Kismet, le retour de l’éléphant chez Lubin
par Jeanne Doré, le 19 novembre 2016
Tout a commencé il y a plus d’un an lorsqu’une très vieille dame du 16e arrondissement contacte Gilles Thevenin, le propriétaire des parfums Lubin. Elle lui propose de lui vendre tout un « lot de vieilleries Lubin » ayant appartenu à son grand-père, un ancien commercial de la maison pendant les années 30, en insistant sur sa volonté que les flacons reviennent à la marque et ne partent pas en salles de vente.
Après lui avoir vendu une à une les fameuses vieilleries, elle finit par lui présenter au bout de quelques mois un petit flacon émaillé représentant un éléphant, qu’elle lui propose à un prix exorbitant. Quelques négociations plus tard, Gilles Thévenin finit par acquérir le fameux flacon de Kismet - bien connu des collectionneurs - réalisé par Baccarat et dessiné par Georges Chevalier en 1921.
Conçu en pleine vague orientaliste par le propriétaire de l’époque, Paul Prot, Kismet aurait été créé à l’intention d’une « mystérieuse espionne ottomane », que l’on croyait être une princesse indienne. S’inspirant du poète indien Valmiki, qui rend hommage à la femme en la comparant au plus noble des animaux, l’éléphant, Paul Prot imagine alors un flacon extravagant représentant le pachyderme, pensant que cela plairait à la belle. Le nom Kismet, qui signifie “destin” en turc, était par ailleurs le titre d’une pièce de théâtre créée en 1911 s’inspirant des Mille et une nuits, reprise de nombreuses fois au cinéma.
Lorsque Gilles Thévenin acquiert son flacon, il récolte les quelques gouttes brunes qui en tapissent le fond, et les dilue dans l’alcool pour sentir le résultat avec le parfumeur Thomas Fontaine. A l’aide de formules retrouvées dans les archives, qui contiennent parfois des indications difficiles à décrypter, notamment certaines bases introuvables de nos jours, le parfumeur s’attèle à recréer la composition. Elle comporte entre autre de la rose Centifolia de Grasse, une matière difficile à obtenir, mais à laquelle Thomas Fontaine a justement accès grâce à la société Art & Parfums avec qui il travaille et qui lui fournit ses ingrédients. [1] Forcément remanié, mais tout de même fidèle à l"esprit d’origine, le tout nouveau Kismet s’avère être une vanille hespéridée, avec des notes de bergamote, citron et petit grain en ouverture, de la rose Centifolia et Damascena, et un fond oriental ambré avec du patchouli, du ciste labdanum, de l’oppoponax et de la vanille bourbon.
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Kismet, eau de parfum 125 euros/100ml
Merci à Gilles Thévenin pour le complément d’histoire !
Premières impressions
Après une jolie ouverture hespéridée très fraîche et naturelle, presque cologne, Kismet évolue sur des notes baumées, vanillées, douces et bien présentes.
Cette version, même si elle est sans doute fortement différente de l’originale, conserve tout de même un profil classique, élégant et bien équilibré, en d’autres termes, on est très loin d’une vanille moderne et synthétique.
On ne peut s’empêcher de penser à Shalimar, même si ce dernier ne naîtra qu’en 1925, mais peut-être l’Ambre Antique (1905) et Émeraude (1921) de Coty avaient-ils déjà commencé à étendre leur influence auprès des parfumeurs de l’époque…
[1] Pour en savoir plus sur la rose Centifolia, pourquoi ne pas aller lire le deuxième numéro de Nez, la revue olfactive ?
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par Garance2, le 30 juin 2017 à 14:59
J’ai senti aujourd’hui Kismet, je l’ai trouvé très beau. Le départ m’a un peu inquiétée : très hespéridé, plus incisif que ce à quoi je m’attendais... et puis vient rapidement un fond baumé, extrêmement confortable, aux accents de caramel. Kismet me rappelle bien sûr l’illustre Shalimar, mais encore plus Floriental de Miller Harris, en un peu moins suave, avec plus de caractère. Un coup de coeur...
par Nicolas II, le 1er décembre 2016 à 21:45
Découvert aujourd’hui avec bonheur. Un très bel oriental poudré à souhait mais traversé par un trait de lumière et c’est bien ce qui lui confère toute sa beauté et son originalité. Une véritable re-création qui n’a rien de désuet.
