Thierry Mugler, une étoile s’est éteinte

Né à Strasbourg en 1948, Thierry Mugler (qui avait adopté le prénom Manfred depuis 2013) était arrivé à Paris à 20 ans, puis avait créé sa propre société, Café de Paris, en 1973, avant de fonder la maison Thierry Mugler un an plus tard. Épaules surdimensionnées, décolleté plongeant et taille étranglée : la silhouette outrageusement sophistiquée de la femme Mugler, entre vamp et cyborg, s’était rapidement imposée, faisant de lui un couturier phare des années 1980.

En 1992, il transpose en parfum cette vision d’une féminité exacerbée et futuriste avec Angel. Thierry Mugler voulait une composition qui lui rappelle les fêtes foraines de son enfance : Olivier Cresp proposa de revisiter l’accord oriental avec une note gustative d’éthyl maltol (jusqu’alors très peu utilisée en parfumerie), et en contrepoint un patchouli noir et terreux. Novateur et polarisant, le parfum à l’étoile bleue mit quelques années avant de connaître un succès jamais démenti depuis, donnant naissance à la famille olfactive des gourmands qui domine le marché depuis trente ans - et à une kyrielle de flankers plus ou moins marquants, à l’instar d’Angel Muse ou encore Angel Nova.

Quatre ans plus tard, A*Men de Jacques Huclier décline l’assortiment de confiseries au masculin, notamment le chocolat, en le greffant à une classique structure fougère. Ses nombreuses déclinaisons autour des notes de tabac ou de spiritueux ont parfois suscité l’engouement, mais peu ont été maintenues.

À contre-courant de la tendance qu’il a lui-même contribué à créer, Thierry Mugler revisite en 2001 le genre de la cologne avec Alberto Morillas. Inspirée du savon de Marseille, Cologne (rebaptisée Come Together quand la gamme des Colognes s’est élargie en 2019) combine fraîcheur verte et rémanence musquée à la composition mystérieuse...

En 2005, retour à l’ultra-féminité un brin étrange avec Alien et son bouquet de fleurs blanches sur lit de Cashmeran, signé Laurent Bruyère et Dominique Ropion, au sillage nucléaire comme ses prédécesseurs.

Les créations suivantes se révèlent toujours singulières, mais parfois inégales : l’accord sucré-salé de Womanity (2010), dans lequel Fabrice Pellegrin marie figue sirupeuse et accord caviar, rencontre un accueil mitigé, tandis qu’Aura, créé par Amandine Marie, Christophe Raynaud, Daphné Bugey et Marie Salamagne en 2017 semble vouloir faire consensus en enrobant un accord certes vert et camphré d’une vanille amandée un peu plus commerciale...

Alien Man vient en 2018 rejoindre son aîné A*Men au rayon masculin, avec une fougère qui, même si elle revisite les codes en évitant les facilités du genre, semble manquer d’audace pour certains.

Si elle s’est largement illustrée dans le circuit mainstream, la maison s’est également fait remarquer sur un terrain plus exclusif avec la Collection des Exceptions, lancée en 2014, et qui recèle quelques pépites, dont Oriental Express, où Olivier Polge et Jean-Christophe Hérault offrent une relecture inspirée du thème vanillé poudré, et Naughty Fruity, où ce dernier travaille une jolie prune liquoreuse et tabacée.

En 2019, Mugler entre dans le giron du groupe L’Oréal, qui la rachète à Clarins : une manière pour le géant des cosmétiques de renforcer sa présence dans le monde de la parfumerie, en s’offrant une marque désormais leader du marché.

Figure unique dans le paysage de la mode et de la parfumerie, Mugler a démontré comme nul autre à quel point l’univers de la première pouvait nourrir la seconde, dans une transcription inédite et personnelle, à la cohérence inégalée.

Et vous, quels sont vos parfums Mugler préférés ?... ou honnis ?

Images : publicités parfumdepub.com, portrait madparis.fr © Max Adabian