Guerlain : nouveaux flacons, futures disparitions ?
par La rédaction, le 3 juin 2017
Depuis le XIXème siècle, Guerlain brille par ses parfums, mais également par ses flacons. Quadrilobés, rectangulaires, facettés, ronds, ovales... ils font partie intégrante de l’identité des parfums. En 2017, Guerlain prend la décision radicale d’en uniformiser une grande partie.
Serait-ce une démarche qui viserait à se rapprocher de la parfumerie de niche, connue pour ses flacons sobres et standardisés ? Ou bien est-ce le résultat de décisions budgétaires restrictives ? « L’uniformité n’est pas notre credo » déclarait en 2009 l’ancienne directrice du développement parfums de Guerlain, Sylvaine Delacourte sur le blog Olfactorum. Elle estimait que « le foisonnement, une certaine ébullition, un désordre organisé » faisaient partie intégrante de l’histoire de Guerlain.
Or, de nombreux flacons, féminins et masculins seront standardisés en septembre 2017.
L’objectif de la marque semble être désormais de vouloir renforcer son image de “parfumeur” et créer un “esprit collection” pour améliorer sa cohérence, son impact et son image.
Après Jicky, Vol de Nuit, Chamade et Nahema l’année dernière, c’est au tour des flacons des eaux de toilette et eaux de parfum de Samsara, Champs-Elysées, Insolence, L’Instant, L’Instant Magic et Idylle de totalement disparaître, pour être remplacés par le “flacon abeille vaporisateur”.
Ce modèle s’inspire du flacon qui avait été à l’origine conçu pour L’Eau de Cologne Impériale en 1853. Il incarnerait le mieux, selon la marque, son identité à l’international, sans doute à cause de sa symbolique impériale, donc luxueuse et noble ?
Ces six parfums sont ainsi regroupés sous un même flacon ressourçable, décliné dans un verre givré et coloré, dont la teinte de l’étiquette et de la boîte évoque le packaging d’origine, dans une collection nommée informellement “contemporaine”, ou “overdose”.
En effet, chacun des parfums est décrit comme étant caractérisé par un accord olfactif présent “en overdose” dans chacune des références : Samsara et le santal ; L’Instant et les notes solaires ; L’Instant Magic et les muscs blancs ; Champs-Elysées et le mimosa ; Idylle et la rose ; et enfin, Insolence et la violette.
Selon les références, les formats seront disponibles en 30ml, 50ml et 100ml.
Les flacons originaux des extraits de Samsara, Champs-Elysées et L’Instant sont quant à eux remplacés par le flacon quadrilobé (comme le flacon original de Jicky).
La marque segmente ainsi désormais son offre en trois grandes catégories :
Les “piliers” (meilleures ventes), avec La Petite Robe Noire, Aqua Allegoria Mandarine Basilic, Shalimar (qui conserve son flacon d’origine) et, depuis cette année, Mon Guerlain (qui a donc l’air d’avoir bien démarré).
La collection “contemporaine”, avec les six mentionnés plus haut.
La collection “patrimoine”, avec L’Heure Bleue, Mitsouko (ces deux conservant leur flacon d’origine) et les classiques Nahema, Chamade, Vol de nuit, Jardins de Bagatelle, Jicky, Chant d’Arômes et Après l’Ondée qui ont déjà tous rejoint le flacon abeille transparent l’an passé.
Et enfin les eaux et les colognes, déjà contenus dans le "flacon abeille".
En ce qui concerne les masculins, face à un constat de « manque de cohérence » lié à la diversité des flacons existants, le nouveau standard devient celui d’Habit rouge, (qui est le même que Vétiver) surmonté de capots en bois, toujours dans cette volonté de créer un effet “collection”.
Seul L’Homme Idéal, un best-seller, conserve son flacon.
Chaque parfum serait dédié à une cible masculine bien spécifique : Habit rouge pour le dandy, Vétiver pour le hipster, Guerlain Homme pour l’aventurier, L’Homme Idéal pour le romantique et Héritage pour le gentleman.
Toutes les références seront désormais disponibles en format 50ml et 100ml, et 200ml pour Vétiver et Habit rouge.
Cette uniformisation d’habillage, déjà amorcée depuis quelques temps, ne laisse bien-sûr pas indifférente toute la communauté de passionnés de parfums, et en particulier ceux de la marque, pour qui les flacons font partie intégrante de l’histoire et de l’identité de la maison Guerlain, et contribuent à en faire des créations uniques, distinctives, avec leur personnalité, leur caractère et leur esthétique qui leur sont propres.
