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Le Narcisse Noir

Caron

Flacon de Le Narcisse Noir - Caron
Les Classiques
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Par-delà le trouble

par Thomas Dominguès (Opium) - Yohan Cervi, le 17 novembre 2014

Il s’agit peut-être du plus beau des parfums Caron ; sans conteste le plus étrange, le plus mystérieux et le plus déstabilisant. Ce parfum, créé en 1911, sera le premier grand succès de la maison, notamment aux Etats-Unis, où il deviendra un classique.
Le décrire comme un soliflore fleur d’oranger serait bien réducteur. Le Narcisse Noir étire des notes difficilement discernables, pour en faire une sorte de matière presque organique, sombre et inquiétante, qui évoquerait quelque chose de barbare. La matière, de la fleur d’oranger donc, est déployée et malmenée au point que, plutôt que d’évoquer le règne végétal, elle renvoie à des odeurs de chair, du gras et du cuir, des olives noires, des plis de peau mal récurés. Quelque chose d’à la fois raffiné, sophistiqué et brutal, est en tension permanente, entre des muscs qui assouplissent la composition mais, en rien, ne la rendent innocente, et une fleur qui, schizophrène, refuse de choisir entre un assagissement plus coutumier et une colère hystérique irrépressible.

La fleur d’oranger, l’une des plus dichotomiques du règne floral, est exprimée dans toute sa splendeur et sa complexité ; au départ douce et enveloppante, elle révèle rapidement un tout autre visage, et se fait miellée, animale, acide, dérangeante comme les fleurs blanches savent l’être. Des muscs animalisés à foison et une bonne dose de civette en furie s’emploient à souiller encore davantage cette fleur entêtante et inconvenante. Le santal lui offre un fond boisé sec captivant.

Cette tension permanente est presque de l’ordre de l’insupportable tant elle est lancinante, presque effrayante, Le Narcisse Noir exigeant qu’on l’observe, le contemple et l’admire. Son nom fait-il référence à une fleur funeste ? Ou faut-il y voir, sans faire de psychanalyse de comptoir, une métaphore des tourments mélancoliques d’une âme sombre et torturée, celle d’une grande diva décadente (on gardera en tête l’image de Gloria Swanson dans Sunset Boulevard de Billy Wilder en 1950) ou du plus extrême des dandys, à la Jacques de Bascher ?

Jacques de Bascher
Gloria Swanson par Clarence Sinclair Bull en 1934
Kathleen Byron, extrait du film "Le Narcisse Noir"

Il est impossible de parler du Narcisse Noir sans évoquer le film, magnifique (la photographie et les paysages sont somptueux et d’une étonnante modernité), de Michael Powell et d’Emeric Pressburger de 1947, qui lui doit directement son nom, et qui conte l’histoire de cinq sœurs anglaises envoyées dans un palais, ancien harem, sur les contreforts de l’Himalaya, pour y établir un couvent et une école. Le passé du palais et l’arrivée d’un homme troubleront l’esprit des nonnes, jusqu’à faire sombrer l’une d’entre elles dans la folie la plus pure.

Kathleen Byron, extrait du film "Le Narcisse Noir"

"Do you like it Sister Ruth ? It’s called Black Narcissus. Comes from the Army-Navy Store in London."
"
Black Narcissus  ? I don’t like such scents at all."
"Oh Sister. Don’t you think it’s rather common to smell of ourselves ?"

Absolument unique, jamais une fleur d’oranger n’aura été traitée de cette manière, jusqu’à en devenir presque méconnaissable, et finir par ressembler à une tubéreuse. Néanmoins, dans l’esprit floral animalisé, on peut lui trouver quelques descendants, comme My Sin de Lanvin, au sillage sulfureux. L’autre seul parfum aussi barbare qui nécessite davantage qu’on le visite, qu’on l’observe avec attention, qu’on se soumette à lui plutôt qu’on l’arbore, tant il semble que c’est lui qui nous choisit plutôt que l’inverse, est, dans un registre plus tribal et ancestral, Djedi de Guerlain, mythe également, du même gabarit, mais d’un tout autre genre.