Le départ est en effet dominé par le pétillant de l’accord bergamote petit grain, viennent ensuite les notes plus florales de roses poudrées qui réchauffent et accompagnent vers un fond vanillé ambré épicé. Parfaitement en harmonie avec le très beau beau visuel de la boîte à l’éléphant sur un fond bleu nuit.
Pour moi c’est l’oriental rêvé, l’accord parfait. De belles matières et visiblement une belle tenue. J’adore.
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par Passionez, le 5 décembre 2016 à 22:53
Un parfum particulièrement réussi et parfaitement harmonieux et équilibré à mon avis.
A peine senti et porté quelques jours, je l’ai aussitôt adopté. Ayant une prédilection pour les orientaux ambrés, aimer ce parfum ne devrait pas me surprendre et pourtant, il existe de nombreux parfums de cette catégorie qui me déçoivent car trop consensuels, faciles et peu originaux.
Celui-ci est tout le contraire. Simple en apparence, aérien et presque délicat au prime abord, pétillant et gai avec son envolée héspéridée-cologne très naturelle, le parfum se dévergonde avec beaucoup de charme, d’élégance et de sensualité pour finir par un accord vanillé-oriental fumé, baumé et résineux à souhait.
Il souligne ma personnalité et la réhausse sans l’étouffer. Je lui trouve ce côté facétieux et insouciant en tête qui contraste avec sa profondeur et sensualité en fond. Une composition caméléon. Un parfum que j’ai dans la peau !
par Folle de Roses, le 27 novembre 2016 à 16:30
J’y suis donc allée. J’ai trouvé une belle composition très balsamique et ronde mais avec une note de rose assez présente. Plus que dans Shalimar si je me souviens bien. Personnellement je trouve qu’elle se situe entre Black Jade du même Parfumeur pour le côté jardin au soleil et verdeur transparente pleine de lumière et.... l’odeur du dermophile indien pour la rose et le côté un peu camphré ( à cause du patchouli ?) et vanille épicée. Décidément, j’aime beaucoup ce parfumeur.
par Folle de Roses, le 24 novembre 2016 à 19:01
Un nouveau Lubin ? C’est Noël avant l’heure ! Il faut que j’aille sentir ce que ça donne.
par Doblis, le 20 novembre 2016 à 19:57
Très bonne nouvelle que cette reformulation de ce célèbre parfum.
Cela dit, pour moi il aura l’odeur d’un nouveau parfum étant donné que je n’ai jamais senti la version d’origine.
Je compte donc sur Thomas Fontaine pour nous créer un sublime parfum à la hauteur du flacon d’époque.
Au passage, un grand merci à Thomas Fontaine pour le dernier Jean-Louis Scherrer que je trouve absolument magnifique alors qu’assez méconnu : One Love
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par Lia Marsh, le 22 janvier 2023 à 08:24
Bonjour,
Le froid lui va très bien ... Rose scintillante de givre (citron), puis réchauffée par le soleil, douce et profonde (belle vanille), à peine fumée (opopanax).
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par Garance, le 24 janvier 2023 à 17:59
Tiens, ça me donne envie de le porter... Je vais voir si je n’ai pas un fond d’échantillon !
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par Garance, le 15 juin 2024 à 13:56
Je l’ai senti à nouveau très récemment en allant à Nantes, dans la belle boutique Passage 31. Mon coup de coeur initial est toujours d’actualité. Et puis il a un fond extrêmement addictif, avec une bonne tenue (ma manche sentait encore le lendemain) Je suis étonnée qu’on n’en parle pas plus, car je trouve également qu’il n’est pas clivant, il fait partie des parfums "faciles à aimer". J’ai toutefois un petit doute par rapport au sillage. Pour celles et ceux qui portent ce beau Kismet : quels retours avez-vous par rapport à ce parfum ?
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