La vanille fait son défilé : la revue de sorties
par Alexis Danile, le 11 décembre 2025
Parce qu’à l’approche de l’hiver, les sillages se font volontiers plus ambrés, plus ronds, plus chaleureux, nous vous proposons une nouvelle revue de sorties, consacrée à une matière que l’on croyait trop rebattue pour encore surprendre : la vanille. Tantôt charnelle, minérale, corsetée de poivre ou fondue dans le rhum, elle se présente dans les derniers lancements de 2025 sous toutes ses formes, entre héritage classique et audace contemporaine.
Shalimar Essence - Guerlain
La plus emblématique

Serait-ce la raison de ce récent engouement pour la gousse noire ?
La maison Guerlain célèbre les 100 ans de son ambré mythique avec Shalimar Essence, reprenant la formule du millésime Vanilla planifolia de 2021. L’identité du grand classique reste palpable, dans une version tout en douceur imaginée par Delphine Jelk : la vanille de Madagascar apporte à l’ouverture une saisissante évocation de la gousse, grasse, gustative, aux légères inflexions cuirées. Alors que les facettes plus fumées ou animales de l’original sont mises en sourdine, on profite du large volume de muscs blancs qui apportent une pointe de modernité à ce monument de sensualité [1].
Eau de parfum intense 86 € / 30 ml, 120 € / 50 ml, 158 € / 90 ml
Atmah - Caron
La plus « héritage »
Pour sa première création en tant que parfumeuse de la maison, Louise Turner, qui a succédé à Jean Jacques cette année, signe une composition autour d’une « vanille minérale », inspirée des vastes steppes du Kirghizistan. Un thème inattendu pour Caron, plus connu pour ses bouquets opulents et ses épices signature. À la vaporisation, c’est pourtant bien le poivre, clin d’œil à l’histoire de la maison, qui s’impose d’emblée. Il introduit un cœur floral dense, entre tubéreuse camphrée et lys au clou de girofle, où transparaît cette fameuse « Caronade » qu’on avait presque oubliée. En fond, la vanille s’étire sur un lit de bois ambrés, douce mais légèrement sèche, loin des accents gourmands habituels. Un sillage à la fois propre et racé, qui modernise les codes maison sans les renier.
Eau de parfum 150 € / 30 ml, 203 € / 50 ml, 285€ / 100 ml
Vintage Vanilla - Horace
La plus accessible

À rebours des excès du marché, la marque de produits de soins pour homme Horace rappelle qu’il n’est pas toujours nécessaire de dépenser une fortune pour sentir bon. Vintage Vanilla, composé par la parfumeuse Caroline Dumur, assume sa simplicité et son charme tranquille : une vanille douce, poudrée, cuirée, épicée, au léger accent suranné qui justifie bien son nom. Sans chercher l’originalité (on pense de loin à un Bois d’argent revisité), elle évoque plutôt un confort familier, entre peau propre et gousse séchée. Un parfum sans posture, à porter en toute simplicité et on ne lui en demande pas plus !
Eau de parfum 62 € / 50 ml, 98 € / 100 ml
Vanille caviar - BDK
La plus salée

Le nom évoque immédiatement la richesse, la texture et le raffinement, et c’est bien sur cette idée que repose Vanille Caviar. La marque (qui vient d’ailleurs d’annoncer l’entrée de LVMH Luxury Ventures à son capital) décrit une vanille contemporaine, pensée comme une matière vivante par Alexandra Carlin, et dont la dualité serait à la fois salée et suave. À la vaporisation, un éclat net de bourgeon de cassis vient dominer les premières minutes : acidulé, un peu froid, métallique, il participe à une impression marine et iodée qui justifie le nom. Puis, à mesure que le parfum s’installe, la vanille s’arrondit, se voile d’une bonne couche de bois ambrés, de notes liquoreuses et d’un coté olive noire, rappelant la dimension phénolique de la gousse. Ainsi, le résultat peut sembler cacophonique, tout en restant linéaire et mesuré.
Eau de parfum 42 € / 10 ml, 205 € / 100 ml
Madagascar, le baume vanille - Parfum d’empire
La plus ancestrale

