Nuit de Bakélite, tubéreuse nocturne par Naomi Goodsir
par Jeanne Doré, le 11 juillet 2017
La modiste australienne Naomi Goodsir, reconnue pour ses chapeaux et accessoires aux lignes excentriques et couture, conçoit depuis 2012 des parfums comme une extension de son univers, « riches, élégants et intemporels », qui reflètent la fantaisie et le chic de la créatrice à travers la réinterprétation des belles matières de la parfumerie.
Deux ans après Iris cendré, Naomi Goodsir revient avec une nouveauté que l’on n’osait plus espérer. En effet, Nuit de Bakélite avait été annoncé avant même le lancement de son prédécesseur, mais pour d’obscures raisons, il n’a finalement été dévoilé qu’en mars de cette année, à l’occasion du salon Esxence à Milan, dans l’intimité d’une chambre d’hôtel.
Si Nuit de Bakélite était si attendu, c’était sans doute parce qu’il constitue la première collaboration de la marque avec Isabelle Doyen, parfumeur historique d’Annick Goutal, et auteure des premières créations de la très confidentielle marque LesNez.
Succédant à Julien Rasquinet et Bertrand Duchaufour, Isabelle Doyen a composé autour de la tubéreuse « les prémices d’une narcotic lady ». Si nul autre ingrédient n’est dévoilé, la composition est décrite comme verte, obsessive et addictive, délivrant des sensations d’addiction, d’attraction et de nuit blanche...
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50ml/125€
Premières impressions
L’attente valait le coup, et la collaboration une vraie réussite. Isabelle Doyen roule sa tubéreuse dans la terre grasse et l’herbe écrasée, avec un galbanum racineux aux intonations de petit pois, pour la farder ensuite d’iris beurré et de violette verte, esquissant les contours épais, mais précis d’un chypre vert vintage. Addictif, oui, mais surtout captivant.
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par mylilimag, le 23 juillet 2017 à 19:44
Olivier tu me fais rêver ! Je sens le parfum au travers des mots merveilleux et precis que tu as choisis pour décrire ce chef d’oeuvre composée par ma Chère Isabelle Doyen...
Je suis éblouis et trépigne d’impatiente de le sentir...
Je suis également tellement heureuse qu’Isabelle puisse exprimer ses talents au delà d’Annick Goutal où son travail n’est pas toujours justement reconnu...
J’ai craqué pour Iris Cendre, adore la personnalité de Naomie. Moi qui suis une folle de tubéreuse je sens que je vais craquer totalement pour cette Nuit de Bakélite
par Passacaille, le 23 juillet 2017 à 16:11
Quelle claque !
Naomi Goodsir a réussi à construire une vraie identité olfactive avec Cuir Velours, Or du Sérail, Bois d’Ascèse, Iris Cendré... c’est dire si l’annonce il y a quelques années de la préparation de cette Nuit de Bakélite avait créé une attente énorme chez les passionnés qui fatiguaient un peu devant le sempiternel "coming soon" du site de la marque ! On avait fini par se faire une raison, et classer ça dans les archives des très bonne idées qui n’aboutissent jamais.
Et puis, paf, la voilà cette insomnie faite liquide.
(Si les calculs sont bons, pas moins de 4 ans d’attente ; un jour on aimerait vraiment connaitre le cheminement de sa création en détails !!!)
Comme le dit Jeanne, un groupe de privilégiés assistent à sa présentation dans une chambre d’hôtel en marge du salon Esxence à Milan, un compte-rendu de la performance est publié sur un site ami par Evgeniya Chudakova, des photos filtrent.
Mais rien qui prépare au choc esthétique que le jus distille.
Un ami malouin annonce que sa parfumerie vient de le recevoir, imaginez, il ne s’est pas écoulé 30 secondes avant que je ne le lui commande !
Vendredi, le colis arrive au laboratoire, et je déballe consciencieusement le petit paquet noir ; non sans faire quelques photos pour partager ça, et avouons-le aussi pour faire bicher un peu les ami-e-s perfumistas :-)
Le sobre sachet noir et son étiquette écrue, la boite rectangulaire charbonneuse, et enfin, dans son berceau de papier sombre, la fiasque au petit bouchon de bakélite noire, recelant le jus aux tons de sève.