Ce besoin ressenti par les décideurs d’uniformiser, de rationaliser et de lisser les références avec l’objectif de simplifier les choix du client, pour au final, l’attirer davantage, semble contradictoire, et risqué.
Cela pourrait au contraire avoir comme effet de banaliser l’offre, de noyer tout ce qui faisait la richesse et la diversité de la marque dans un magma uniforme, standardisé, qui semble avoir comme seul intérêt de faire plus “niche” au milieu des rayons mainstream avec un flacon unique, mais pas forcément plus “luxe”.
La clientèle plus jeune qui semble vouloir être visée risque de ne pas être davantage attirée par ces flacons délibérément “classiques”, voire perçus comme “old-school”, tandis que la clientèle bourgeoise et aisée, autrefois habituée de la maison l’a déjà délaissée depuis un moment. La nouvelle cible de cette gamme mainstream, sans doute plus classe moyenne et populaire, sera-t-elle séduite par ce néo-classicisme banalisé au milieu d’une concurrence de plus en plus bling-bling, entre faux diamant en plastique et lingot d’or de pacotille ?
Seul l’avenir nous le dira… Mais il sera alors peut-être trop tard, et les parfums ainsi privés de leur identité propre, victimes de leur transformation, seront alors contraints de disparaître, face aux ventes en chute libre…
Par ailleurs, l’utilisation un peu maladroite de cette notion de “patrimoine” tient elle-même de l’auto-sabotage, et relève davantage du folklore. A force de répéter que ces parfums sont “vieux”, plutôt que de les intégrer pleinement dans l’offre globale, cela revient à les dévaloriser, et ils risquent fort de finir par mourir d’avoir été enterrés trop tôt, dans leur beau “cercueil abeille”.
Mais peut-être est-ce finalement là l’objectif premier, caché derrière tous ces remaniements : on sait que les formules classiques, si elles n’atteignent pas les ventes d’un Shalimar, ou la notoriété intouchable d’un Mitsouko ou de L’Heure bleue, ne sont pas considérées comme rentables pour un groupe comme LVMH, alors pourquoi ne pas les laisser doucement s’éteindre, s’effacer et finalement disparaître ?... Et continuer à produire des nouveautés moins chères à fabriquer, avec la vocation de les vendre à travers le monde, à une clientèle certes curieuse, mais aussi versatile, qui n’aura sans doute jamais entendu parler de Guerlain auparavant, qui ne lui accordera jamais la fidélité qui a pu exister dans le passé, et qui a justement permis à la marque de prospérer jusqu’à présent. Il est primordial de conserver ses clients fidèles, attachés aux valeurs et à la qualité (toujours bien réelle) des parfums.
Les négliger présente toujours un risque, un peu comme quitter sa femme après 30 ans de mariage pour une bimbo bien roulée, qui vous abandonnera au bout d’un an pour un plus jeune et plus musclé que vous...
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par rose de nuit , le 9 octobre 2017 à 16:34
Bonjour
J’arrive après la bataille... Mais je n’avais pas mesure le changement..
Je viens de faire un tour dans une grande parfumerie de ma ville et j’ai été consternée de voir tous ces flacons Guerlain uniformisés ! C’est moche, moche, moche ! Cheap ! Que reste t il de ces beaux flacons ? De l’histoire de Guerlain ? Rien ! Tout est prétexte à faire du fric en pressant bien le citron . Je détestais déjà la petite robe noire et ses déclinaisons alors là c’est le pompon ! Monsieur LVMH a de la suite dans les idées .
Ce changement d’ailleurs n’est pas le seul fait de Guerlain. En parcourant les rayons j’ai vu que Caron avait fait de même, Rochas... Je ne comprends pas ce positionnement à part effectivement être plus rentable. Ou retrouverons nous le beau flacon de Jardin de Bagatelle dont se paraît ma maman, ,Chamade avec son bouchon en verre dépoli (toujours porté par ma maman qui était une fidèle cliente !). Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse... C’est ça non ?
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par Garance, le 9 octobre 2017 à 18:19
Et encore, l’ivresse, avec les jus reformulés (L’Heure Bleue, Samsara...), je ne suis pas vraiment sûre qu’elle soit au rendez-vous !
par euskalpyth, le 14 juin 2017 à 08:25
Puisque le sujet des flacons Guerlain arrive sur la table...