Marc-Antoine Corticchiato s’est inspiré d’un séjour à Madagascar pour réinventer une matière mille fois exploitée : la vanille. Refusant tout effet pâtissier, il imagine un breuvage sensuel où la gousse se mêle à l’alcool et aux épices, comme une liqueur ambrée. Dès les premières notes, un éclat de poivre et de clou de girofle chauffe la peau avant que la vanille n’apparaisse, sombre et charnelle, traversée de nuances de rhum, de cacao et de résines. Le résultat évoque moins un dessert qu’une infusion nocturne, dense et un peu ensorcelante. Une vanille brute, vivante, sans séduction facile… Mais diablement addictive !
Eau de parfum 140 €/50 ml, 200 € /100 ml
Vanille carbone - Atelier Materi
La plus minérale

Chez Atelier Materi, la vanille s’assombrit. La marque la présente comme une matière brute, chauffée à blanc, travaillée jusqu’à sa part minérale et fumée. Une interprétation de Natalie Gracia-Cetto fidèle à l’esthétique architecturale de la maison, toujours centrée sur la texture. Dès les premières secondes, la vanille s’impose avec force, presque charnelle, vite rattrapée par un souffle sombre, comme une braise qui se consume lentement. L’ensemble reste dense mais contenu, équilibrant la chaleur du bois et la sécheresse d’une fumée noire. Vanille Carbone est une création à la fois simple dans son idée et très juste dans son exécution.
Eau de parfum 49 € / 10 ml, 230 € / 100 ml
Fantasmagory - Louis Vuitton
La plus « chimérique »

Pour sa dernière création dans sa (dispendieuse) collection d’extraits, Louis Vuitton promet une vanille revisitée, conçue comme une illusion olfactive, capable de brouiller les repères et de surprendre à chaque étape. Surprendre, c’est peu dire : dès les premières secondes, le parfum créé par Jacques Cavallier Belletrud déjoue toute attente. Une envolée fraîche, presque aqueuse, contraste avec la chaleur attendue de la vanille, comme si la matière se reflétait dans un miroir déformant. Puis un sillage amandé, amer, caoutchouteux, évoque Hypnotic Poison, avant de s’assombrir et de gagner en densité, révélant une facette boisée, fumée, où la douceur initiale s’efface derrière une structure plus abstraite. Fantasmagory reste fidèle à la ligne de la maison : une interprétation à la fois conceptuelle et parfaitement maîtrisée, qui intrigue plus qu’elle ne charme… Serait-on en droit d’attendre un peu plus à ce prix-là ?
Extrait de parfum 510 € / 100 ml
Libre Vanille couture - Yves Saint-Laurent
La plus stratégique

Yves Saint Laurent présente Libre Vanille couture comme une variation plus travaillée de son modèle phare lancé en 2019, taillée dans les mêmes lignes de lavande et de fleur d’oranger mais ourlée cette fois d’une vanille ambrée. Dès les premières notes, la lavande, nette et fusante, impose son tailoring impeccable avant que la vanille ne vienne se glisser dans la doublure. Elle réchauffe le tissu, apporte une touche satinée qui fait vibrer la composition sans la transformer. Libre Vanille couture s’inscrit dans la lignée d’une collection bien ajustée, plus retouchée que révolutionnée, et c’est peut-être là sa réussite.
Eau de parfum en édition limitée 132 € / 50 ml
Enfin, si vous désirez vous plonger plus en profondeur dans le sujet, nous ne pouvons que vous recommander La Vanille en parfumerie, dans la collection « Nez + LMR Cahiers des naturels » paru chez Nez en 2024. De sa culture à son usage dans les parfums, vous y découvrirez tout ce qu’il faut savoir sur l’usage de la gousse noire dans les flacons, ainsi qu’un magnifique arbre généalogique rassemblant les principales références vanillées du marché à tester !
96 pages, 16 €


