Vétiver
Carven
Grand-père vétiver
par Jeanne Doré, le 19 novembre 2014
Vous avez sans doute comme moi toujours entendu dire que le Vétiver de Carven était, depuis 2009 devenu sous l’appellation "Le Vétiver", un parfum sans grand intérêt, bien différent du Vétiver d’origine composé par Edouard Hache en 1957.
Aujourd’hui, après la reprise de la marque par le groupe Jacques Bogart en 2010, Carven relance son Vétiver dans un joli flacon vert céladon, signé Thierry de Bashmakoff, et cela, précise la marque, « sans toucher à sa formule originelle », mises à part bien sûr les fameuses et incontournables mises en conformité exigées par l’IFRA.
Il est toutefois amusant que la version de 2009, pourtant tant décriée, se vantait déjà elle aussi d’être « La réédition de l’authentique eau de toilette "Le Vétiver" de Carven », souvenez-vous…
Mais, après enquête approfondie auprès des intéressés, j’ai eu la confirmation que cette précédente version avait été en réalité le fruit du travail d’une maison de parfum différente, qui n’avait donc sans doute pas accès à la formule d’origine appartenant à Givaudan, contrairement à la toute dernière version, qui s’engage donc à une authenticité maximale.
Bref, après cette introduction visant à préciser au mieux le pedigree de cette réédition, il est important de vous dire que je n’ai pas le souvenir d’avoir senti la version d’origine, mon avis sur la nouvelle est donc à prendre dans l’absolu.
Tout commence par un impactant jet de citron et de citronnelle, avec des aspects de verveine acidulée et de géranium légèrement médicinal. Puis un accord de fougère aux allures de barber shop vient balader une lavande savonneuse et sa coumarine amandée, dans un esprit vintage. A ce stade, on peut encore se demander pourquoi donc ce parfum s’appelle Vétiver, et pas Verbena ou Lavanda, ce qui aurait été limite plus logique.
Mais le vétiver finit par pointer le bout de sa racine, après quelques minutes, il vient doucement s’imbriquer contre cet accord propre de savonnette rétro, avec une pointe épicée de muscade, et une note baumée, presque résineuse, de benjoin, en lui donnant toute sa dimension masculine classique, limite old-fashion, mais plutôt agréable à porter.
Le sillage et la tenue sont en revanche relativement moyens, sans savoir si cela est dû à un dosage trop léger ou à un défaut de construction...
Ce parfum, qui peut se vanter aujourd’hui d’avoir été le premier à porter le nom de "Vétiver", avant même le Guerlain ou le Givenchy, retrouve toutefois une place de vrai pionnier sur les étagères des parfumeries, une sorte de “grand-père vétiver”, qui mérite, à défaut du coup de foudre, au moins un coup de nez.
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par anezo, le 15 juin 2015 à 10:38
J ai en mémoire quelques fragances disparues dont deux que j aimais beaucoup Basala de Shiseido et le Vêtiver de Carven de mon adolescence -années 65.J posséde un flacon des années 80 à moitié plein . J ai testé beaucoup de Vêtiver dont l ’avant dernier Carven année 2010 ,vendu pour l’original :c’était de la daube !
Là ,on a un très joli flaconnage ,original ,moderne et une fragance bien proche ,me semble-til de l Originale !
par nounours, le 22 février 2015 à 12:20
je suis moi aussi un fan des vétivers . D ’ ailleurs la majorité de mes coups de coeurs parfumés contiennent soit du vétivert ou du patchouli ( une autre de mes odeurs préférées avec le pamplemousse ) soit les deux . Je ne connais malheureusement pas beaucoups de parfums dans leurs versions vintage car je n e suis pas assez expérimenté et dans la ville ou je vis ( Lyon ) nous n ’ avons pas l ’ osmothèque qui est ce fameux " musée " du parfum . Pour autant je trouve cette version réussi avec un vetiver viril qui se retrouve après le coté mousse à raser passé . A noter que pour ma part il a une bonne tenue sur peau et projette un bon sillage . Donc je dirais que ce parfum est assez réussi et peut etre considéré comme un très bon parfum compte tenu de toutes les mièvreries dont nous sommes submergés depuis le début des années 2000 selon moi . Heureusement il reste encore de très bons parfums , encore faut il trouver le temps et avoir la patience de les dénicher . Ce vétiver est pour moi un parfum sur lequel on peut compter .
par euskalpyth, le 20 novembre 2014 à 17:22
Comme je l’ai indiqué dans mon message d’hier, kevin_bogoss, il vient de ressortir un Monsieur Carven : ce que je ne sais pas, c’est dans quelle mesure il est conforme à l’original, puisque je ne connais pas l’original...