Sans attendre, dévisser le capot et sentir "au débouché" la potion magique concoctée par Isabelle.
Une giclée vive de néroli et le strident du petit grain.
J’attrape une mouillette et la plonge dans le goulot.
La même montée de fleur d’oranger, amère, jaillissante, irradiante.
Puis elle s’efface et les accents fumés arrivent déjà, en même temps que la verdeur de sève de racines terreuses. L’huile de cade, chaude, goudronneuse et la galbanum crissant tournoient l’un autour de l’autre.
Des note irisées, de carottes fraichement coupées, un iris terreux plus que poudré vient rendre tout ça humain et harmonieux. Et dans cette lumière irréelle vert pâle et grise, la tubéreuse s’avance lentement.
Ni camphrée (comme dans Tubéreuse criminelle), ni fruitée (comme le mythique Fracas et ses overdoses de lactones coco/pêche), ni métallique (comme Carnal flower et ses aldéhydes hurlants) la tubéreuse est ici une reine qui marche à pas lents, sûre de sa beauté, sans accoutrement ostentatoire, ni pose de vamp. Elle sait que ce qui fascine le plus chez elle c’est la façon dont elle perce la nuit, sans tapage, incidemment, le minuscule calice posé au haut de la grêle tige diffusant à des distances étonnantes son odeurs narcotique qui s’insinue dans le sommeil des belles endormies et provoque des rêves étranges et troublants, (à ce sujet, relisez le livre de Denyse Beaulieu.)
Le parfum chemine alors interminablement avec une constance tranquille dans cette verdeur fumée, qui s’arrondie de notes un peu céleri qui m’évoquent une vieille échoppe d’herboriste.
En le portant, le plus surprenant c’est l’extrême puissance du parfum, qui va pourtant de pair avec une extrême délicatesse de l’harmonie des notes. A y bien penser, petit grain, iris, fumée, tubéreuse, terre, tout ça devrait partir dans tous les sens, et pourtant tout se tient de façon si aisée. Comme une assemblée de personnalités aux caractères très affirmés qui cohabitent en bonne entente dans le Parnasse, la créatrice/Apollon ayant orchestré tout cela avec une intelligence du cœur et de la main qui sont bouleversant.
Un détail m’a aussi frappé, ce que j’appelle le "tact" de ce parfum, vous avez peut-être déjà remarqué comment certains parfums ont le tact de se faire oublier lorsque vous goutez un plat, que vous sentez le parfum d’une autre personne, ou l’atmosphère odorantes d’un lieu. C’est pour moi la marque des très grand parfums, ils ont la faculté de vous laisser vivre votre vie olfactive, ils s’effacent un moment et puis reviennent dans toute leur puissance une fois le plat gouté, la personne éloignée, la pièce quittée...
Ainsi cet après midi j’ai traversé une galerie d’antiquaires, en sentant très distinctement toutes les odeurs patinées, suries, poussiéreuses des échoppes, les parfums des autres visiteurs, et en sortant, Nuit de Bakélite est revenue dans toute sa gloire au grand jour, dans les caprices du vent.
Isabelle Doyen nous livre là une œuvre majeur de la parfumerie moderne, peaufinées "à l’ancienne" c’est à dire pour moi en équilibrant inlassablement une rencontre de matières jamais encore rapprochées, le tout pour atteindre à une forme olfactive cohérente, au cheminement compréhensible sans intellectualisation, et avec un caractère unique et identifiable entre tous, ce que les parfumeurs appellent "la note"
La "note" de Nuit de bakélite c’est la voix d’Isabelle. Quand une parfumeuse livre un travail aussi abouti, il me semble que, sans impudeur, sa personnalité y soit toute entière, immanquablement.
Le coup de génie, c’est le clin d’œil aux créations précédentes de la marque, Bois d’Ascèse et Iris Cendré, qui fait que Nuit de Bakélite trouve une place sans heurt dans l’identité olfactive de Noami Goodsir et marque donc une véritable rencontre artistique entre les deux femmes.
