Esxence 2017 : que faut-il en retenir ?
par Jeanne Doré, le 25 mars 2017
- Esxence, l’immanquable salon du parfum rare
- Esxence, escapade italienne au royaume du parfum rare
- Esxence, ça sent la niche...
- Esxence, parfum de fin
- Souvenir d’Esxence : Uèr Mì, l’étoffe des parfums
- Esxence 2016, comme si j’y étais
- Esxence, comme si j’y restais
- Esxence 2017 : que faut-il en retenir ?
- Esxence 2018, dix ans de parfumerie indépendante
- Esxence 2019, des parfumeurs et des fleurs
Une fois par an au printemps à Milan, plus de 200 marques de parfums de niche du monde entier se rassemblent pour présenter leurs produits aux distributeurs, aux boutiques, à la presse et même aux particuliers qui peuvent venir les deux derniers jours.
Dans le grand Mall de Milan, les quelque 7000 visiteurs déambulent selon un parcours en épingle à cheveu, à la fois linéaire et labyrinthique, qu’il est cependant possible de court-circuiter, comme chez Ikea. Le lieu est plutôt sombre, le plafond noir, mais beaucoup de stands éblouissent -au sens premier du terme-, déployant des décors dignes de suites de palace d’un autre monde, à base de fleurs (souvent) artificielles, de doré clinquant, de capots de flacons en faux diamant mais aussi d’hôtesses rivalisant en robes moulantes, faux cils et décolletés plongeants....
Alors, mis à part le mal aux pieds, les mollets gonflés et les expressos bien serrés, que retenir d’Esxence 2017 ? Quelles marques et quels parfums se sont démarqués dans cette édition ?
Lorsqu’on arrive, et que l’on jette un œil au plan et à la liste des exposants, on ne sait pas trop par où commencer et on peut vite se sentir découragé à l’idée de tout sentir, ou de louper un truc.
Alors on démarre par les noms familiers.
Premier stop : Aedes de Venustas, qui présente dans son flacon rouge Pelargonium, signé par Nathalie Feistauer, et construit autour d’un géranium aromatique, de vétiver et d’épices, dans un style qui peut évoquer Déclaration.
Puis je vais saluer Anatole Lebreton qui a déjà une extinction de voix, et qui présente son nouveau Grimoire.
Céline Verleure dévoile quant à elle Woody Mood, première création de Bertrand Duchaufour pour Olfactive Studio qui sortira en septembre. Un boisé liquoreux, cuiré et fumé inspiré par les séquoias d’une belle photo de sous-bois des années 70.
Un peu plus loin, chez Institut Très Bien, je découvre Très Russe, qui ne sera lancé qu’en septembre, et qui devrait plaire aux amateurs de la Cologne à la Russe de la même maison, cette nouveauté étant en quelque sorte une concentration des notes de fond, mettant en retrait le départ cologne, avec une esthétique classique, riche et joliment vintage..
Au stand de Carner Barcelona, je tombe sous le charme de Sweet williams, qui s’inspire de l’œillet des poètes qui était autrefois souvent représenté dans les portraits de jeunes diplômés. Un très joli œillet rosé, poudré, enrobé d’iris et de vanille.
Vero Profumo présente enfin Naja, une édition limitée très attendue, qui sera lancée au mois de mai à 650 exemplaires, un émouvant travail autour du tabac, avec des notes florales très narcotiques, où le style Vero Kern se déploie pleinement.
Une Nuit à Bali a changé de nom et propose désormais sous la marque ombrelle Nuit nomade une autre histoire, sous de nouveaux climats. Deux nouvelles créations signées Annick Menardo, inaugurent cette nouvelle gamme intitulée Une nuit à Montauk. Memory Hotel mêle œillet, encens et tabac, dans un hommage aux années 1970 et à Andy Warhol. Tandis que Rose America propose une absolue de rose accompagnée d’un air marin chargé d’embruns et d’odeurs d’algues séchées. Deux belles créations à l’exécution remarquable.
Sur un micro-stand, Saskia Wilson-Brown fait sentir les finalistes 2017 de l’Art & Olfaction Awards, qui ont été dévoilés sur le salon la veille et qui seront départagés le 6 mai à Berlin. J’y retrouve avec plaisir quelques noms familiers comme Close up d’Olfactive Studio, Mélodie de l’Amour de Dusita, Fathom V de Beaufort London ou encore Belle de jour d’Eris parfums. Mais je découvre surtout de nombreuses créations totalement inconnues qui m’enchantent : Civet, de Zoologist, un chypre fruité aux confluences de Mitsouko et Femme. Bruise Violet by Sixteen92, une violette poudrée et détonante, Anti Anti by Atelier PMP, un boisé fumé avec un accord cacao-orange amère.
