Gris Montaigne
Dior - Maison Christian Dior
Chypre recyclé
par Thomas Dominguès (Opium), le 9 novembre 2014
Gris Montaigne, sorti en 2013, était présenté lors de son lancement avec tout un discours autour d’un "vrai" chypre à la structure "classique".
En guise de chair et de squelette, on a droit respectivement à un accord sirupeux autour de fruits noirs et rouges et à un patchouli, doublure d’une mousse de chêne honnie par les dermatologues et réglementations qui, pour une fois, n’apparaît pas trop fantomatique, transparent et décharné.
Voici donc ce que certains entendent aujourd’hui comme étant un chypre : un floral indéfini soutenu par un accord fruité pour la décontraction et par une ossature râpeuse pour le sérieux. Une construction que l’on ne parvient plus à percevoir que par défaut, lorsque toutes les autres ont été mises hors jeu. Si tel parfum n’est pas un oriental, une fougère, un hespéridé, un floral "pure souche"..., alors, cela doit probablement être un néo-chypre ! Il est étonnant d’observer que l’on classe dans la même famille des parfums qui ont été si facilement identifiables par le passé avec des objets si difficiles à classer aujourd’hui, autrement dit des parfums avec tant de caractère avec d’autres si insignifiants et communs.
Ainsi, dans l’éternel discours, inlassablement répété jusqu’à plus soif, d’une dualité de la parfumerie que l’on ne manquera pas d’évoquer ici (clin d’œil à Jicky), on nous signifiera le contraste entre des notes rondes et d’autres qui sont plus rudes.
Pour autant, il est vrai que les chypres historiques pouvaient honnêtement se prévaloir d’un tel discours. Mais, s’ils savaient se faire assez raides et un peu hautains, ces parfums n’oubliaient pas pour autant une certaine ondoyance grasse, une aura seyante et un chatoiement qui manquent cruellement dans les chypres actuels qui, pour donner l’impression d’être correctement élevés et de permettre de gagner en hauteur, ne retiennent qu’une politique d’austérité finalement lassante. Après tout, la seule absence de cordialité d’un parfum n’est pas l’annonce de présence d’un chypre en flacon ! Seul paradoxe : leurs notes fruitées vrillent en même temps que le rêche de leur structure boisée râpe trop.
Malgré tout, Gris Montaigne n’est pas un parfum totalement laid. Il est simpliste, ses notes fruitées adhèrent difficilement à son treillage boisé éraillé, mais il n’est pas atroce. Voire, même, il est plus joli avec son sillage vaporeux, il faut bien le reconnaître, que la majorité de ce qui est lancé chez Dior et ailleurs depuis quelque temps. (Sorti à peu près à la même période que Marni, tous deux sont similaires aux nouvelles roses boisées jouées en transparence sur notes fruitées du milieu des années 2000, comme Perles, Elle et Midnight Poison.
Il est juste exaspérant de voir que son effluve est si proche de Midnight Poison, parfum régulier de la gamme Dior, discontinué pour faire place à ce qui est presque sa copie en à peine moins fruité et plus boisé, histoire de mériter son nouveau prix probablement. Si, sur touches, bien entendu, des différences apparaissent, au porté, la confusion est générale ; je le sais par expérience, ayant porté Midnight Poison lors de la sortie de cet exclusif si proche, celui-ci était confondu avec celui-là... (Il ne manquerait plus que ce soit exactement le même produit dont on modifierait juste le prix en même temps que le nom !, on est chez Dior, qui a le respect pour son patrimoine que l’on sait, mais tout de même !)
Il semble que Givenchy fasse exactement la même chose actuellement et cela est exaspérant tant cela confine presque à la malhonnêteté. (c.-à-d. : Reproduire des formules existantes d’une collection régulière pour les mettre à disposition sous forme de jus très proches dans une collection exclusive... bien plus onéreuse.)
Il est navrant d’entendre tout un ensemble de gens, seulement ceux qui se sentent flattés dans leur snobisme, s’extasier sur Gris Montaigne, "vrai chypre élégant", alors que personne n’avait rien à faire de Midnight Poison, qui ne méritait pas même qu’on lui jette une œillade ou adresse un demi battement de cils, bien trop peu cher et trop accessible pour être intéressant ! Et cela d’autant plus que les notes fruitées de Midnight Poison lui offraient une rondeur et une joliesse dont le dernier sorti ne peut se vanter.
Ainsi, on assiste ici à un double-recyclage : celui d’une parfumerie dite traditionnelle à laquelle il aurait été rendu hommage en la modernisant ; cela se faisant en réalité en jouant d’un clic en mode copier-coller à partir d’une formule apparemment déjà si "vieille", puisqu’elle datait d’il y a quelques années à peine !, qu’elle permet qu’on la copie. Et ce, alors qu’elle-même était déjà une "inspiration de"... A quand le recyclage de Gris Montaigne ?
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par Frédéric, le 10 novembre 2014 à 15:33
Impossible de réessayer ce parfum. Il sera éternellement associé à mon premier essai et au mal de tête phénoménal qu’il m’a procuré...et c’était pourtant il y a un an. Juste un souvenir d’une énorme dissonance, un parfum pour eau de Javel.
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par Opium, le 11 novembre 2014 à 21:39
Bonsoir Frédéric.
Là, je crains que votre relation avec Gris Montaigne soit totalement compromise. En même temps, vous ne ratez pas grand-chose... ^^
À bientôt.
