Chamade
Guerlain
Les Classiques
- Marque : Guerlain
- Année : 1969
- Créé par : Jean-Paul Guerlain
- Genre : Féminin
- Famille : Florale - Orientale
- Style : Classique - Élégant
Souvent femme varie
par Aurélien Caillault (PoisonFlower), le 16 octobre 2014
Chamade. Comme souvent chez Guerlain, une belle fragrance commence par un joli nom. Dans le cas présent, celui-ci étonne par sa simplicité et tranche avec les intitulés poétiques (Après l’Ondée, L’Heure bleue, Vol de Nuit, Chant d’Arômes), les noms, surnoms ou prénoms à consonance exotique et/ou mystérieuse (Jicky, Mitsouko, Shalimar, Liu), qui prévalaient jusqu’alors pour les classiques féminins de la marque.
Ici, point de japonais ou de sanscrit, tout juste une référence au roman de Françoise Sagan, La Chamade, adapté au cinéma l’année précédant la sortie du parfum, qui brosse le portrait d’une jeune femme oisive, incarnée par Catherine Deneuve, dont le cœur balance entre le confort matériel que lui apporte un amant d’âge mûr et la fougue d’un autre plus jeune, mais sans le sou.
Cette manière plus directe de nommer un féminin, sans doute moins anodine qu’il n’y paraît, peut être considérée comme un signe d’émancipation de Jean-Paul Guerlain de la tutelle de son illustre grand-père, Jacques Guerlain, disparu en 1963.
Il avait en effet débuté en 1955 en collaborant avec son aïeul à la création du parfum Ode. Son premier féminin en solo fut Chant d’Arômes, lancé en 1962, sage fleuri aldéhydé chypré avec lequel il avait eu à cœur de ne pas décevoir l’auteur de Shalimar.
Pour Chamade, on peut imaginer que Jean-Paul Guerlain s’est senti plus libre pour créer et insuffler de la nouveauté au style Guerlain, qui avait besoin d’être renouvelé, après une longue série d’échecs successifs dans les années 40 et 50. C’est que le défi allait être de séduire une génération de femmes en quête de liberté et de modernité, au moment où la société française connaissait de profondes mutations suite aux événements de mai 68.
L’innovation a consisté en l’introduction pour la première fois en parfumerie d’une note fruitée délicate à manier, celle du bourgeon de cassis, à l’odeur verte et soufrée. Au lieu de chercher à l’arrondir, le parfumeur lui a associé un duo vert, acerbe et froid de galbanum et de jacinthe, qui impose une séduction distante.
Le cœur est plus classique, pour ne pas dire bourgeois, et fait s’épanouir un bouquet de jasmin et d’ylang-ylang, où la rose se fait aldéhydée, savonneuse, poudrée et annonce Nahema. Il fait le lien entre les notes vertes caractéristiques des années 70 à venir (que l’on retrouvera effectivement tout au long de la décennie, qu’elles soient poudrées, aldéhydées, rosées, chyprées ou même hespéridées : N°19, Rive gauche, Alliage, Private Collection, Cristalle, Eau de campagne...) et le fond ambré crémeux (vanille, benjoin, santal, vétiver) plus intemporel et typiquement Guerlain.
On ne s’en rend peut-être plus compte aujourd’hui, mais un vent de liberté souffle pourtant dans ce parfum. Avec sa succession de facettes et de styles différents, il renvoie bien à cette femme de la fin des années 60, qui refuse désormais de se laisser enfermer dans une case (ou dans sa cuisine...), qui veut tout autant être femme que maîtresse et avant tout maîtresse de son destin et de sa vie.
Je sais bien qu’il rendait paraît-il hommage à Brigitte Bardot, mais en respirant Chamade je retrouve davantage l’indépendance de Catherine Deneuve et ce n’est pas juste parce qu’elle a joué dans un film qui s’appelle La Chamade.
L’actrice a effectivement toujours su gérer sa vie de femme et sa carrière comme elle l’entendait, gardant la bonne distance avec son métier et ne donnant que ce qu’elle a envie de donner (notamment au niveau de sa vie privée), jonglant entre cinéma d’auteur et cinéma populaire, enchaînant les rôles de femmes fatales comme ceux plus ancrés dans la vie quotidienne, là où Bardot s’est à un moment donné retrouvée prisonnière de son image de femme sexy et candide.
Et puis dans La Sirène du Mississipi de Truffaut, sorti la même année que Chamade, belle à se damner en Saint Laurent, faisant tourner en bourrique Belmondo, auquel elle n’en finit pas d’échapper, elle est une égérie parfaite pour le parfum, dont elle restitue bien le côté insaisissable, changeant et complexe, voire les contradictions. Mi-ange, mi-démon, elle se révèle successivement dans le film souriante et inaccessible, épouse modèle et entraîneuse de boîte de nuit.
A l’image de l’héroïne de Truffaut, Chamade n’est pas facile à aimer : on l’admire, on l’idolâtre, mais tout en ayant conscience qu’on ne le comprendra jamais totalement et que tout ce que l’on éprouve à son égard ne sera pas forcément payé de retour. Si le masochisme des relations à sens unique vous parle, ce Guerlain est pour vous !