Le Narcisse Noir demeure, plus de 100 ans après sa création, lové dans son flacon encrier, au bouchon représentant, contrairement à ce que l’on croit, non pas une corolle de narcisse, mais curieusement... une anémone.
Sur le plan olfactif ? C’est une toute autre affaire. Comme l’ensemble des parfums Caron, Le Narcisse Noir a eu droit, au début des années 2000, à sa reformulation. Et autant le dire tout de suite, ce qui est actuellement vendu sous ce nom n’a que peu de choses à voir avec la création de 1911. L’extrait est maintenant une fleur d’oranger classique et convenue, cotonneuse et dense, soutenue par d’étranges notes (type suederal) rappelant l’essence ou l’odeur des feutres, certainement employées afin de pallier à l’absence des notes animales. Son fond, toujours santalé, est dorénavant porté par une profusion de muscs blancs. L’eau de toilette est, quant à elle, une gentille fleur d’oranger alimentaire, musquée, pimpante et cotonneuse, qui ne reflète en rien le caractère dramatique et sombre de l’original, malheureusement.

Comparaison faite à partir de trois extraits (années 60, années 80 et 2013), et deux eaux de toilette (années 90 et 2014)

Vous pourrez le sentir lors de nos Rencontres Vintage

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Nez inexpert

par Nez inexpert, le 31 août 2024 à 22:51

Déroutant. Il doit prendre de la patience à apprivoiser, à la renard du Petit prince. Je n’y suis pas encore parvenu, mais son statut de légende m’incite à m’entêter. Je reconnais que je serais gêné de ne pas l’aimer, ce serait comme être insensible à la Teuflû enchantée, on passe pour un bourricot. Vanité des vanités...

Je ne peux pas le comparer à l’original, mais par rapport à un flacon de naguère que j’avais il y a quelque temps (millésime inconnu), c’est kif-kif.

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par Defender Shotgun , le 3 avril 2020 à 10:08

Bonjour,

J’aimerais annoncer que l’extrait actuel de Narcisse Noir vendu dans son flacon vapo de la Collection Privée de Caron en 30ML est magnifique. Pourvu que ça dure !

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par Adina76, le 3 avril 2020 à 11:13

Bonjour Helianthe,
Comme dirait Absinthe : vil(e) tentateur/trice, que vous êtes ! ;-)

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par Helianthe, le 3 avril 2020 à 14:19

Bonjour Adina,

Je me rends compte que le moment est assez mal mal choisit, je suis vraiment désolée ,veuillez m’excuser. Nous en reparlerons quand tout ira mieux ! HIHI

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par Adina76, le 3 avril 2020 à 16:23

Mais que nenni Helianthe : il n’y a pas de mauvais moment. Ne vous excusez pas. Chacun est responsable de ses actes et fait ce qu’il lui plait. Je vous remercie d’ailleurs de nous signaler la qualité de ce jus. Comme Farnesiano, je pleure la quasi disparition de cette splendide maison qu’était Caron et qui a produit certains des plus grands jus de toute l’histoire de la parfumerie. Dommage qu’elle n’ait visiblement pas su les vendre. J’avoue que j’avais bêtement espéré que la passation de cette maison sous l’égide des Rothschild - dont Ariane apprécierait les parfums - était selon moi l’espoir d’une relance de la marque et de la remise en avant des chefs-d’œuvre ayant fait sa renommée. Vain espoir. Il n’en est rien. C’est même pis qu’avant ... A vos stocks donc, s’il vous reste des sous et si vous réussissez à mettre la main sur des jus devenus introuvables ....

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par DOMfromBE, le 3 avril 2020 à 16:39

#memeespoirdecu

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par Nez inexpert, le 5 avril 2020 à 04:14

« #memeespoirdecu »
A ne pas lire trop vite.