[1] Ce texte rédigé par Cécile Clouet est initialement paru dans Nez #20
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par Blanche DuBois, le 11 décembre 2025 à 18:27
La vanille... quel pari risqué, sans compter le summum de l’originalité ! (Rires).
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par Garance, le 17 décembre 2025 à 18:43
J’ai testé deux parfums dans ces sorties vanilées :
Shalimar l’essence est très agréable à porter, je le trouve moelleux, bien équilibré, avec un aspect plus poudré que dans le Shalimar classique. J’y sens un peu de violette, le fond me rappelle celui de l’Initial (anciennement Shalimar Parfum Initial), en plus gourmand. Il a au départ une beau sillage, mais la tenue n’est pas fabuleuse. Je l’ai acheté... je ne m’en lasse pas.
Madagascar le Baume Vanille est superbe. Mais pour moi, ce n’est pas vraiment une vanille : on sent nettement les épices (si vous avez la phobie du clou de girofle, passez votre chemin !), le rhum. Il est très original, et il a un fort sillage, apparemment j’embaumais (!) toute la pièce, alors que je n’avais mis que trois vaporisations du parfum sur ma peau. Ce qui est étrange, c’est qu’au départ, je ne savais pas si je l’aimais ou si je trouvais cette odeur dérangeante. Mais ce qui est certain, c’est que j’ai passé la soirée à me renifler le poignet. Il a une dimension à la fois intellectuelle, presque mystique, et charnelle.
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par kismi, le 18 décembre 2025 à 14:44
Bonjour Garance, je n’ai pas encore senti le Madagascar, mais ce que vous en dites sur le doute que vous ressentez quand vous le portez m’intéresse. Cela fait partie de mes critères de choix. Cela peut paraître contre intuitif de se diriger vers un parfum dont vous n’êtes pas sûre s’il vous plaît ou non, en ce qui me concerne j’ai remarqué qu’ils m’accompagnent longtemps, et que j’ai toujours autant de plaisir à les sentir. J’ai tenté le vanille caviar de BDK : il m’a surpris, j’étais un peu dans le même état que vous. Mais il se trouve que le doute a laissé place à de l’écœurement. Parfois ça ne marche pas ! Des bisous !
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par Garance, le 18 décembre 2025 à 15:19
Ah, certains de mes parfums étaient des coups de coeur immédiats : le regretté Traversée du Bosphore, le regretté Coromandel en eau de toilette m’ont fait cet effet. (Coromandel existe toujours, mais a vraiment perdu de sa superbe) Je les ai aimés tout de suite, et portés longtemps. D’autres m’ont d’abord intriguée, voire indisposée, puis je les ai appréciés : ainsi Angel de Mugler, mais il faut dire que j’étais jeune quand il est sorti, et il était à l’époque trop et souvent mal porté. Insolence m’avait à sa sortie gênée par l’overdose de violette, je trouvais le parfum presque strident. Et pourtant... j’ai fini par les porter tous les deux. En général, je tourne autour, je les essaie, j’achète un échantillon, et si je vois un effet de manque, je finis par l’acheter. Il est tout à fait possible que cela se passe ainsi pour Madagascar le Baume Vanille !
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par Garance, le 18 décembre 2025 à 15:23
En revanche, j’étais un peu étonnée que Madagascar, le Baume vanille n’ait pas sa propre critique à sa sortie. Je sais bien que l’équipe de Nez ne peut pas tout chroniquer, mais je trouve que ce parfum se démarque suffisamment pour mériter une chronique individuelle. Je précise que je ne connais personne qui travaille chez Parfum d’Empire !
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par Blanche DuBois, le 22 décembre 2025 à 14:25
Shalimar L’Essence, véritable chef-d’œuvre de l’escroquerie olfactive. Un parfum qui ose s’appeler « essence » alors qu’il n’est qu’un mythe noyé dans de la vanille en overdose, un sirop sucré censé masquer l’absence totale d’audace. On nous promet l’âme de Shalimar, on nous livre un fantôme édulcoré, une ombre fade de ce qui fut, moins une réinvention qu’une résurrection ratée, un zombie olfactif.
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