Mais je pense qu’il est en vente partout (ça n’est pas une "collection exclusive" ou autre) donc il suffit d’aller le sentir pour se faire une idée... (en espérant que tu ne seras pas trop déçu de cette nouvelle mouture que pour ma part, je n’aime pas)
par Jicky, le 19 novembre 2014 à 17:10
J’ai les deux Vétiver sous le nez, l’actuel de 2014 et la version de 1957 qui vient de l’Osmothèque (qui correspond donc à la formule d’origine, étant donné que Givaudan, propriétaire de la formule, collabore avec l’Osmothèque comme c’est le cas avec les parfums de Germaine Cellier par exemple).
En comparaison comme ça, je trouve que l’annonce de la marque de ressortir le Vétiver le plus proche de la version de 57 est honnête en fait, contrairement à l’avis très intéressant de Jean-David. Je n’ai jamais porté l’ancien Vétiver, ni ne l’ai connu (je crois qu’il a disparu avant que j’apparaisse) donc je le connais forcément moins bien, mes mouillettes de celui de 1957 datant de... hier soir :p.
Et en réalité je retrouve bien ce qui me semble être la particularité du Vétiver de Carven, et que l’avis de Jeanne et de certains commentaires ont souligné : sa construction fougérisante. L’actuel ne sent pas directement le vétiver, mais laisse bien place à une envolée lavandée et subtilement menthée et anisée, où vient s’enraciner une impression boisée sombre et terreuse qui annonce le vétiver. C’est lui qui va monter progressivement dans le temps pour atteindre son apogée après quelques heures d’évolution. C’est plutôt le fond de l’actuel qui me déçoit un peu. Je comprends quand Jeanne dit que la tenue n’est pas forcément des plus enthousiasmantes. Perso, je trouve qu’il tient normalement mais en fait, il y a un moment au bout des quelques heures d’évolution où le vétiver s’essouffle et disparaît progressivement, laissant place à un fond hypeeeeeer coumariné (donc je rejoins tous ceux qui disent qu’ils ressentent beaucoup la fève tonka !). J’avais pas pensé au Vétiver Tonka, mais en fait c’est assez évident maintenant que vous le dites...
L’ancien et bien...je le trouve quand même assez proche. J’ai vraiment cette construction fougère où vient se greffer le vétiver. Je trouve en revanche que l’ancien est beaucoup plus sombre et possède un vétiver plus consistant et plus terreux, presque plus cuiré, et j’ai aussi des notes aromatiques qui durent plus longtemps et donnent un peu plus de complexité au cœur.
En revanche, et ça c’est amusant, je ne le trouve pas très hesperidé, l’actuel comme l’ancien. J’ai bien une petite luminosité sur le départ, mais qui me semble assez anecdotique par rapport au reste du propos.
Du coup, je me pose une question : est ce que la version des années 80 était-elle déjà la même que celle de 1957 ? Quand je lis Jean-David, à qui je fais totalement confiance dans sa lecture du Vétiver qu’il a porté, et ce que je sens avec le parfum de 1957 de l’Osmothèque, je n’ai pas tant que ça de notes citronnées et j’ai bien des effets tonka (légèrement gourmand, donc) et cuirés. Du coup, est ce que les années 70 - caractérisées par une réelle mode des hesperidés verts et lumineux - n’ont pas incité les gens de chez Carven dans les années 70-80 à revoir légèrement leur copie ? D’autant plus que ce sont des ces années là que commencent certaines réglementations...
La question est à creuser, et la discussion n’en est que plus intéressante. Jean-David, si on se voit bientôt, je te ferai sentir la version de l’Osmothèque, ça ne pourrait être qu’enrichissant !