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par Helianthe, le 4 avril 2020 à 11:27

Bonjour Adina,
C’est bon, je peux déculpabiliser alors ! ;-)
Les quatre nouvelles fragrances dont les jus vont du rose et du bleu pâle au rose bonbon (même spécialiste couleur que chez Dior), sont déjà qualifiées d’iconiques sur le site ! Seule Tubéreuse Merveilleuse est un parfum bien féminin, je dirais un floral romantique (un peu mièvre à la Petite Chérie) pour les beaux jours. Tabac Noir et Rose Ébène ne sont pas inintéressants (et j’en suis sûre trouveront un nouveau public) mais je n’y retrouve absolument pas l’opulence luxueuse de la maison ni l’esprit grands féminins.
La nouvelle propriétaire supprime également les échantillons pour des raisons écologiques, et oui parce que combattre ainsi le réchauffement climatique fallait y penser ! De même la clientèle est invitée à recharger les flacons EDP en fontaine, par contre ils n’acceptent plus de recharger les anciens flacons Caron (je veux dire les vrais iconiques), ce qui est scandaleux.
Comme je l’ai fait remarquer à DOMfromBE, le pari est celui de cibler une toute nouvelle clientèle plus jeune, sans doute celle qui achète les exclusifs Dior et tant pis s’ils perdent l’ancienne qui ne jure que par les légendaires parfums fontaine. Le souci de sauver un grand nom de la parfumerie en respectant les codes maison on peut s’asseoir dessus, le modèle économique c’est la rentabilité avant toute chose.

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par DOMfromBE, le 4 avril 2020 à 11:39

Et a ma maigre petite échelle, je boycotte ces marques ou ces groupes, a cause de leurs pratiques. Ça et les pseudo égéries qui font la gueule. Ou les demoiselles américaines dont la sœur a des fesses proéminentes... Tout ce que je ne veux pas cautionner par un achat.

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par Helianthe, le 4 avril 2020 à 11:57

Quoique je préfère de loin les fesses des Kardashians que celles des mannequins anorexiques véritables portes-manteaux humains, au moins elles assument leur féminité et ne sont pas malades. Les fesses surdimensionnées c’est la version actuelle de ce qu’étaient les épaulettes pour les femmes dans les années 80 au niveau "female empowerment" et puis dans la culture africaine c’est un symbole de beauté (les Kardashians sont très influencées par la culture afro-américaine). Je les soutiens, elles se sont imposées dans un monde d’hommes, elles ont bâti un empire et je ne les tiens pas responsables d’un certain modèle économique basé sur le profit.

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par Belle du seigneur, le 29 juillet 2015 à 17:44

Bonjour,

Encore un post sur ce parfum (non il ne m’obsède pas du tout !)... Connaissez-vous la version "Lotion" ? Ce qu’elle vaut et de quand elle date ?

Merci d’avance et bonne soirée !

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par Newyorker, le 26 août 2015 à 18:39

Bonjour Belle du Seigneur,

Je tombe seulement maintenant sur votre post. La version lotion vous donnera une très bonne idée du rendu olfactif du Narcisse Noir. En revanche, elle n’aura pas la complexité, ni la puissance de l’extrait.

A bientôt !

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par Newyorker, le 26 août 2015 à 18:40

Ah et niveau date, c’est avant les années 60.

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par Belle du seigneur, le 27 août 2015 à 14:50

Merci Newyorker,

A défaut de trouver un extrait, j’ai acheté cette fameuse "lotion". J’ai dû briser (légèrement) le flacon qui était scellé et ne cédait pas malgré mes multiples techniques. Le jus est intacte, c’est incroyable. Et donc oui, même si je n’ai que mon souvenir pour comparer, il rest moins complexe et puissant, mais quand même fort beau. En tête une fleur d’oranger presque estivale, quelque chose de bizarre ensuite - mais quoi ? Puis je retrouve le fond très fourrure que j’aime tant. Je suis tellement heureuse de pouvoir enfin le porter ! L’extrait, ce sera pour quand j’aurai un métier ;)
Merci en tout cas pour votre réponse, même tardive ! Et bonne journée !

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par Belle du seigneur, le 30 avril 2015 à 09:28

Bonjour,

Alors voilà, depuis que je l’ai senti, je n’arrête pas d’y penser à ce Narcisse Noir vintage. J’hésite à succomber aux offres sur eBay, mais j’ai trop peur qu’il ait tourné - et puis, étant donné le volume, je ne pourrai pas vraiment me parfumer avec.

