Eau de parfum Helmut Lang
Helmut Lang
- Marque : Helmut Lang
- Année : 2000 - 2014
- Créé par : Maurice Roucel
- Genre : Féminin - Masculin
- Famille : Ambrée
- Style : Chic - Classique - Sensuel
Musc tapageur
par Samuel Douillet, le 1er septembre 2017
Parmi ses trois créations, Helmut Lang propose deux concentrations d’une même idée olfactive imaginée par Maurice Roucel, Eau de parfum et Eau de Cologne, toutes les deux abordées ici.
A la fin des années 90, Helmut Lang, célèbre couturier autrichien, demande à Maurice Roucel de lui créer un parfum. Le parfumeur, alors chez Symrise, vit à Paris, et New York la bruyante Grosse Pomme, où Lang est installé depuis peu, devient le terrain de jeu de nos deux protagonistes.
Helmut Lang est à l’époque LE couturier en vogue, surfant sur sa réputation de créateur avant-gardiste. Sa mode amorcée en 1986 est minimaliste, à contre-courant de l’esprit opulent et théâtral des années 80, Mugler et Montana en tête. Il fait partie des premiers qui préfigurent cette épuration de la mode, à travers des formes radicales et simples.
On peut d’ores et déjà noter une certaine transversalité de la mode et de la parfumerie, où la décennie parfumée des années 80 est synonyme d’exubérance et de volumes (Poison, Diva, Obsession, Coco...) , tout en notes capiteuses et extraverties, avant que les années 90 n’apportent leur lot de sérénité et de pureté (L’Eau d’Issey, Kenzo pour Homme, Acqua di Gio).
Lang perpétue son avant-gardisme à travers la décennie pré-millénaire, avec la sortie de sa collection automne/hiver 1998-1999 sur Internet, aux balbutiements de la Toile.
Les premiers parfums sont pensés à cette époque par le duo, et bientôt deux sont proposés par Maurice Roucel.
Pour le premier, Eau de Cologne, Lang souhaitait une odeur masculine évoquant son compagnon, un lendemain de nuit d’amour, draps froissés et langueur non monotone. C’est drôle, ça rappelle le brief de Kouros d’YSL.
Eau de Cologne, donc, envoie une rasade d’aromates, lavande et romarin en tête, un peu astringente, un poil dérangeante. Durant ces premières secondes, jamais lavande n’aura été si pharmaceutique, si loin de l’atmosphère de barbier qu’on lui prête souvent. De l’eau de Cologne que tout le monde connaît, celle d’Helmut n’en a que le nom, sinon la fraîcheur, car le schéma olfactif est assez éloigné du quatuor habituel bergamote - petit grain - citron - fleur d’oranger. Progressivement l’ouverture s’adoucit, la lavande devient bien reconnaissable et on est projeté dans une atmosphère masculine classique et rassurante. Le tout se réchauffe bientôt pour aboutir sur un fond poudré, coumarine, amandé, musqué, où l’on retrouve la patte caractéristique de son créateur. Un Pour un Homme de Caron des temps modernes ?
La deuxième création de Maurice Roucel pour le couturier se nomme Eau de Parfum, puisant son inspiration en la collaboratrice d’Helmut Lang, Mélanie Ward. Cette fameuse styliste britannique avait rejoint Lang au début des années 90 après qu’ils se soient rencontrés au Café de Flore à Paris, et devint en quelque sorte son alter-ego féminin. On la surnommait même « the female Helmut » (« la Helmut féminine »), tant leurs goûts et idées se rejoignaient. Mieux, il arrivait que les deux achètent de nombreux objets identiques sans même le savoir.
Revenons donc à cette Eau de Parfum, qui s’avère être quasiment la même formule que Eau de Cologne, basée sur les mêmes produits, mais avec simplement une concentration plus forte. L’envolée initiale herbacée et aromatique est cette fois presque absente. On entre ainsi très vite dans le vif du sujet qui est un concentré du génie de Maurice Roucel : très, très musqué, animal, poudré, enveloppant, flirtant avec le gourmand mais un peu sale en même temps. La vanille, le santal et surtout les muscs occupent l’espace. On est dans le parfum fourrure, une pointe d’effluve de bête, pas nécessairement opulent vers l’extérieur mais très dense en soi. Une signature reconnaissable entre mille.
On ne peut pas ne pas voir de filiation avec Musc Ravageur, probablement imaginé à la même période. Le parfum de Frédéric Malle plaçant lui le curseur sur un territoire plus épicé cannelle-girofle. On distingue aussi nettement les contours de Labdanum 18, création pour la marque Le Labo, et qui serait lui plus ambré et gourmand encore que cette Eau de Parfum.
Si, selon moi, son odeur est diablement sensuelle, probablement dévastatrice sur une femme, j’ai pu constater en le faisant sentir à mon entourage, qu’il évoquait à beaucoup une odeur passée de mamie bienveillante, sans rien y trouver d’affriolant. C’est sûrement l’effet des notes poudrées conjuguées à la vanille et à l’héliotrope. Mais c’est avant tout le signe reconnaissable d’un parfum intemporel, capable de parler plusieurs langages.