En dehors de ça, je trouve que c’est un parfum assez rigolo en terme de construction, après, c’est pas trop ma came et je ne le trouve pas stupéfiant de beauté. En tout cas, je trouve le travail réalisé autour bien fait, d’après mes référentiels à moi (mais cette histoire de référentiel est bien le cœur du problème, comme nous en parlions dans la Saga Guerlain : à quoi se référence t-on pour comparer ?).
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par Jean-David, le 19 novembre 2014 à 18:48
Eh bien, Jicky, tu m’en bouches un coin ! Cela voudrait dire que le Vétiver d’origine comportait ces facettes, cuir et tonka, mises de côté dans les 80’s au profit d’un fort rehaussement hespéridé, et d’une intensification du vétiver lui-même. Le 2014 serait donc un retour aux sources, et ma critique tomberait donc à l’eau, sauf à prendre pour référence la version 80 au lieu de celle de 57.
J’avais bien lu, effectivement, sur un site anglophone, que la version de 57 avait subi quelques retouches dans les années 80, mais, d’après les intervenants (sûrement à longue barbe blanche), on restait tout de même dans un univers proche, quoique la version de 57 fût à leurs yeux plus belle encore.
Par ailleurs, je m’aperçois qu’il y a une petite contradiction dans mon texte précédent, au sujet de la tenue de la version de ma folle jeunesse, tenue que je jugeais d’abord longue, puis, dans un autre paragraphe, moyenne mais correcte. La contradiction n’est qu’apparente : je voulais dire que, comparément à la version de 2014, la tenue était autrefois bien plus longue ; mais qu’en elle-même on pouvait la juger moyenne ; je dirais C+ !
Je confirme, pour avoir épuisé mon échantillon 2014 en très peu d’heures, que la tenue, sur ma peau tout au moins, n’y est pas. Or ma peau, en général, n’est vraiment pas bégueule. On est certes au-dessus de Premier figuier (quelques secondes), ou de Ciel d’airain (... 3 secondes sur moi), mais le Vétiver 2014 de Carven me quitte bien vite, contrairement à celui de Jean-Paul Guerlain ou à Vétiver Tonka.
Quelle que fût l’orientation du vrai millésime 57 - que je serais effectivement heureux de sentir quand nous nous verrons -, il semble certain, d’après ta description et d’après toute logique, que la qualité de la matière vétiver ait baissé dans la version présente, et je crois à peu près certain que la proportion de vétiver a elle-même baissé drastiquement.
Quant au citron : s’il n’apparaît que peu dans la mouillette 57 que tu as sentie, ne serait-ce pas en partie imputable à l’altération des notes de tête que le temps peut engendrer ? Je peux confirmer, de mon côté, que la version que je portais de 84 à 89 à peu près était nettement hespéridée, c’était un départ assez éclatant de citron, qui faisait pour ainsi dire corps avec le vétiver... au point que pendant longtemps je ne pouvais dissocier le vétiver de son contrepoint citronné. Lubin se rapproche assez bien de cela, dans les offres actuellement disponibles. Mais le Lubin est un peu plus sans souci, sans façon, plus directement optimiste. Vétiver de Carven était moins direct ; il avait beaucoup de personnalité, celle d’un aristocrate amoureux de la nature, et qui possède un fond de mélancolie.
J’imagine d’ici ce que pourront être, en 2036, les conversations des premières fans de Miss Dior chérie, qui se scandaliseront de la vingt-huitième reformulation de leur parfum-fétiche, sans se douter de ce que fut, bien longtemps avant, Miss Dior, le vrai.
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par Jicky, le 19 novembre 2014 à 22:33
Alors mon avis n’est nullement définitif, je préfère émettre des questions plutôt que de lâcher des propositions péremptoires alors que ce ne sont que de pures suppositions de ma part. Je ne sais pas s’il y a eu reformulation dans les années 80, je suggère juste que c’est possible. Ces reformulations ont même pu avoir lieu avant ! Et sans même parler de véritable retravail de la formule, la provenance d’une matière a pu être changé, la qualité du vétiver utilisé a pu être différente en fonction des époques... Je ne sais pas, ce sont seulement des hypothèses à envisager pour expliquer les pourquoi du comment.