Je cherche donc quelque chose qui s’en rapproche... Bon je sais, il n’a pas de remplaçant, mais une idée de fleur d’oranger profonde, sombre, animale ?
Je ne trouve que des fleurs d’oranger fraîches, ou sucrées.

J’ai d’ailleurs une autre question qui découle de ma recherche. Pourquoi aucune tentative d’approche n’est faite, vue la beauté du parfum ? Ne pourrait-on pas, malgré les réglementations contraignantes, créer quelque chose qui s’en rapproche, puisque vous arrivez à en distinguer les différentes notes ? Je sais que des notes ne font pas un parfum, je sais qu’il y a toujours (enfin, lorsqu’il est bien fait) une certaine vision du créateur, mais une démarche de reprise d’un parfum qui a certainement construit le patrimoine olfactif, ça pourrait être une vision, non ? Je veux dire : Je ne parle pas d’en faire la copie, le plagiat, mais une relecture.

La question est peut-être bête (si je la transfère en littérature, évidemment copier Maupassant, Zola ou Proust n’aurait aucun intérêt ; et je vois bien que lorsqu’il y a "relecture", prise en compte de l’apport d’un auteur, le résultat est justement complètement différent...) Mais je suis tellement désolée de ne pas pouvoir "lire" le Narcisse noir que je n’arrive pas à me résoudre à le laisser derrière moi...

Il me semble que vous parlez de ce genre de travail pour La Panthère de Cartier par exemple, ce que j’appelle, maladroitement, une "relecture" des oeuvres du passé, une réinterprétation. Or j’ai l’impression que ce Narcisse noir, on ne le retrouve nulle part, comme s’il n’avait pas existé dans l’histoire de la parfumerie, comme s’il s’agissait d’une oeuvre à part, anhistorique, coupée.

Je ne sais pas si c’est très clair, je mélange plusieurs interrogations, mais j’espère que vous pourrez y répondre. Et vous remercie encore une fois, en passant, pour cette magnifique découverte !

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par Jicky, le 30 avril 2015 à 21:35

Bonsoir Belle du Seigneur,

Votre commentaire est très intéressant ! Déjà, parce que vous soulignez un fait : ce Narcisse Noir n’a aucun équivalent sur le marché. C’est le seul parfum à avoir traité la fleur d’oranger sur ce mode (et quand on regarde l’état du marché aujourd’hui, j’ai bien peur qu’on ne puisse jamais en voir de digne héritier).

Sur un mode fleur d’oranger un peu moins nunuche, il y a bien eu Fleurs d’oranger de Lutens, mais qui reste selon moi un peu premier degré (un fleuri blanc très anthranylé, c’est à dire avec des notes un peu camphrée/thé infusé, légèrement épicé et avec une trace de civette pour lui donner un peu de texture, mais il a été reformulé depuis). Il y a aussi eu Séville à l’aube qui, s’il présente un caractère indolé et évite la mièvrerie, reste construit sur un mode baumé qui n’évoque pas vraiment le travail de Daltroff sur Le Narcisse Noir.
Fait assez amusant, la seule référence que je connaisse s’inspirant directement du Narcisse Noir va vous amuser car ce n’est pas évident du tout (et sans le savoir ce n’est pas vraiment perceptible) : c’est Insolence de Guerlain. La méthode de formulation de Roucel pour Insolence s’inspire (d’après Roucel himself) de celle de Daltroff pour Le Narcisse Noir, à savoir la surdose d’une matière synthétique "cheap" en pur (et non diluée au centième, comme la plupart du temps en composition avec ce genre de matière) d’un synthétique orangé permettant de booster un accord. Dans Insolence, ces matières orangées boostent les notes violettes, framboise, iris. Et cette surdose vient directement de Daltroff et du Narcisse Noir.

Mais si ces méthodes de formulation sont utilisées comme des clins d’oeil et des astuces pour parfaire les parfums d’aujourd’hui sans forcément aller dans les gros muscs ou les gros bois, l’hommage reste assez discret. Là où des parfums comme La Panthère rendent des hommages à la parfumerie classiques grâce à leur structure. C’est à dire que les formes de la formule vont rester grosso modo les mêmes, mais avec des matières modernes (parfois), des proportions un peu différentes et un enrobage autre (là où Insolence a une structure complètement différente du Narcisse Noir, mais une utilisation très proche).