Juste à côté, Sophie d’Auber (Société des Amis de l’Osmothèque) fait sentir les repesées des formules originales des grands classiques disparus, par ordre chronologique. J’en profite pour ressentir le mythique Iris Gris de Jacques Fath, Le Narcisse Noir de Caron et l’Ambre antique de Coty (dont vous découvrirez la lignée dans le prochain numéro de Nez !)
En parlant de Jacques Fath, la marque présentait également ses quatre nouveautés signées par Luca Maffei, dont un très joli Lilas Exquis vert et végétal.
Je fais d’ailleurs connaissance avec ce jeune parfumeur italien, formé à Grasse. Il a créé son atelier en 2011 avec un autre parfumeur Maurizio Cerizza, et m’explique qu’il existe beaucoup de marques indépendantes en Italie, mais que la plupart des grandes maisons de parfums n’ont que des antennes commerciales dans ce pays. Il y a donc un réel manque pour un travail plus en direct entre les marques et les parfumeurs, d’où sans doute le succès de son atelier installé à Milan.
J’enchaine avec une conférence olfactive proposée par Christophe Laudamiel, qui, à travers 20 odeurs circulant dans la salle sur des mouillettes, nous invite à « fermer les yeux et ouvrir le nez », et nous embarque dans un récit olfactif, de l’absinthe au parfum des larmes, en passant par une cabane en bois ou l’odeur d’un lit à opium.
Et puis l’heure est venue d’aller s’aventurer sur des stands plus inconnus, en se fiant à son intuition, au visage sympathique des hôtes, un stand attirant ou à un packaging qui nous plait (avec le moins d’or et de diamant, si possible...)
Baruti (« poudre à canon » en grec) est une marque créée par Spyros Drosopoulos, grec vivant à Amsterdam, et dont les visuels kaléidoscopiques attirent l’œil. Les huit extraits de parfum sont puissants, singuliers et bien ficelés : Berlin im Winter, avec des notes résineuses et fumées de mastic, de cassis et myrrhe. Dama Koupa, un iris mêlé d’amande amère et de cire d’abeille aux facettes de vieux papier, ou encore Onder de Linde, inspiré par le tableau La laitière de Veermer, entre aldéhydes, tilleul, lilas et miel.
Chez Atelier des Ors, ce qui frappe en premier, c’est le poids des flacons allongés sur le comptoir et contenant des pépites d’or. Mais Iris fauve, une de leur nouveauté composée par Marie Salamagne, n’a pas besoin de ça pour se distinguer, avec son bel iris musqué, boisé et épicé.
Miya Shinma est une japonaise qui avait lancé sa marque de parfums en 2000, notamment au Bon Marché à Paris, puis la marque avait disparu pour un temps. Après une pause de près de 10 ans, et la publication de quelques livres sur le parfum en japonais, elle a relancé sa marque dans quelques pays europées en 2015 avec une gamme de dix parfums, et deux nouvelles éditions limitées cette année : Sakura, un santal rosé très gracieux, et Hinoki, qui s’inspire du cyprès japonais. Les flacons, aux motifs japonais sont ravissants.
Extrait d’Atelier capture dans ses flacons le savoir-faire artisanal. Avec Maître Couturier, l’idée olfactive du métal des aiguilles et des ciseaux se traduit par des aldéhydes, tandis que des notes cuirées et de cirage lavandé évoquent l’art de l’artisan cordonnier dans Maitre Chausseur, qui a par ailleurs été nominé à l’Art & Olfaction Awards.
Valérie Pulvérail, fondatrice du Bistro de la beauté à Annecy, propose une gamme de quatre parfums baptisée Les indémodables, conçus comme une garde-robe par l’Atelier français des matières, laboratoire de création associé, qui développe également des ingrédients naturels sur mesure. Chypre Azural se détache du lot, avec son superbe départ d’agrumes, d’une luminosité remarquable, et un très beau fond fond chypré, dans lequel l’orange Tarocco et une belle bergamote font preuve d’une tenue exceptionnelle pour des notes hespéridées.
