire. Débarrassée de ses aspects terpéniques et camphrés, l’essence peut être utilisée en overdose : elle constitue ici 25% de la formule, selon la marque. Annoncée par une tête fraîche et hespéridée et soutenue par une charpente de Cashmeran, la racine déploie son aura lumineuse.

Les 10 ans de :

La vie est belle, Lancôme
En 2012, la marque à la rose crée avec l’aide du trio Dominique Ropion, Olivier Polge et Anne Flipo ce qui sera le plus gros carton de la décennie. Un accord gourmand à la teneur en glucose et à la puissance poussées à l’extrême, avec une star internationale comme tête de gondole : si ce n’est sans doute pas la meilleure façon de tourner le dos aux conventions et aux diktats comme le promet la pub, c’est bel et bien la recette imparable du succès – déclinée depuis dans une multitude de flankers.

Spicebomb, Viktor & Rolf
Toujours en 2012, on retrouve Olivier Polge chez Viktor & Rolf derrière une composition masculine qui cette fois sort bien des clichés du genre. Le parfumeur a concocté une véritable explosion d’épices, entre poivre piquant, safran brûlant et suave cannelle, sur un fond chaud et liquoreux de notes cuirées, tabacées et ambrées.

La Petite Robe noire, Guerlain
​La maison parisienne lance en 2009 une première version de La Petite Robe noire en édition limitée, signée Delphine Jelk. Cette dernière raconte avoir imaginé cette note de macaron framboise-cerise twistée par des facettes thé fumé et réglisse en voyant la Marie Antoinette de Sofia Coppola manger des pâtisseries en Converse. Rapidement en rupture de stock, le parfum est légèrement retouché par Thierry Wasser pour connaître un lancement international en 2012, puis de nombreuses déclinaisons.

Bois d’ascèse, Naomi Goodsir
Lorsqu’elle décide de se tourner vers la parfumerie, la créatrice australienne de chapeaux et d’accessoires de mode reste fidèle à son univers sombre, excentrique, un brin gothique. Pour Bois d’ascèse, elle fait appel à Julien Rasquinet qui choisit de travailler le bois de cade et l’encens, déclinant le thème boisé fumé en cinquante nuances de noir. D’abord radical et presque austère, le parfum dévoile une évolution plus ambrée et chaleureuse au contact de la peau. Un galop d’essai réussi qui a intronisé Naomi Goodsir parmi les marques à suivre pour les amateurs de parfum.

Et vous, parmi tous ces parfums qui ont soufflé leurs bougies cette année, avez-vous un favori ?

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