Après, il existe énormément de relectures/remakes/réécritures dans les différentes formes d’art populaire. Il n’y a qu’à voir au cinéma, le nombre de remakes, reboot, spin-off et j’en passe. Et les plus intéressants sont souvent ceux empreints par la patte de leur auteur (ou pas hein), où on sent qu’il y a la volonté de s’imprégner de l’oeuvre, se la réapproprier avec une vision qui est propre à l’auteur. C’est le cas de La Panthère, où Mathilde Laurent a su insuffler dans le parfum des éléments qui sont les siens ou ceux de Cartier, tout en restant dans la réécriture de la structure chypre.

J’espère avoir pu vous aider un petit peu dans ma réponse,

Bonne soirée

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par Belle du seigneur, le 1er mai 2015 à 23:38

Bonsoir Jicky,

Merci de votre réponse, qui m’éclaire même si votre verdict de non-équivalence sur le marché m’est amère.

Je n’aurais, en effet, jamais pensé à Insolence. D’ailleurs, cela souligne quelque chose que je trouve assez intéressant. Dans les commentaires sur les parfums, que je lis souvent sur un site anglais, et qui peuvent être construits comme inintéressants, revient souvent l’argument du naturel vs synthétique. C’est une critique récurrente (et je l’avais justement lue concernant Insolence, entre autres) qui permet souvent de discréditer la valeur d’un parfum. Cela m’évoque des propos de Mathilde Laurent qui rappelle "qu’un beau parfum est la création d’un homme et non de la nature" (entretien ici), rappel que j’avais trouvé essentiel.

Pour en revenir à la question centrale, je sais bien qu’il existe de nombreux "remakes", et ce dans tout art finalement, même si l’on aura plus de mal parfois à employer le terme de "remake" ; ce sont les reprises, et les réinterprétations, qui permettent qu’existe l’histoire d’un art.
Mais du coup, pourquoi aucun travail n’est fait sur ce Narcisse noir (bon évidemment, il y a le travail que vous avez évoqué dans Insolence...) ? Par exemple, quand vous serez nez (nous savons tous que cela arrivera !), cela pourrait-il être une piste de votre travail ? Ou y a-t-il quelque chose qui empêche cela ? Par exemple le Narcisse noir appartiendrait-il à un monde qui n’existe plus ? (Je ne le trouve pas du tout daté, mais bon) Ca n’aurait pas de pertinance d’une manière ou d’une autre ? Est-ce "simplement" parce que le marché n’est pas poussé en avant par les succès actuels ?
Je suppose de toute façon qu’il n’y a pas de réponse définitive...

Dans le cas de la plupart des oeuvres d’art, nous pouvons encore en jouir après des siècles. C’est l’une des spécificités de la parfumerie que de s’inscrire dans le temps d’une manière plus forte, en tout cas différente des autres arts, cela étant dû notamment à des contraintes matérielles ; mais du coup la "perte" d’un parfum est encore plus dure à accepter (un livre, je peux le relire, un film, je peux le revoir, un opéra, je peux le réécouter ; un parfum qui ne laisse pas vraiment de trace dans le présent, je n’ai plus que mes yeux pour pleurer !)

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par Belle du seigneur, le 16 mars 2015 à 23:27

Quel choc ce Narcisse Noir, un animal doux et féroce à la fois, on ne soupçonne pas le potentiel d’une fleur d’oranger avant de l’avoir senti. Entre lui, le Tabac Blond et Nuit de Noël, la découverte des Caron vintage fût une belle claque dans la figure. J’en veux à ma grand-mère de n’avoir pas acheté un flacon à son époque pour me l’offrir aujourd’hui... Attention Yohan j’espère que vous avez un coffre bien fermé à clefs, je ne fais qu’y penser depuis cette Rencontre vintage. D’ailleurs j’ai du mal à comprendre ce que Jicky reproche à Caron, du coup ? J’espère qu’un de ces quatre j’aurai plus de vocabulaire pour mettre des mots sur ces oeuvres. En tout cas ça m’a donné des frissons... Et complètement changé l’image que j’avais de la parfumerie historique ! Donc merci mille fois de nous avoir permis de découvrir vos trésors (et là je ne parle pas seulement de Caron) avec toute la pédagogie et la passion que j’aimerais tant retrouver dans le discours blasé de certains de mes professeurs...