Petit message à l’attention de MM Wasser et Saccone et des décideurs chez Guerlain ou chez LVMH : je suis preneur (et je ne suis pas le seul) d’une sortie de Coque d’Or et de l’Hiver, à prix "raisonnable", en flacon abeilles ou dans le flacon que vous voulez (mais pas en flacons Lalique, éditions limitées et numérotées, à 14 et 16 000 euros) -
Il est vraiment dommage que ces deux jus magnifiques (allez les sentir aux boutiques des Champs et St Honoré) soient réservés à des collectionneurs fortunés qui ne les porteront probablement jamais et qu’ils ne vivent pas, comme c’est le but de tout parfum, sur la peau de ceux qui pourraient les apprécier à leur juste valeur et non comme un objet de décoration ou un investissement...
Merci pour nous !
;-)
par kika, le 7 juin 2017 à 09:00
Au lieu de s’occuper du contenant ils feraient mieux de soigner le contenu...Les clients passionnés ne s’y trompent pas, flacon abeille ou pas. Après deux achats d’exclusifs qui ne tiennent pas plus de deux heures, j’arrête guerlain définitivement pour me tourner vers des marques qui proposent des exclusifs dont la qualité est supérieure.
par germanomio, le 5 juin 2017 à 12:13
C’est aussi vite oublier que tous les "plus vieux " Guerlain ont été vendus dans toutes sortes de flacons différents changeant selon les époques et les concentrations et réutilisés pour des jus différents ...ce n’est que du marketing fait pour agiter la blogosphère et faire parler de la marque... et ça marche !
dans quelques années on aura droit aux rééditions luxueuses (et donc hors de prix) des flacons d’origine... qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse
par cis3hexen1ol, le 4 juin 2017 à 16:37
triste, à l’image de tellement de choses ... place au rien ou au clinquant de mauvais gout, doublement triste pour moi et mes filles, ma maman c’est le flacon de "shalimar", toujours posé sur une commode coutançaise faite par les arrières arrières grands parents à la veillée, au beau milieu du petit salon , c’est la beauté d’un bouquet de fleurs à coté, ce sont des clés que l’on cherche et que l’on retrouve posées vite fait derriere "shalimar" avec son bouchon bleu..c’est le flacon qui redonne de l’élégance à l’affreux petit cadre confectionné avec amour par l’arrière petite, qui restera, le temps qu’elle l’oublie,et c’est moi qui petite ne me lasse pas, de le regarder en plus d’adorer l’odeur....breff encore du beau remplacé par du boffff, mais le boff à le vent en poupe...pour tellement de raisons :-))))
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par OPomone, le 4 juin 2017 à 19:01
Rassurez-vous, Shalimar conservera son flacon d’origine (relisez bien).
Ils n’ont pas osé s’en prendre au parfum le plus emblématique de la maison. Mais surtout, Shalimar est toujours dans le top 10 des parfums féminins les plus vendus en France, et son flacon y est certainement pour beaucoup.
Conclusion : ils ne sont pas si bêtes que ça chez LVMH...
par Adina76, le 3 juin 2017 à 18:55
Votre réflexion évoque aussi pour moi le cas des parfums "historiques" d’Hermès qui se sont tous retrouvés il y a quelques années dans le même flacon transparent, l’étiquette étant le seul élément de personnalisation. Ce changement pour une présentation plutôt rétro et uniformisée m’avait beaucoup déçue et je doute qu’il ait boosté les ventes, bien au contraire. Les flacons rouge et bleu nuit de Rouge et Hiris étaient pourtant magnifiques et autrement plus modernes. Il est évident que cette standardisation des contenants permet de baisser les coûts et optimiser la production, mais les ventes en pâtissent probablement. Et on peut en effet craindre pour le maintien au catalogue de jus superbes mais "oubliés" de la politique commerciale. Il reste peut être un peu d’espoir et sauf erreur de ma part, la maison Rochas en est un bon exemple puisqu’après avoir uniformisé tous ses flacons, elle ressuscite - du moins pour certains - les flacons historiques.
par OPomone, le 3 juin 2017 à 18:42
Chapeau bas, AuParfum !
L’analyse est juste, fouillée, implacable et, j’en ai peur, prémonitoire.