Pour finir, un rapprochement s’impose à moi pour ce parfum qui m’a conquis en une fraction de seconde, je ne saurais encore trop étayer cette filiation de détails concrets, mais dans Nuit de bakélite, l’irradiation verte, phosphorescente, me semble intimement liée à la lumière, surnaturelle et bleue du Narcisse Noir de Caron.
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par Jean-David, le 23 juillet 2017 à 18:09
Merci beaucoup, cher Passacaille, pour ce texte qui est plus qu’une critique. Vos impressions donnent bien envie de découvrir à son tour cette nuit, et tous ses atours.
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par Passacaille, le 26 juillet 2017 à 10:02
Bonjour Jean-David ?
très heureux si cette Nuit de bakélite vous fait de l’œil, je serai très curieux d’avoir votre ressenti sur ce parfum. Au sein de la rédaction, les avis ne sont pas tous les mêmes, loin s’en faut ; mais c’est aussi la marque d’un parfum fait avec art, nos sensibilités n’y sont pas toutes réactives de la même façon. Belle découverte à vous :)
par Farnesiano, le 24 juillet 2017 à 08:39
Bonjour, Passacaille, et bravo pour votre description, en ut majeur !, de la création attendue depuis de si nombreuses années. Votre article semble pour beaucoup faire déjà office de critique définitive sur Auparfum. Admirateur sans bornes de Bois d’Ascèse et portant régulièrement Cuir Velours et surtout Iris Cendré, je m’impatiente et redoute à la fois de découvrir Nuit de Bakélite.
Je trouve si juste votre vision des très grand parfums, " ceux qui ont la faculté de vous laisser vivre votre vie olfactive, ils s’effacent un moment et puis reviennent dans toute leur puissance une fois..." Ce sont ceux-là qui nous donnent le plus de plaisir, à l’image des amis qu’on retrouve toujours avec bonheur. On les connaît, on les aime et puis, au détour d’un fait de vie nouveau, d’un événement, d’un simple moment passé ailleurs, on les redécouvre sous un autre jour mais ce sont bien eux, merveilleux, fidèles, rassurants, indispensables. Les grands chypres ont cette faculté, que dis-je ! ce pouvoir. Merci de nous mettre l’eau à la bouche si intelligemment, si subtilement.
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par Passacaille, le 26 juillet 2017 à 10:28
Bonjour Farnesiano, je suis aux anges si la nuit vous titille !
Et très heureux aussi que la vie des parfums vous touche aussi autant :-)
A vrai dire, j’ai peu développer la description des matières premières car avec ces seules première impressions, tout me semble plus complexe en réalité, la verdeur me parait plus complexe que le seul galbanum, la carotte/iris est pas si simple, y a-t-il seulement de l’iris en définitive ? Le coté fumé, qui est vraiment donné pour le goudron de Cade dans Bois d’Ascèse est ici plus complexe, mois évident, en fait tout me semble fait d’illusions et de tours de passa-passe olfactifs dans cette création au fur et à mesure que je la sens !
D’ailleurs les notes revendiquées par la marque sont étranges :
Tubéreuse, Angélique, Armoise, Ylang-ylang, Karo Karounde, Graines de carotte, Cardamome, Cuir, Styrax et Notes vertes.
Ailleurs c’est : angelica, violet leaf, galbanum, orris, karo karounde, tuberose, leather, davana, styrax, tobacco, labdanum and guaiac wood.
D’ailleurs, en cherchant ce mystérieux "caro karoude" on trouve que c’est un faux jasmin d’Afrique, qui a supposément été utilisé dans Pleasures d’Esthée Lauder ou dans Timbuktu de l’Artisan Parfumeur !
par del, le 26 juillet 2017 à 11:39
Bonjour Passacaille,
En vous lisant je n’ai pas pu faire autrement que d’aller chez N.... pour obtenir (difficilement) deux échantillons. Je ne l’ai pas encore testée mais déjà à la façon dont ces décants ont colonisé mon tiroir à échantillons (avec tout plein d’émanations d’odeurs dont le patchouli) je peux dire que mon nez a été happé en l’ouvrant par son chant que j’ai tout de suite identifié (du vert, un peu rond et de la classe). "Force tranquille" en fait ! Hâte de voir la rencontre en grand. Je ne suis pas très inquiète et elle pourrait être mon premier parfum dans cette catégorie (joli vert abouti).
par StellaDiverFlynn, le 12 juillet 2017 à 10:20
J’ai finalement pu mettre le nez sur ce parfum que j’ai beaucoup attendu.