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par Jicky, le 18 mars 2015 à 00:11

Rhaaaaa, va falloir qu’il arrête sa propagande dictatoriale avec ses Carton !

(en vrai, j’ai beaucoup d’estime pour Le Narcisse Noir. Beaucoup moins pour le reste de la gamme qui, je trouve, malgré parfois quelques fulgurances en terme d’idées, manque d’une certaine beauté formelle)

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par billieH, le 18 mars 2015 à 09:09

Caron fait un carton !

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par Newyorker, le 18 mars 2015 à 23:44

Bonsoir Belle du Seigneur,
Et merci pour votre charmant retour et vos gentils mots. Ah, ce Narcisse Noir...Vous l’avez très bien décrit. Oui, c’est une claque, une manière de traiter la fleur d’oranger absolument unique, en mêlant lumière et ombre, clarté et noirceur. Vos remarques sur les Caron et votre nouvelle manière d’appréhender ces parfums classiques me touchent. Nous avons eu des retours suite aux deux dernières séances, et il se trouve que les créations qui ont le plus marqué les participants sont...des Caron. Je n’ai pourtant pas l’impression de les avoir "vendu" plus que les autres. Ce que j’aime dans ces parfums, c’est leur approche fauve, mais néanmoins sophistiquée. Ce sont des créations troublantes et fiévreuses, riches. Certains reflètent parfaitement la manière de formuler de leur époque, tandis que d’autres, comme Le Narcisse Noir ou Le Tabac Blond sont vraiment originaux, novateurs et avant-gardites. Ils apportent un propos, un regard olfactif et intellectuel étonnant. Quant à Farnesiana, je suis touché par ce qu’il symbolise, la joie et l’espoir au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, et par son traitement de la cassie, et de la note mimosa. Je vais m’arrêter là, je pourrais parler de toute la gamme pendant des heures.

Quant à Jicky qui (Jickiki), je le rappelle, est un très bon ami, il ne peut s’empêcher de s’empêtrer dans ses postures anti Caron. Il estime beaucoup Le Narcisse Noir, mais en off, il a aussi du respect pour Le Tabac Blond et Nuit de Noël et trouve Farnesiana tout simplement beau (Oui, Alexis, ce sont tes mots !). Les autres seraient de la "bouillie" et Pour un Homme (leur grand masculin de 1934, toujours vendu aujourd’hui, et un pilier de la parfumerie masculine) une "grosse lavande noyée dans la vanille" (je vous laisse juge). Mais, si admettre que Caron est un élément fondateur de la parfumerie moderne (et qui a signé des œuvres novatrices et belles) est aussi douloureux pour lui que de s’enfiler un flacon de LVEB par le fondement, il sera tout à fait à même en revanche de vous décrire la "beauté formelle", pour reprendre ses termes, d’une Petite Robe Noire (que j’estime par ailleurs, mais bon, ça ne table pas dans la même catégorie), ou d’un Elle L’Aime de Lolita Lempicka. Alors là, aucun problème, comptez sur lui !

Bonne soirée à vous, Belle du Seigneur, et à bientôt j’espère.
Et bisous à toi mon petit Jacky ;)

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Fairy47

par Fairy47, le 25 novembre 2014 à 16:07

Alors, chers Opium et Newyorker, s’il n’est plus possible de sentir cette merveille, que nous conseillez vous à la place, ou qui s’en rapproche ???? Il est vrai que quand on pense au film "Le Narcisse Noir", on imagine une fleur vénéneuse mais enivrante, d’une sensualité torride mais défendue, à l’image de la folie de sœur Ruth... Film très moderne pour l’époque !

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par Opium, le 28 novembre 2014 à 12:15

Bonjour Fairy47.