Guerlain, ce grand cadavre à la renverse, présente tous les symptômes d’une maladie qui ne pardonne pas. Engageant le pronostic vital de la Qualité et de la Créativité, elle a pour nom : la rentabilité-avant-tout.
Et nous assistons, la larme à l’œil mais impuissants, au saccage d’un patrimoine deux fois centenaire.
Heureusement, pour défendre les couleurs de la parfumerie d’auteur en France, il y a encore... euh, attendez, qui au fait ?
Francis Kurkdjian ? Ben non, sa Maison éponyme est tombée de plein gré dans les bras de LVMH, justement.
Oui, c’est comme cela désormais, il faut se faire une raison : la niche qui a du potentiel se fait racheter par les mastodontes du secteur.
Alors, en attendant que LVMH, L’Oréal ou Estée Lauder leur mettent le grappin dessus, chérissons les créations de Marc-Antoine Corticchiato, de Pierre Guillaume ou de Patricia de Nicolaï. Bientôt, il ne sera plus temps.
#MakeGuerlainGreatAgain (mais c’est pas gagné !)
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Moi aussi, je me réveille un peu tard en ce qui concerne la possibilité d’élimination des références moins vendues des parfums Guerlain. J’ai commencé à m’inquiéter en regardant le site internet de vente de Guerlain et votre article n’a fait que confirmer ma préoccupation. En général, je m’occupe plus des jus que des flacons, mais il est vrai que le flacon aux abeilles qui pouvait convenir aux colognes et autres "acque fresche" n’est pas adapté aux jus de grande renommée : son visuel trés Napoléon III se rattache à un des styles moins appréciés du XIX°. Les autres dessins, de l’eclectisme de la fin du XIX° à tous les styles de la première moitié du XX° sont beaucoup plus accrocheurs ! Et Dieu sait si la marque Guerlain doit posséder des formes de flacons bien plus attrayantes !
En ce qui concerne les jus, je pense que les concentrations ont dù ètre remaniées, car l’eau de parfum de l’Heure Bleue que l’on vient de m’offrir est moins tenace (au point d’en devenir illisible) que l’eau de toilette de Aprés l’Ondée que j’ai achetée il y a deux ans. Heureusement, l’eau de parfum de Shalimar est éguale à elle mème, mais pour combien de temps ? J’avais l’habitude d’alterner les Guerlain avec les Caron, mais les grands parfums Caron ont été décimés (pour faire simple) ! Va-t-il falloir faire des dons pour la sauvegarde des "Parfums du Patrimoine" comme pour les petites chapelles abandonnées ! Je ne crois pas en un "bon sens" économique des grands groupes financier car ils agissent toujours dans l’urgence à la recherche du profit immédiat dont dépend sans doute la carrière à court terme de quelques administrateurs éjectables. Le groupe Patrick Alès n’est pas assez fort pour maintenir les parfums Caron à la hauteur de leur réputation. LVMH peut tranquillement préserver le patrimoine Guerlain comme l’espère la famille Guerlain, mais il n’est pas sùr qu’il en ait envie (quelqu’aient été les accords avec la famille Guerlain au moment de la vente). La politique de Bernard Arnault comme collectionneur d’art antique, moderne et contemporain n’est en rien rassurante à ce sujet. Excusez les erreurs d’accentuation mais j’écris sur un clavier étranger.
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par DOMfromBE, le 16 novembre 2017 à 13:17
Hélas...
Nous en sommes arrivés à un point où aucun parfum ancien ne devrait plus être acheté sur base de sa réputation, mais bien et seulement après avoir eu l’occasion de tester sur peau et revoir après plusieurs heures ce qui sort encore des testers dans leurs versions les plus récentes.
J’ai fait la navette entre Bruxelles et Paris assez régulièrement en Thalys ces dernières années et quelle n’a pas été mon horreur de constater que certaines références historiques sur le marché comme le N°5 tira sa révérence en deux heures ! Le pire c’est quand les parfumeries proposent à tester des versions d’avant 2015, encore correctes, et que l’on se retrouve à avoir payé le prix fort pour de la flotte jaunâtre... C’est vraiment insupportable.
Mais c’est ainsi...
Il faut faire des choix, des deuils et aller vers d’autres produits et/ou fournisseurs, qui proposent encore quelque chose de correct. Et le prix n’est pas un argument. Certaines "petites" marques s’en sortent encore très bien, loin des arguments bidons des grands acteurs du marché qui ont permis l’IFRA et se posent maintenant comme des victimes.
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