Je croyais que ça serait une tubéreuse verte soit camphrée comme Tubéreuse Criminelle, soit épicée comme Nuit de Tubéreuse, etc. Mais en fait pas du tout ! La tubéreuse ici est un bloc essentiel comme tous les autres ingrédients, mais pas le focus comme dans un parfum de fleurs blanches classique.
Mes premières impressions sont proches des vôtres : beaucoup de verdeurs au départ et un fond de chypre envoûtant. Ce dernier me fait penser aux fonds des Zoologist Civet et Ineke Gilded Lily, mais Nuit de Bakélite m’enchante plus avec son évolution surprenante et sa rondeur sensuelle des notes de fond.
par Raphaëlle , le 11 juillet 2017 à 18:37
merci pour ces premières impressions qui donnent très très envie de pouvoir mettre le nez sur cette fragrance ! Et c’est un plaisir de retrouver Isabelle Doyen chez Naomi Goodsir, qui plus est pour un parfum qui semble très réussi ! J’ai très hâte de le sentir :)
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par simba, le 25 juillet 2017 à 16:06
En matiere de tubereuse, j’affectionne Fracas de Piguet, qui me donne l’impression de porter une robe légère, fluide, qui danse sur les cuisses, de voir la vie en rose, sous le soleil exactement, entourée d’arbres en fleurs. La description de Tubéreuse criminelle de Lutens ne m’a jamais donnée envie de le porter, ni même le tester. Carnal Flower des Epfm, en dépit des critiques dithyrambiques de la plupart des auparfumistes, n’est pas pour moi (même sans l’avoir senti ...). En lisant la présentation de Nuit de Bakélite, je me suis dit
Très bien, point. Mais la critique de Passacaille donne une image presque charnelle à ses mots, est d’une telle évocation, que j’en viendrais presque à vouloir rentrer de vacances (!!??) Pour être à Paris et sentir ce qui a tout l’air d’être une splendeur. Auparfum rend fou.
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par Passacaille, le 26 juillet 2017 à 10:14
Bonjour Simba,
Si je peux me permettre un conseil, ne vous fiez jamais aux descriptions de parfum. Les listes d’ingrédients ou descriptions olfactives données par le marketing ou l’artiste à la base d’une création ne sont que très très rarement en accord avec les matières réellement utilisées par la parfumeurs ou le parfumeur, et encore moins fidèles à ce que vous pourrez sentir vous-même. En cette affaire, votre nez, vos émotions sont les seules guides utiles et intéressants.
Et puis même si vous ne le porterez jamais, essayer Tubéreuse Criminelle une fois dans sa vie au moins sur le poignet est une expérience inoubliable ! Un grand toboggan d’odeurs ! Je parle en connaissance de cause car je trouve ce parfum super intéressant sans avoir aucune envie de l’acheter pour le mettre.
Un peu pareil pour Carnal Flower, ce parfum est si loin de tout ce qu’on peut en dire, en lire, qu’il faut se faire une idée par soi-même et se laisser porter par l’histoire que Dominique Ropion raconte sur la fleur de tubéreuse. Idem, même si vous le l’achetez jamais, c’est une telle redécouverte des facettes de la tubéreuse naturelle que c’est comme d’aller au musée regarder un tableau qui ne sera jamais dans votre salon.
Merci, pour ces très gentils mots, je suis comblé si le texte vous a donné le déclic pour tester par vous-même cette Nuit là !
Profitez de vous vacances, et une fois rentré(e) dites nous ce qu’il en est pour vous, si vous avez adoré, est resté(e) de marbre, sidéré(e), écœuré(e)... :-)
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par rose de nuit , le 28 juillet 2017 à 15:09
Bonjour Simba
Si vous aimez la tubereuse , grâce à Au parfum j’ai découvert le parfum de Madonna Truth or Dare et franchement il vaut la peine d’être senti car il se rapproche étrangement de Fracas à un prix qui n’est évidemment pas le même !
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