Opium
par Nicolaï, le 10 novembre 2014 à 12:56
Ha ha, excellent article, je plussoie avec deux pouces, voire avec quatre en levant mes petons. Les gens ne savent plus du tout ce qu’est du Chypre, a fortiori ce que ça sent à l’origine. Un peu comme les tomates, le lait, etc. On ne sait plus : ça a tellement changé depuis la mainmise des "nouvelles réglementations" – et surtout du Capital... Quand je fais sentir à mes clients l’accord chypre, avec notamment de la mousse de chêne véritable, ils pensent que ça vient d’une autre planète. Ce sur quoi il n’ont pas tort : cette planète pourrait s’appeler MÇA – "Mais Ça c’était Avant...". On a changé de galaxie, depuis. E la nave va (sur les eaux noires du monde crédule...)
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par Florestan, le 10 novembre 2014 à 13:13
Ah j’aimerais bien qu’on me le fasse sentir, l’accord chypre ! Vous croyez que si je demande ça chez Marrionnaud ou autre, j’aurais une réponse ?)Je viens de répondre à Youggo (à propos de Bois d’Ascèse) qu’en fait je ne vois pas du tout à quoi ça peut correspondre. Et je vénère Mitsouko et bien d’autres. Mais je suis loin de savoir reconnaître tous les composants.
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par Nicolaï, le 10 novembre 2014 à 14:44
La "sensation" olfactive originelle du Chypre provient de l’association de la mousse de chêne avec la bergamote, en rapport équilibré. On y associe normalement du patchouli, du ciste labdanum, ainsi qu’une fleur classique (rose ou/et jasmin). Ensuite tous les dérivés, déclinaisons sont possibles, ont été tentés... et ce jusqu’au remplacement total de la mousse de chêne par de l’evernyl ou du veramoss (molécules de synthèse). Ensuite, pour faire des économies, on remplace la bergamote de Calabre par de l’acétate de lynalyl, et vous avez un pseudo "accord" Chypre totalement noyé par le reste, d’où subsiste... ben à peu près rien. Pour avoir une idée de l’accord, essayez de vous procurer de la mousse de chêne en absolu et de la bergamote en h.e. Faites tranquillement des rapports d’odeurs au moyen de mouillettes, et vous aurez dejà une meilleure idée que si vous allez chez Marionaud ou autre :)
par Opium, le 11 novembre 2014 à 21:38
Bonsoir Nicolaï et Florestan.
Merci beaucoup Nicolaï pour votre message et pour vos explications très justes en précisant les composants réclamés par Florestan qui ne les connaît pas. Merci. :-)
Florestan, comme l’a exprimé Nicolaï, inutile de perdre votre temps à tenter votre question... En revanche, en plus des conseils donnés par Nicolaï, je vais me permette d’ajouter qu’il vous suffit de vaporiser deux parfums puis d’attendre quelques heures qu’ils aient évolué : faîtes-le avec Aromatics Elixir et Mitsouko dans sa version actuelle, comme me le disait Jicky tout récemment, et vous obtiendrez en notes de fond l’effet de la trame boisée souple qui évoque un peu l’ambiance de cave humide qui est celle des chypres.
Nous en avons discuté avec Thelittlebox pas plus tard que samedi dernier dans l’article consacré à Mito que je vous invite à lire pour plus de détails ici. ;-)
Nicolaï, votre image des autres produits issus du domaine alimentaire est très juste, je la valide en tous points.
Passez une agréable soirée tous deux.
Opium
par Doblis, le 9 novembre 2014 à 23:38
Tout à fait d’accord sur toute la ligne.
Sauf que j’ai été déçu de la disparition de Midnight Poison, alors que celle de Gris Montaigne me laissera tout à fait indifférent je pense.
Mais bon, le nom est joli...
C’est vraiment pas que ce parfum est relativement sobre, propre sur lui mais manque totalement d’intérêt.
Comme si le prix, en effet, lui conférait une valeur olfactive.
Seule "solution" pour l’agrémenter, l’associer à l’un des quatre petits élixirs précieux pour rn élever encore "un peu" le prix.
Enfin, tant que des personnes seront prêtes à en payer le prix, ces manipulations ne risquent pas de s’arrêter. Dommage
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par Opium, le 11 novembre 2014 à 21:34
Bonsoir Doblis.
Merci beaucoup.
C’est bien car j’apprécie plutôt Midnight Poison que la manœuvre, à laquelle j’avais du mal à croire même si j’en avais fait l’hypothèse (naïf que je peux être, j’aurais dû me douter que tout serait possible, après tout, j’avais théorisé il y a quelques années à propos des Miss Dior, peu de gens croyaient à la pire des hypothèses que j’avais élaboré et pourtant, on sait aujourd’hui ce qu’il en est advenu...).
Plus sec, moins "vulgaire", Gris Montaigne se targue d’une certaine élégance (cf le discours de la marque lors de son lancement) dont je trouve qu’au final elle manque de cordialité par rapport à son modèle plus fruité et vanillé, plus rond et chaleureux, plus seyant en somme. :-)
Et, pourquoi arrêter tout cela puisque c’est ce qui fonctionne le mieux... Les Élixirs Précieux ont été en rupture de stock dès la première semaine de mise sur le marché en grands magasins, en quelques jours à peine, donc, la clientèle hyper fortunée russe et moyen-orientale avait fait une razzia. ^^
L’intitulé de ce "Gris Montaigne" est, lui, superbe, même si bien proche des "24, Faubourg", "28 La Pausa" et "31 Rue Cambon", "Beige"... Comme toujours en somme. :-)
Bonne poursuite de soirée.
Opium
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par EleonoreL, le 1er mars 2017 à 18:47
Même son nom est un remâché de la maison ! "Gris montaigne" a d’abord été un vernis culte de la ligne de maquillage Dior (sorti en 2010 ou 2011 il me semble).
PoisonFlower
a porté Gris Montaigne le 14 avril 2015
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