Je suis navré, mais, rien ne s’en rapproche. Absolument rien. Peut-être de sentir du castoréum seul dont on a l’illusion dans le parfum. Mais, dans ce cas, il manquera ce qui fait l’élément essentiel de ce parfum, sa mise en tension par quelque chose qui le rééquilibre et le tire vers son opposé. Désolé, mais c’est bien le drame, si ce parfum est si intéressant, c’est aussi en partie car il est unique. Avec l’extrait actuel, en imaginant les choses mieux fondues, vous devriez parvenir à vous faire une idée... ;-)
Je ne sais pas si Newyorker sera d’accord avec moi, mais, voici ce qui me paraît être la (triste mais adéquate) réalité et sa réponse.

Bonne journée.
Opium

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habanita

par habanita, le 25 novembre 2014 à 11:47

Hier j’ai cassé un flacon vintage de 200ml d’eau de toilette, les 2/3 sont partis dans ma baignoire….Ma salle de bain sent divinement bon….snif….

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par Opium, le 28 novembre 2014 à 12:20

Bonjour Habanita.
Je ne suis pas certain que "Bonjour" soit le terme adéquat.
Là, c’est plutôt ce qu’on appelle un "drame"...
À bientôt.
Opium

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Jean-David

par Jean-David, le 21 novembre 2014 à 10:28

Chers Opium et New Yorker, votre article donne une envie folle de s’asperger libéralement de ce parfum d’une sensualité que votre article laisse deviner : étourdissante... jusqu’au moment où l’on apprend que la reformulation en a fait une chose insignifiante ; et c’est là que je vous consulte : sommes-nous donc réduits à nous détourner des chefs-d’oeuvre du passé - si ce n’est dans un but de connaissance, d’étude, comme vous le faites avec brio - et à rechercher notre plaisir dans des parfums nouveaux, ou du moins récents, dont la formule est cohérente parce qu’elle a été conçue, dès l’abord, en tenant compte des rigueurs de la législation, du permis et de l’interdit, des bureaucratiques férules ? Ou bien la solution consisterait-elle à rechercher de rares flacons anciens, au risque que le poids des années ait atteint leur éclat, jusqu’à leur identité ?
J’adore les vieilleries ; lire de vieux livres, mettre de vieilles cravates est certes plus facile que porter d’anciens parfums ! Que dois-je faiiiire ?

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par Opium, le 24 novembre 2014 à 17:15

Bonjour Jean-David.

Merci beaucoup pour ton message.
Tu devrais prochainement avoir une réponse pleine de bon sens de la part de Newyorker, nous en avons discuté tous deux, il souhaite te répondre. Je le laisse le faire. #nesemouillepas ;-)
(Pour avoir échangé avec lui, je partage tout à fait son opinion.)

À bientôt.
Opium

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par Newyorker, le 14 décembre 2014 à 19:27

Bonjour Jean-David,

Et je te prie, tout d’abord, de m’excuser pour ma réponse ultra tardive. Merci pour ta question intéressante, dont nous avons en effet discuter avec Opium.

Alors que faire ? Il n’y a pas une seule et unique réponse, chacun devant faire un peu les choses à sa manière et selon ses goûts.
Les chefs d’œuvre du passé ne sont pas tous massacrés. Mitsouko est proche de sa version d’origine par exemple et je déconseille à quiconque de se lancer dans l’acquisition d’une version ancienne. C’est une création fragile qui résiste mal au temps qui passe et qui se détériore rapidement, avec des notes de mousse de chêne et de patchouli qui phagocytent le reste de la composition, rompant ainsi son merveilleux équilibre.

Certains parfums reformulés sont, et c’est très rare, encore plus beaux que leurs versions d’origine. C’est le cas de la réédition de Courrèges In Blue dont je parlerai prochainement sur Auparfum, et qui est meilleure que la version d’origine des années 80.

Après, question plus délicate en ce qui concerne des parfums encore très beaux aujourd’hui mais différents de leur version d’origine. C’est le cas par exemple du N°5. Les versions actuellement commercialisées (notamment l’extrait et l’EDT) sont splendides, mais diffèrent des versions plus anciennes. Pour la culture, oui, je conseille aux curieux de se procurer un extrait ancien bien conservé du N°5 dont le côté fourrure manque aujourd’hui. Mais la quête du vintage est parfois complexe, car il s’agit de dénicher un flacon bien conservé, et une bonne version (je n’aime pas, par exemple,les versions des années 80 du N°5, qui ont une note plastique synthétique qui me dérange. En revanche, avec Jicky (le rédacteur, pas le parfum), nous sommes tombés sur une version des années 30 très belle).