Enfin, pour finir sur une pointe d’humour, si la parfumerie est souvent très premier degré, certains l’envisagent plus légèrement, comme le parfumeur zurichois Andreas Wilhelm, qui compose pour d’autres, mais semble beaucoup s’amuser avec sa propre marque Perfume Sucks. « Ici, on ne fait pas de parfums (les parfums ça craint) on fait des solutions alcooliques ». Trois références sans nom, sans concept ni description, juste « le rouge, le bleu et le vert », et dont les formules sont intégralement affichées sur les flacons, dans un esprit de transparence intégrale très “open source”, mais non sans une malicieuse provocation.
Je suis sans doute passée à côté de certaines merveilles, je n’ai pas pu rencontrer tous ceux que j’aurais voulu, mais une journée et demi passée dans cet antre de la parfumerie de niche constitue déjà une sacrée expérience, que l’on est bien content d’avoir accomplie une fois rentré à Paris !
à lire également
par Passionez, le 26 mars 2017 à 20:01
Merci Jeanne pour ce compte-rendu !
A la lecture de votre article, je regrette encore plus de ne pas avoir pu m’y rendre alors que c’était prévu.
J’espère vivement pouvoir y aller l’année prochaine !
Je connaissais la marque Baruti que j’avais découverte en Allemagne et de mon côté le parfum Chai avait été mon coup de coeur.
par Chanel de Lanvin, le 26 mars 2017 à 15:37
Merci Jeanne pour ces impressions que vous nous présentez.
A la lecture de ces noms de créateurs,une envie de sentir ses flacons devient immédiate,je suis sous le charme de Ambre antique que je ne connais pas mais qui m’attire comme un aimant.
Je retiens au passage Sakura qui porte le même nom que le parfum créer par Satori Ozawa ( fleur de cerisier, jasmin, rose,encens ) qui est membre de la Société Française de la Parfumerie.
Peut-être était-elle présente aussi avec ses créations.
On peut vous excuser une faute de frappe concernant Pelargonium,je pense qu’il vous a envoûté ,et l’effet est réussi,on a envie d’en savoir plus :)
par Jack Sullivan, le 26 mars 2017 à 10:51
Je pense que l’Aedes de Venustas s’appelle Pelargonium (nom du genre botanique auquel appartient le géranium), plutôt que Palergonium ;-)
à la une
L’Eau pâle - Courrèges
Décidément, les parfums Courrèges filent un joli coton. Présenté par la marque comme le « récit d’un soir d’été », celui-ci offre un sillage intime et délicatement régressif.
en ce moment
il y a 2 jours
Bien belle critique d’Olivier R. P. David et vibrant hommage rendu au " Prete Rosso". À sa(…)
il y a 4 jours
Pardon, il s’agit d’un flacon de 50 ml et non de 75 ml.
il y a 4 jours
Je l’ai acheté sur un coup de tête (ou plutôt de nez !) et en 75 ml. Je ne sais pas ce qui m’a(…)
Dernières critiques
Mortel noir - Trudon
Église en flammes
Infusion de gingembre - Prada
Fraîcheur souterraine
Berbara - Nissaba
À fond la gomme
par Demian, le 30 mars 2017 à 18:19
Moi qui ne décolère pas à cause de la disparition d’Écume de rose chez les Parfums de Rosine, je suis impatiente de découvrir Rose America d’une Nuit à Bali ou Nuit nomade ? J’étais accro à cette rose rehaussée d’embruns marins, je me demande si Rose America est très différente ou si je vais retrouver le même plaisir...
Répondre à ce commentaire | Signaler un abus
par del, le 31 mars 2017 à 06:58
Bonjour demian, vous pouvez encore trouvé L’Ecume de Rose sur le site Origines (site sérieux sur lequel j’ai acheté des flacons des Parfums de Rosine) en 100ml j’ai vérifié ce matin.
Répondre à ce commentaire | Signaler un abus
par del, le 31 mars 2017 à 07:04
Encore mieux allez consulter le site parfumaria (Pays-bas) il est à vendre aussi à un prix plus que raisonnable (bien sûr frais de port à prévoir) mais j’arrête là la pub je vais me faire taper sur les doigts..... mais si cela peut vous rendre heureuse.
Répondre à ce commentaire | Signaler un abus
par demian, le 31 mars 2017 à 12:39
Merci Del pour toutes ces précieuses informations !
Répondre à ce commentaire | Signaler un abus