Gin Fizz
Lubin
Les Classiques - Réédition
- Marque : Lubin
- Année : 1955 - 2009
- Créé par : Henri Giboulet - Thomas Fontaine
- Genre : Féminin - Masculin
- Famille : Hespéridée
- Style : Chic - Discret - Propre
Voile de Grace
par Jeanne Doré, le 22 octobre 2015
Il y a tout juste un an, je découvris parmi les formulaires de la rubrique En Quête de parfum une demande pour le moins inhabituelle, plutôt une commande, un appel, presque une prière, celle d’écrire une critique du parfum Gin Fizz de Lubin. En effet, la personne l’avait racheté et redécouvert récemment suite à sa réédition, et alors qu’elle ne l’avait pas senti depuis plus de 30 ans, elle avouait avoir défailli en le humant à nouveau, et avoir été bouleversée « de le (se) retrouver ainsi ». J’ai envoyé un message à la dame en question pour lui expliquer que sa demande m’avait touchée, que je ne pouvais malheureusement pas lui promettre de pouvoir écrire cet article rapidement, mais que j’allais déjà aller sentir ce Gin Fizz tant vénéré.
S’en est suivi un échange de quelques messages, courts mais passionnants, dans lesquels j’en apprenais un peu plus sur ma correspondante : ce genre de discussions inattendues avec des inconnus, pourtant fluides et évidentes.
Je suis bien sûr allée découvrir Gin Fizz au stand Lubin, et j’avoue avoir été un peu déçue au premier abord, je ne le trouvais ni émouvant, ni féminin, surtout sans aucun lien avec la prétendue création sur mesure pour Grace de Monaco, et pas grand chose à voir non plus avec un quelconque cocktail… Plutôt frais, savonneux, limite masculin, surtout très blanc et lumineux, mais avec quelque chose de froid, presque aseptisé.
Puis j’ai récupéré un échantillon, le ré-essayant par moments, tentant de le comprendre un peu mieux, en me demandant comment il avait pu susciter autant d’émotion chez cette personne visiblement sensible et poétique, puis me convaincant que n’importe quel parfum pouvait finalement provoquer ce genre de réaction pourvu qu’il ait été lié à un souvenir marquant, un amour de jeunesse, des émotions fortes…
Et puis, au fil des essais, un chose étrange se produisit : je me mis à l’aimer ce Gin Fizz, sans bien comprendre pourquoi. Était-ce cette réflexion sur l’émotion d’une autre qui me contaminait doucement ? Était-ce ma propre mémoire émotionnelle qui perçait peu à peu les mystères de ce parfum ? Toujours est-il que ces froides nuances prirent peu à peu une autre dimension plus personnelle, validée par Clara qui, cet été, m’avait déclaré que ce parfum lui rappelait la chaufferie de la maison de sa grand-mère. Je replongeai alors moi aussi dans cette atmosphère de sous-sol de maison des années 60, celle de mes grands-parents, dans laquelle on trouve le lave-linge, un évier en pierre, du linge qui sèche, encore humide, mais réchauffé par la chaleur de la chaudière à gaz. Une vraie odeur d’un autre temps, comme coincée dans son époque, et pourtant pas si lointaine.
Cela commence par une vague très verte, savonneuse, parsemée de citrons amers et zestés, effervescents et aériens comme une limonade. Puis cette bizarre sensation de vapeur chaude, un peu comme ces petites serviettes blanches et brûlantes servies dans les restaurants chinois pour se rincer les mains après le dîner, avec des notes de lessive aromatiques, florales, aldéhydées, transparentes et abstraites.
Enfin, alors qu’on le croit évaporé, le chypre se déploie sur la peau comme un voile de lin, discret et chic comme une chemise blanche bien repassée, prenant une pose polie et prude, entre mousse, vétiver et musc.
Alors en fin de compte, peu importe si Grace Kelly aimait boire des Gin Fizz à l’apéro sur son rocher de Monaco, grâce à une lectrice d’Auparfum, j’ai découvert un parfum qui m’a touchée et résonne avec ma propre histoire, et pour cela je l’en remercie.
Je suis d’ailleurs triste d’avoir terminé mon échantillon !