Enfin, pour les parfums disparus ou très affaiblis, voire massacrés aujourd’hui, tout dépend du budget qu’on est prêt à consacrer à ces parfums. Pour les fans d’Opium, aucun intérêt d’aller acheter la version actuelle (sauf si c’est celle qu’on aime), alors que l’on peut trouver des versions des années 1990 ou 2000 pour le même prix sur ebay. Après, pour les Guerlain, les Caron ou les Dior, c’est une autre affaire. Ce sont des parfums recherchés qui se revendent parfois très chers, mais les bonnes affaires peuvent encore se faire si l’on sait chercher aux bons endroits et que l’on y consacre un peu de temps. Je suis passionné par ces parfums anciens,et par l’Histoire de la parfumerie au 20ème siècle donc, personnellement, je n’hésite pas à investir.

Je ne suis évidemment pas pour le « tout vintage », ce serait trop triste, mais je ne me retrouve pas pleinement dans la parfumerie actuelle, mes goûts me portent souvent vers des créations anciennes. Donc j’achète les deux, et je pense que l’idéal est en effet de pouvoir mixer, et de ne pas se jeter la tête la premère dans l’acquisition de versions anciennes, au risque de faire face à des déconvenues, pas plus que dans toutes "les nichouilles" dont les nouvelles marques confidentielles nous abreuvent (ce n’est que mon avis.

La dernière question est : « Dois-je porter ou conserver ces raretés difficilement acquises ? ». A ce sujet, je n’ai aucun conseil à donner. Ces créations un jour se détérioreront, et ont été créées pour être portées. Je m’y suis résolu depuis peu, mais avec la plus grande parcimonie pour les plus rares et les plus anciens.

Voilà, voilà :)

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par sigisbée, le 7 avril 2016 à 16:04

Bonjour,
Spontanément, je vous dis merci.

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Lanou

par Lanou, le 17 novembre 2014 à 23:49

Merci beaucoup pour cet article ;)

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par Newyorker, le 19 novembre 2014 à 19:11

Bonsoir Lanou et merci beaucoup, c’est gentil :)
Vous connaissez ce parfum ?

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par Opium, le 24 novembre 2014 à 17:13

Bonjour.
Lanou, merci beaucoup ! ;-)
Opium

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par Memories, le 17 novembre 2014 à 23:10

Dans le film, effectivement les paysages et la photographie sont somptueux.La performance de Deborah Kerr était intéressante (comme dans presque tous ses rôles d’ailleurs).Mais le film lui-même m’avait semblé bien banal.

De la même façon, et comme vous le dites si bien, Narcisse Noir (bien que très particulier) est une merveille en version originale mais encore faut-il la trouver....Par contre, la reformulation est un désastre.

Où Richard Fraysse passe, les merveilles de Caron trépassent.

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par Aryse, le 17 novembre 2014 à 23:13

J’attribuerai 4 étoiles à la version originale....Mais je note la version actuelle et là....vade retro.....

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par Newyorker, le 19 novembre 2014 à 19:17

Bonsoir Aryse, merci pour votre contribution.
Ah, moi je trouve le film assez grandiose et son propos me semble très moderne pour l’époque.
Quant au parfum, j’avoue ne pas détester la version actuelle, même si je la trouve un peu écœurante, mais ça ne devrait pas s’appeler "Narcisse Noir".
D’ailleurs, le nom d’origine de ce parfum n’est pas "Narcisse Noir", mais "Le Narcisse Noir", c’est quand même bien plus joli, et ça lui confère une caractère encore plus mystérieux et unique. C’est comme si l’Heure Bleue était renommée Heure Bleue. Bof.

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par Opium, le 24 novembre 2014 à 17:12

Bonjour à nouveau Aryse.

Pour la reformulation, non, je vais me taire... Disons que la description vers la fin de l’article correspond très bien (malheureusement)... #cataoupresque #autremonde

À bientôt.
Opium

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