Pour la version de l’Osmotheque, normalement il n’y a pas altération étant donné que c’est une repesée de la version de 1957 (et non un flacon de 1957), en plus de ça bien conservé et qui en plus ne sent pas les hesperidés frappés.
Enfin pour la version actuelle, que le vétiver ait une qualité différente, c’est une certitude. En revanche, que ce soit une qualité moindre, pas forcément... Au début, dans le ressenti plus terreux et cuiré de l’ancien, j’imputais ça à la présence de mousse et/ou de patchouli plus burnés. Il y a restriction sur la mousse et les qualités de patchouli ont beaucoup évolué et s’il y a présence de ces matières dans la formule, sûrement que ça a un impact. Mais je pense qu’au final, c’est surtout la qualité de vétiver qui joue, puisque la matière en elle même a des facettes terreuses, sombres et cuirées. Les extractions de vétivers de l’époque étaient plus "grossières" et les produits obtenus étaient bien plus bruts de décoffrage qu’aujourd’hui, où la précision dans l’extraction permet d’obtenir des vétivers beaucoup plus éclatants, lumineux, plus précis dans leur rendu au final. Ces vétivers plus travaillés coûtent au final bien plus cher qu’une extraction plus rustique disons.
Je ne pense pas que le vétiver utilisé dans la version de 2014 soit un vétiver cœur (i.e un vétiver retravaillé) mais la qualité est probablement différente (en comparant les deux mouillettes côte à côté, c’est vraiment ce qui ressort selon moi, l’actuel est plus lumineux là où l’ancien est un poil plus sombre et tortueux). La parfumeuse qui a travaillé sur la formule, Nadège Le Garlantezec, est aussi celle qui a retravaillé le Courrèges In Blue cette année aussi. Elle n’était pas là à la présentation presse mais une autre parfumeuse de Givaudan la représentait et expliquait que, pour le Courrèges, certaines qualités de matières avaient été changées pour rendre le produit un peu moins daté (notamment la qualité de gingembre si je me souviens bien). C’est le genre de discours qui nous fait frissonner de peur, on se dit "haaaan blasphème blasphème !!".
Sauf que le résultat est incroyable : le In Blue actuel est somptueux !! Je préfère ne pas trop en dire puisque normalement New Yorker va écrire dessus, mais la reformulation est très intelligente et surtout offre un produit supérieur à l’original !
Je ne sais pas ce qu’il en est réellement pour le Vétiver de Carven de 2014, je pense qu’il faudrait essayer de partir à la chasse aux infos (je pense connaître quelqu’un susceptible de nous aider...), en tout cas je pense que pas mal de ces questionnements permettraient de répondre à pas mal de questions !
Mais vraiment, la Saga Guerlain nous a appris ceci : en matière de reformulation, mieux ne jamais être trop définitif ! Il faut d’abord bien préciser quelles versions de référence on parle, quel est l’état soit du flacon en question, soit quel est la qualité du souvenir que l’on garde dudit parfum. Le parfum était-il déjà reformulé ? Si oui, par qui ?
C’est vraiment une question passionnante en plus, que personne n’a réellement creusé. Ce sont des questions passionnantes en histoire de l’art (Opium y faisait référence dans la conclusion de la Saga, notamment en évoquent le musée du Louvre) et l’extension au domaine du parfum ouvre un champ de question incroyablement grand, et où beaucoup de variables sont à moissonner ;)
#PayeTaMétaphoreFilée
par Hermeline, le 19 novembre 2014 à 16:40
Je dois sentir cette version absolument, disons dès qu’elle sera disponible de mon coté de l’Atlantique. Comme Jean-David, je connais le Vétiver ancien, probablement aussi des années ’80, dont je me suis procurée quelques ml pour Monsieur Hermy, à qui ce parfum va si bien, presqu’autant que le Bel Ami vintage, et c’est à mon sens le plus beau vétiver qui soit : très sec en effet, équilibré, très classe aussi. Sycomore est suberbe, mais nous sommes dans une autre écriture. J’ai peur d’être déçue, ce qui ne m’empêchera pas de sentir et de tester, et faire tester au principal porteur.