C’est l’illustration même de l’adage « Back by popular demand » car les deux références furent discontinuées en 2005, à la suite du départ du créateur et de la vente de la marque par le groupe Prada à la holding japonaise Link Theory. Consternation des perfumistas, envol des prix sur Ebay et relancement des parfums par le même groupe japonais en 2014, avec petite reformulation au passage (Maurice Roucel ayant expliqué qu’il a juste remplacé le castoréum naturel par un synthétique).
Finalement, Eau de Cologne et Eau de Parfum voguent entre le propre et le sale, le vif et le lancinant, le BCBG et le très sexy, le jeune et le moins jeune, ainsi ils ne sont pas devenus des parfums cultes pour rien !
« I kind of always revisit things to see if they still have any meaning going forward. »
« Je revisite, pour ainsi dire, constamment les choses, pour voir si elles ont toujours un sens à aller de l’avant. »
Helmut Lang
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par Donald Bovy, le 7 septembre 2017 à 07:58
J’ai porté et adoré L’Eau de Cologne. Une fougère contemporaine comme il en fallait à une époque où les parfums intelligents étaient rares. La preuve que les classiques réinterprétés sont une vraie voie de création et que de connaître sont passées est la marque des plus grands.
par Doblis, le 1er septembre 2017 à 20:20
Bonsoir,
Personnellement j’adore ces 2 parfums. Mais ça ne m’étonne plus en découvrant le nez qui se cache derrière.
Et oui, gros faible pour les créations de Maurice Roucel (Ahhhh Iris Silver Mist ou Dans tes Bras !)
Je trouve d’ailleurs que Dans tes Bras s’en inspire en version pour sage. La nuit a été plus érotique que sexuelle en quelque sorte. Moins d’animalité...
Ces 2 parfums ont une excellente tenue, même dans les nouvelles versions. Ils font presque parfums de peau même s’ils ont un sillage bien présent.
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par ghost7sam, le 3 septembre 2017 à 08:32
Bonjour Doblis, merci pour votre intervention.
Je vous avoue que j’ai du mal à voir un lien entre Dans Tes Bras et ces 2 créations.
Je dirais que DTB est très abstrait, c’est vraiment un OVNI avec ses notes de violette, de cashméran et de sous-bois (et de peinture !).
Peut-être le côté un peu poudré... Comme je n’ai jamais vraiment porté DTB, je suis sûrement passé à côté de quelque chose. Ce dernier a été marketé comme un parfum érotique, inspiré par la peau, mais je n’y entre pas de cette façon.
Une géniale création du monsieur moustachu en tout cas, on est d’accord là-dessus !
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Bonjour, j’ose enfin, ceci est ma toute première prise de parole et je relance une discussion silencieuse depuis quelque temps maintenant sur un parfum plus tellement d’actualité…. Sans savoir si quelque le remarquera ou sera intéressé ou non…. Mais enfin il s’agit d’un parfum très spécial pour moi que j’ai même choisi comme avatar, c’est dire !
Même si j’ai développé un fort intérêt pour les parfums depuis mon adolescence, et si je lis régulièrement les articles et interventions particulièrement intéressantes et souvent agréables et passionnantes, je n’ose pas y prendre part car je suis resté très néophyte, et extrêmement sélectif et difficile sur ce qui me plaît vraiment et que j’ai envie de porter.
Helmut Lang EDP et surtout EDC étaient devenus mes deux « parfums signatures », ceux qui correspondaient parfaitement à ma personnalité, mon style, depuis leur création ; J’avais eu beaucoup de peine à les remplacer. J’aime leur côté à la fois classique et très singulier, frais-propre / chaud/animal, et ils illustrent bien le talent pour moi immense de M. Roucel. (Musc ravageur et Labdanum 18 font également partie de mon univers).
À mon grand désarroi, je ne parviens plus à trouver ces deux Helmut Lang, j’ai contacté la marque pour savoir s’ils étaient de nouveaux arrêtés mais ils restent silencieux.
Quelqu’un à tout hasard aurait-il des informations à ce sujet ?...
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par ghost7sam, le 7 janvier 2021 à 17:07
Bonjour Samo, et bienvenue.
Vous faites bien de sauter le pas et de commenter, car nous sommes tous le néophyte de quelqu’un d’autre en fin de compte...
Aucune information pour ma part sur le destin de cette belle création, j’avais remarqué dernièrement qu’elle n’était plus en stock d’après leur site.
La boutique du Marais a fermé il y a quelque temps et la marque semble être plus active aux USA et au Japon, mais peut-être que vous pourriez contacter un revendeur qui vous donnerait à son tour un contact au sein de la maison.
Bon courage !
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par Samo, le 8 janvier 2021 à 08:23
merci pour le retour Ghost, j’ai vu qu’ils avaient un chat direct sur le site, je vais essayer cette voie aussi.... il me reste encore un peu de stock pour voir venir, mais en fin de compte cela me pousse à tester beaucoup en ce moment, cela présente au moins l’ avantage de me pousser à la découverte à nouveau
Aujourd’hui je teste musk Tonkin de Parfum d’empire, que je trouver superbe, une grande finesse, profondeur, simple en apparence mais finalement complexe, on sent que les matières sont de grande qualité, une impression de soie au final.... Il donne envie d’en découvrir plus sur cette maison. Auparavant j’avais senti musk invisible de Juliette has a gun et là c’est tout le contraire je l’ai trouvé limite atroce, hyper synthétique, cheap, trop blanc (le body shop en pire). Bon oui j’ai une passion pour les muscs ;-)
bonne journée !
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