Si Lolita

Lolita Lempicka est une marque qui a toujours pris son temps avant de se lancer dans la création d’un nouveau parfum, et il faut croire que cela lui réussit plutôt bien

Après la pomme de Blanche-Neige qui s’endormait telle une Belle au Bois Dormant, et le petit coquillage à la vanille pêché par la Petite Sirène, elle laisse tomber les contes de fées pour se recentrer sur un univers plus couture, plus parisien, bien qu’inspiré par la nature, mais surtout très imprégné du style de la créatrice.

Des fleurs rouges, de la mousseline, des petits pois : une esthétique qui pourrait avoir quelque chose de très 80 et frôler un romantisme rococo désuet (ce qui est par contre malheureusement le cas du flacon...) , mais qui a en tout cas le mérite de ne copier personne et de refléter une mode très féminine, poétique, originale et fraîche.

Mais là où Lolita Lempicka réussit le mieux à imposer sa personnalité et une identité qui lui est propre, c’est dans le parfum lui-même : est-ce lié au choix d’une maison de création (Fragrance Resources) de taille plus modeste que les habituels cadors du marché, et qui se permet ainsi peut-être davantage de liberté dans la création, comme seule arme pour se démarquer de la -féroce- concurrence ?

Toujours est-il que ce choix était sûrement le bon, et la direction artistique de qualité, pour réussir à imposer cet épicé vert et poudré aux accents vintage, plutôt à contre-courant des grosses tendances actuelles, qui ne copie donc personne et révèle une réelle personnalité, en parfaite adéquation avec la marque et le concept, et qui renouvelle enfin les épices au féminin sans lourdeur ni opulence, toute en vivacité et légèreté.

Le départ mise sur une fraîcheur aérienne et délicate avec une bergamote très Earl Grey associée à une mandarine verte et amère et quelques baies roses qui annoncent déjà le profil épicé de la suite. Assez vite, sans vraiment laisser la place à un cœur floral inutile, on arrive directement au plus intéressant : un accord à la fois épicé, poudré, résineux et boisé, qui évoque une parfumerie assez classique, raffinée et surtout qualitative. L’idée de recréer l’odeur du pois de senteur (auquel les petits pois du visuel répondent en clin d’œil) est rendue possible par le mariage de l’élémi, une résine à l’odeur verte et poivrée, avec les notes amandées et poudrées de la fève tonka et de l’héliotrope, le tout enrobé de patchouli, et, il me semble, d’ambre gris, car j’ai une légère réminiscence de L’Eau des Merveilles, en version plus light.

Une douce sensation enveloppante, élégante, solaire et chaude, où les épices deviennent soudain irrésistiblement très femme fatale.