par Jean-David, le 19 novembre 2014 à 14:07
Merci, Jeanne, de parler de Carven, qui est un sujet qui me passionne depuis que je suis "né" (nez ?) au parfum. J’ai porté Vétiver de Carven pendant de longues années d’adolescence et de jeunesse, dans les années 80. C’était même, pendant une longue période, mon parfum attitré, principal, quasi-quotidien, après que j’eus porté le fabuleux Monsieur Carven pendant des années, et avant d’adopter Ma Griffe. C’est dire si je suis un carvéniste de longue date et de stricte observance.
Je vais être péremptoire : Vétiver 2014 n’est pas Vétiver Carven-canal historique, et ce n’est pas qu’une affaire d’IFRA. Ce parfum n’est pas une tentative de repesée de la formule ancienne, légèrement retouchée pour se conformer à une réglementation tatillonne ; c’est une autre eau de toilette. Je ne nie pas qu’elle ait un petit air de famille, mais il est lointain, lointain, cet air, et j’ai bien du mal à reconnaître ma chanson ; certes, il y a du citron et du vétiver, mais cela n’en fait pas un même parfum. Parmi les vétivers qu’offrent aujourd’hui les diverses marques, celui de Lubin est, paradoxalement, plus proche du Carven 57 que ne l’est son propre successeur de 2014.
Je dis tout cela avec une certaine tristesse, parce que Vétiver était un grand classique, en raison du fait qu’il était le premier vétiver, et tout simplement parce qu’il était un très beau vétiver et un très beau parfum. De la part de l’équipe actuelle du département parfums de Carven, l’attitude qui consiste - contre une réalité d’autant plus difficile à cerner qu’elle suppose la connaissance du parfum original - à affirmer que l’on relance Vétiver 1957 à l’identique, ou presque, induit le consommateur en erreur, et place la parfumeuse assignée à cette mission en porte-à-faux.
Quelles sont donc les différences majeures entre la version des années 80 et celle d’aujourd’hui ? Le vétiver original était beaucoup plus riche en... vétiver ! Celui-ci était beaucoup plus dosé, il apparaissait dès les notes de tête, ensemble avec un citron beaucoup plus fusant, pétillant, plein d’esprit et de gaîté. Précisément, ce n’était pas la moindre originalité de ce parfum, à son époque, que de placer le vétiver en tête, au premier plan du tableau, et de maintenir sa présence vibrante, rayonnante, jusqu’au terme de sa longue rémanence. Le couple vétiver-citron était d’autre part beaucoup plus naturel. Le vétiver était de toute première qualité, son naturel, sa provenance, sa teneur, garantissaient une richesse de facettes avec laquelle ne peut rivaliser la version actuelle, où la matière-titre est devenue presque un acteur parmi d’autres.
Par ailleurs, Vétiver était un parfum sec, ce qui n’était pas pour rien dans son élégance BCBG ; la version actuelle incline, sur ma peau du moins, vers une douceur, un côté presque gourmand, et une note cuirée (qui le rapprochent davantage d’un Vétiver Tonka, avec certes bien moins de de chair, de complexité et de tenue) ; cette douceur donne l’impression que l’on a voulu faire du "rétro mis au goût du jour", du "vintage actualisé", quand on attendait une reconstitution fidèle. Attendre des marques qu’elles reconstituent leurs grands titres du passé n’est pas une attitude réactionnaire ou passéiste : il s’agit de savoir si l’on veut faire vivre des chefs-d’oeuvre d’autrefois, les transmettre aux nouvelles générations, ou si l’on entend brouiller les pistes et tirer parti d’un prestige passé pour s’inscrire, en fin de compte, dans le flot continu des nouveautés calibrées.
Quant au sillage et à la tenue, là encore, la comparaison est au grand désavantage de la composition de 2014 : 1957 avait de la présence, de l’éclat, et une tenue moyenne de quelques heures, quelques heures durant lesquelles le sillage se maintenait plutôt bien. 2014 s’évanouit bien vite et n’a presque pas de sillage. On pourra toujours nous répondre qu’on a voulu faire un "parfum de peau", mais tel n’était pas l’esprit de 1957, ni celui des années 80 (à supposer que la version 80 différât de celle de 57, ce qui semble être quelque peu le cas, quoique la continuité de conception fût indiscutable).