- Grace Kelly, 1955
Image : theredlist.com (Grace Kelly Studying Script for Her Role of Georgie in The Country Girl directed by George Seaton, 1955)
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par Milena, le 23 octobre 2015 à 19:41
Malheureusement je n´avais pas la possibilité de tester la version d´origine. La version actuelle qui date de 2009 est d´après moi la combinaison de Lacoste Pour Femme et d´Essence de Narciso Rodriguez.
L´odeur est un petit peu „biréfringent“ : on y sent le citron vert, pétillant comme un verre de champagne, et en même temps les pétales de la rose blanche et le musc „cosmétique“. Je dirais que c´est un parfum moderne qui évoque par son aspect cosmétique une sensation, presque enfantine, de pureté.
par yo du soir, le 23 octobre 2015 à 18:36
J’ai été vraiment heureuse de découvrir cette critique d’un parfum qui sans me donner envie de le porter m’a immédiatement séduite et intriguée tant il a agité ma mémoire. J’en avais acquis un échantillon pour essayer de retrouver des images plus précises. Comme quand vous croisez quelqu’un dont le visage vous semble familier mais impossible à rattacher à un souvenir précis. Et vous êtes pourtant sûr de le connaitre. Confusément il m’évoque un univers propre et aqueux, peut-être les douches de la piscine, celle que je fréquentais enfant dans les années 60 70. Ou peut être la douche après la plage, Nice, toujours les mêmes années. Ou encore les frictions dans les serviettes propres. Une sensation de bien être, de réconfort et de détente. Je ne vois pas non plus de rapport avec le cocktail et encore moins avec Grace Kelly symbole d’élégance et de raffinement. Seul l’univers géographique coïnciderait avec celui de mon souvenir confus. Une transparence, une clarté, une quiétude, propres à la côte d’azur. Et puis bien sûr l’époque. Pourtant je ne le trouve pas "daté". " D’un autre temps " oui mais dont les valeurs seraient toujours d’actualité.
Donc merci Jeanne pour cette critique très évocatrice qui m’a permis de me rapprocher encore un peu plus de ma recherche.
Votre texte dans une main, l’échantillon dans l’autre, un beau voyage à petit prix :)
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par billieH, le 23 juin 2017 à 16:50
Enceinte de quelques mois, je ne supporte absolument plus mes parfums. Afin de ne pas tomber en désamour pour eux je les range et pars en quête d’un parfum accepté par mon nouvel odorat capricieux... Ce sera Gin Fizz, parfait...J’avais en tête la description de Jeanne et j’en ai eu envie. Merci
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par Anna, le 23 juin 2017 à 19:31
Félicitations, billieH. J’espère que ta grossesse te rendra aussi gracieuse que radieuse. Et bonne chance, des hormones sont souvent épreuvents pour le nez.
Si je me souvienne bien, une de mes sœurs appréciait particulièrement des colognes pendant ses mois bénis, des affaires de Roger & Gallet avait sa préférence. Apres la grossesse, elle a retrouvé ses parfums sans aucun soucis.
Essaye aussi White Tea d’Elizabeth Arden si tu peux, une nouveauté donc plus d’un ici est devenue adepte, moi compris. Une petite chose duveteuse et réconfortante avec une belle tenue inattendue pour son genre.
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par Tamango, le 24 juin 2017 à 06:34
À mon tour de vous adresser mes félicitations billieH. Ah ! La grossesse et les odeurs ! Cela pourrait faire un bel article sur Auparfum. De souvenir, nauséeuse du début à la fin, j’utilisais l’Eau dynamisante de Clarins dont j’appréciais la fraîcheur et les vertus hydratantes.
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par S9, le 24 juin 2017 à 08:03
Coucou billieH et félicitations !
La grossesse est une période particulière où on ne supporte plus certains parfums, cela est dû à un mécanisme de défense de l’organisme mais aussi parce que l’odorat de la femme enceinte est davantage développé à ce moment-là ;-)
J’ai le souvenir d’avoir été particulièrement attirée par les parfums moins capiteux lors de ma dernière grossesse en 2013, j’ai privilégié les chyprés et les hespéridés mais bon faut dire que j’ai accouché en juillet...
En 2004 pour ma seconde grossesse je me souviens avoir porté Allure et Shalimar ! comme quoi ...
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