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par S9, le 19 octobre 2014 à 11:22
petite précision : je ne le porte qu’en eau de parfum... et je lui mets 4 étoiles bien sûr !
par S9, le 19 octobre 2014 à 11:18
J’ai découvert ce parfum tardivement, en 2008, et cela a été un coup de coeur !
Je suis tout à fait d’accord avec PoisonFlower, il peut se montrer distant et bougeois , mais son côté poudré addictif réchauffe le tout et laisse un sillage inoubliable.
Pour moi il est à mi-chemin entre le n°19, cette beauté froide et altière, et la fougue d’un Cabochard EDP comme je l’ai connu à la fin des années 90 et qui n’est plus, à cause de ses reformulations qui l’ont appauvri et finalement dénaturé.
J’aime le côté vert et sensuel de Chamade, il est très classe, à l’image de Grand Amour EDP d’Annick Goutal ou encore Private Collection d’Estée Lauder.
Tous ces parfums aux notes vertes et poudrées, plus ou moins cuirées, m’émeuvent énormément.
Je ne porte Chamade que de temps à autre, mais c’est un réel plaisir que de le redécouvrir ; à porter les jours où l’on se sent sûr de soi, où l’on sait où l’on va, et lorsqu’on veut mettre un peu de distance entre soi et les autres...
Parfum rempart, sans compromis, entier et fier, voilà ce que m’inspire Chamade ,tout en gardant, paradoxalement, ce côté sensuel et envoûtant. Du grand Guerlain !
par ancien membre, le 17 octobre 2014 à 05:26
Dommage qu’il ait été reformulé à outrance. La guerlinade en fond de l’actuel extrait a pratiquement complètement disparu pour un effet qui me paraît proche des Météorites de Guerlain.
par Hermeline, le 17 octobre 2014 à 04:36
J’ai adoré d’emblée Chamade, tout comme Mitsouko qui relevait pour moi d’une évidence, ce ne sont pourtant pas les fragrances considérées comme faciles (allez comprendre...). D’autres Guerlain ont trouvé place mais avec davantage d’apprivoisement, j’ai eu du mal un certain temps avec l’Heure bleue par exemple. J’avoue cependant avoir découvert Chamade dans une version vintage, magnifique, complexe et facile à porter à la fois (L’extrait récent est une merveille, mais l’edt reste à retravailler). C’est foisonnant, intense, mais avec une certaine retenue en même temps, jamais de vulgarité, pas de séduction affichée. Mais oui, vous avez raison un coté rebelle. Non de cette rébellion de suffragette, mais relevant plutôt de l’émancipation qui se vit sans justification ou explication. Un air de "je suis libre, c’est tout". Je n’aurais pas pensé à Catherine Deneuve, pourtant la concordance est parfaite.
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par PoisonFlower, le 18 octobre 2014 à 12:42
Entre Chamade et moi, c’est un peu Je T’Aime... Moi Non Plus. J’avoue avoir parfois du mal avec la note de tête qui souffle le chaud et le froid et tient à distance la personne qui le porte.
Mais c’est vrai qu’elle confère en même temps beaucoup de caractère au parfum et lui donne un côté "je ne me laisse pas accoster par n’importe qui" assez fascinant. Au sein des classiques de la marque, je le trouve finalement un peu à part, il fait presque figure d’électron libre.
"Je suis libre, c’est tout" : vous résumez parfaitement la vision que j’ai de ce Guerlain, qui plaît sans chercher forcément à plaire à tout prix. Et ça pourrait également tout à fait définir la façon dont Deneuve traverse le cinéma français depuis cinquante ans.
P.S. : Le chat qui orne votre avatar est magnifique !
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par Hermeline, le 18 octobre 2014 à 16:56
Je lui transmettrai le compliment, Kiwi va être ravie. Et, en revenant au sujet, je trouve en effet que Chamade traverse bien le temps sans tomber dans les modes par définition éphémères, tout comme Catherine Deneuve.
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par PoisonFlower, le 19 octobre 2014 à 00:47
Deneuve is a queen ! Quoi, vous n’aviez pas compris que j’aime beauuuucoup cette actrice ? ^^
Pour revenir à Chamade et à votre remarque sur l’eau de toilette actuelle, elle me semble effectivement affaiblie par rapport à celle d’il y a dix ans : déjà, la tenue semble bien faible et surtout, elle semble pratiquement faire l’impasse sur le fond ambré...
Il faudra que je teste l’eau de parfum actuelle lors d’un passage chez Guerlain, sachant qu’en province, on ne trouve désormais plus que l’eau de toilette en testeur ou à la limite l’extrait pour les parfumeries les mieux loties...
par Memories, le 16 octobre 2014 à 23:37
Une merveille ce parfum.L’un des 2 ou 3 meilleurs créés par Jean-Paul Guerlain et, son meilleur féminin à mon avis.La note verte ressentie au départ peut sembler anodine mais l’évolution continue dans le temps est une complète réussite.
par Bella R, le 16 octobre 2014 à 22:05
Mille merci pour cet article !!! J’adore ce parfum et j’espère de l’avoir un jour dans ma collection ! L’extrait est juste magique et le flacon est superbe !
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