Carven affiche, depuis quelques années, la volonté de revenir sur la scène du parfum, en relançant des titres classiques (Ma Griffe fut le premier) et en créant de nouvelles pièces. Encore faut-il se donner les moyens d’un retour réussi, et choisir définitivement son camp : celui de la fidélité aux chefs-d’oeuvre de jadis et de la hardiesse d’inspiration pour l’avenir, ou celui de la confusion quant au passé, et de l’inscription des nouveautés dans le courant générique des centaines de parfums annuels.
par Memories, le 19 novembre 2014 à 10:29
Bonjour Jeanne,
Je ne connais pas encore cette édition du vétiver de Carven car, en apprenant qu’elle existait, j’ai pensé "Bah...encore une reformulation de plus..."
En effet, non seulement le lancement de 2009 m’avait déçu, mais auparavant, il a existé une autre édition appelée correctement vétiver et s’inspirant de l’original, mais qui n’en était qu’une version diluée.
Votre article me donne donc envie de voir (ou plutôt sentir) la version que vous décrivez, cela d’autant plus que possédant la version originale, la version des années 2000 et celle de 2009, l’évolution sera intéressante à étudier (je suis un fana, entre autres, des vétivers).
Cependant, actuellement, comme euskalpyth (coucou), les 2 qui tiennent la corde sont Encre noire et Sycomore...
par euskalpyth, le 19 novembre 2014 à 10:01
Je ne peux que souscrire à tout ce que vous avez dit, Jeanne !
Je n’ai pas connu le vétiver originel (ou alors, par des miniatures mais dont je ne suis pas sûr que l’état de conservation donne une vraie idée de ce qu’était ce "grand’père vétiver", comme vous l’avez affectueusement appelé) donc je ne suis pas en mesure de faire une comparaison...
Mais comme vous le soulignez, ça mérite un coup de narine rien que pour le côté "patrimoine parfumé historique" !
Ce que je peux dire, après l’avoir testé la semaine dernière (en même temps que le Monsieur Carven, ressorti aussi, mais qui me plaît beaucoup moins), c’est qu’il est plutôt agréable et joli.
Bon, ça n’est pas du tout mon type de vétiver (je lui préfère de loin les deux "faux-jumeaux" Encre noire et Sycomore", plus bruts, qui sont en haut de mon palmarès perso pour cette matière) et on lui trouvera effectivement un aspect "classique" mais il a une note noisette grillée-café torréfié qui n’est pas sans me rappeler le Vétiver Tonka d’Hermès, qui réveille un peu ce "grand’père" et qui pourra séduire les amateurs de vétiver doux.
Et sur ma peau, je n’ai pas remarqué de faiblesse particulière : la tenue et le sillage sont dans la moyenne, honorables sans être exceptionnels, dirons-nous.
En revanche, je suis beaucoup moins convaincu par Monsieur Carven : il est très "consensuel" (on va dire ça, pour ne fâcher personne...), très "dans l’air du temps", c’est-à-dire qu’il ressemble à tout ce qui sort actuellement, sans charme, mais le bon côté des choses, c’est qu’il n’a pas de boikipik, apparemment, donc sa tenue est très moyenne et il disparaît vite sur ma peau mais du coup, je ne m’en plains pas ;-p
De la même manière, je n’ai pas connu le jus originel, donc pas de moyen de comparaison, mais après avoir testé les deux nouveautés pour ne pas mourir idiot, autant je défendrais le vétiver, autant le "Monsieur" peut passer aux oubliettes en ce qui me concerne...
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par Pierre-Marie, le 5 mars 2016 à 01:10
Eh bien non, ça n’est pas ça. Je crois que je vais cesser de rechercher ce Vétiver de naguère et que j’ai tant aimé. Mon père le portait dès les années 60 et puis moi, ensuite. Que d’élégance et de sensualité ! Et de mystère aussi. Une odeur de crépuscule, de soir d’été. Avec du miel et du tabac. Une odeur sombre et dorée à la fois.
Je viens de recevoir ce Vétiver-2014 dont on disait qu’il serait la réplique de l’ancien. Et la déception a été immédiate. Je n’ai pas connu celui de 1957 mais fort bien le bouchon vert et spiralé des 70’s.
Je ne suis pas connaisseur alors, je raconte à ma manière. Le 2014 ne tient pas du tout. Il commence avec de la citronnelle, de la verveine puis, de la bergamote et ensuite, cette épouvantable et âcre odeur de fève de Tonka. Je le sais, j’ai un sachet de ces fèves, là, à côté de moi. Mais où est le vétiver ? J’en ai quelques racines à portée de main, de même que de l’huile essentielle et même un plan vivant, dans un pot ; mais je n’en trouve pas trace dans ce Carven-là.
J’ai un flacon de 2005 – celui qui a un bouchon en bois - et je le préfère ; de beaucoup. Même s’il n’a peut-être plus la race du précédent, il reste doux, tendre et il tient compagnie. Mais le 2014, pour moi, est un échec. La seule parenté que je lui trouve avec le vrai, c’est l’odeur de tabac. Tout le reste me dérange.
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par Marco, le 5 mars 2016 à 12:05
Bonjour,
si il vous manque un vetiver capable de vous contenter , je vous suggère peut être d’essayer "Vetiver Extraordinaire des Editions du Parfum de Frédéric Malle" . Un Vetiver que j’ai trouvé intense , "le Vetiver de chez Lubin " , serait peut être susceptible de vous plaire. Sinon il y a le "Grey Vetiver de Tom Ford" que j’ai bien apprécié dernièrement.
Au plaisir.
Marco.
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par Pierre-Marie, le 6 mars 2016 à 12:40
Merci, Marco.
Je n’ai trouvé, ici que le premier, celui de Malle. Je n’ai pas reconnu le vétiver et le reste ne m’a pas attiré.
Je n’ai pas trouvé les autres ni le Lubin ni le Ford. J’aurais souhaité connaître Sycomore ou Encre Noire mais ne les ai pas trouvés non plus.
Celui dans lequel j’ai reconnu le vrai vétiver, c’est un Guerlain, le Vétiver Extrême ; je n’ai pas essayé le "normal". Mais ce Vétiver Extrême ne me semble pas mal du tout, c’est là que j’ai ressenti vraiment le vétiver nature, pas trop traficoté. Il ressemble, après quelques dizaines de minutes, voire quelques heures, à ce fagot de racines de vétiver que j’ai à portée de main. Il rappelle le fourrage avec quelques nuances iodées, un peu marines. Je ne le trouve pas mal du tout.
J’en ai ramené un flacon et je vais me laisser quelques jours pour en dire davantage.
Quant au Carven-2014, je m’y suis un peu habitué, j’y trouve quelques qualités mais ils ont eu vraiment la main trop lourde sur la fève Tonka. C’est dommage, à mon sens, car relativement vite, il ne reste plus que ça. Brut et pur ; fruste.
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par Pierre-Marie, le 13 mars 2016 à 00:21
J’ai reçu, aujourd’hui, une miniature de Sycomore. Que c’est douillet ! Chaud, miellé ; magnifique. Ça ressemble énormément à ce que j’aimais dans le Carven d’avant 2006 au bout de quelques dizaines de minutes ou quelques heures.
J’ai ramené d’en ville un Vétiver-Tonka d’Hermès, très réussi quoique un peu plus racoleur. Et j’ai le sentiment, en rappelant mes souvenirs, que c’est très probablement ça qu’aurait voulu réaliser Nadège Le Garlantezec, une fois la pyramide parvenue à sa base. Il me semble qu’on est très, très près du Carven d’antan.
Quant au Vétiver Extrême, j’ai pu le comparer au standard, avec lequel il n’a, finalement, pas grand-chose à voir. Et c’est, à mon sens, le plus raffiné de tous ceux que j’ai essayés. Et par pour autant le plus coûteux.
A noter ce vétiver de chez Abdul Samad al Qurashi qui fait de bien belles choses mais la tangerine verte, très insistante, m’y dérange.
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