Parfums à voir & à lire
par Jeanne Doré, le 19 mai 2010
« Une heure n’est pas qu’une heure, c’est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats »
Marcel Proust, "Le temps retrouvé".
C’est ainsi qu’a conclu l’internaute qui m’a demandé de créer une discussion autour de la “littérature olfactive” (devinez qui cela peut bien être...)
Alors à votre tour de nous faire partager les œuvres littéraires qui ont titillé vos narines, mais aussi pourquoi pas les films ou les pièces de théâtre qui, au détour d’un dialogue, d’une scène, dévoilent le nom d’un parfum, ou évoquent le pouvoir de l’odorat...
par Aristide, le 2 octobre 2019 à 11:38
"- Quel parfum avez-vous ? dit-il. Chloé se parfume à l’essence d’orchidée bidistillée.-Je n’ai pas de parfum !...dit Alise. (...)-C’est merveilleux ! dit Colin. Vous sentez la forêt, avec un ruisseau et des petits lapins."
L’écume des jours, Boris Vian.
Un auteur toujours utile pour affronter l’automne (à Pékin ou ailleurs).
par Iandosoa, le 29 septembre 2018 à 16:52
J’ai lu en diagonal les 4 pages, mais je compte vous relire avec un stylo pour notez toutes vos références de lecture.
Ma première approche du parfum dans la littérature s’est faite avec Les Fleurs du Mal de Baudelaire. J’ai simplement découvert à 14 ans que l’on pouvait décrire des odeurs et les associer à des images, des objets autres qu’un flacon de parfum (cf. La Chevelure). L’année suivante, Le Parfum de P.Süskind qui me donne envie de marcher dans les pas de Grenouille et de tout porter à mon nez. Je commence par le plus facile, je porte tout à mon mon nez et je fais un saut à Grasse...
Je cherche depuis à me composer une bibliographie des parfums/odeurs/saveurs, avec entre autres Le ventre de Paris et Au bonheur des Dames de Zola, Parfums de P.Claudel, La Maitresse des épices de C.B Divakaruni, Le Bal du diable de N.Monfils...
J’ai un vague souvenir de parfum, ou de belles description chez G.G Marquez, mais une relecture s’impose.
par Jean-David, le 5 septembre 2017 à 11:23
A ceux que la nouvelle, le conte et la fiction courte intéressent, je me permets de signaler la création, il y a deux jours, de ma revue néo-naturaliste en forme de blog : Onuphrius (http://onuphrius.fr/)
Gageons que le parfum s’y invitera de temps à autre...
par Clara Muller, le 5 mai 2015 à 14:39
Il faut lire Aurélien de Aragon ! Les références au parfum sont distillées tout au long du roman, de façon discrète, et étonnamment sans aucune description d’odeur. Le parfum y a en fait des fonctions romanesques et littéraires tout à fait intéressante.
par Solance, le 20 mars 2015 à 12:55
L’Elixir d’amour de E.E.SCHMITT met à l’honneur le mystérieux et lumineux Cuir de Russie de Chanel.... je n’en dis pas plus pour ne rien gacher à ceux qui liront ce savoureux petit roman ;) ...
par rasoph, le 19 juin 2014 à 13:00
Le meilleur moment de l’année scolaire est pour moi celui des nouveautés. Je les ai commandées avec soin, me demandant ce qui va plaire, ce qui va rester un peu en retrait dans le top 30 des prêts de l’an prochain, ce qui va être destiné aux gourmets, aux boulimiques ou aux anorexiques de la lecture.
Il y a les incontournables, à posséder absolument sur les rayonnages si on ne veut pas passer pour une ringarde de la documentation ; les fantasy à la mode du moment, en douze tomes - au moins- insupportables à gérer parce qu’il manque toujours un volume.
Il y a ceux qu’on a commandés en plusieurs exemplaires parce qu’avant même leur parution ils sont réservés par un nombre incalculable d’élèves. Ils ne rejoindront sans doute jamais les étagères, passant de main en main tout au long de l’année. Arrivés pimpants, dûment protégés par cette immonde couverture de plastique aux reflets de pétrole, ils seront, en juin prochain, épuisés d’avoir été trop lus, vidés de leur substance, les mots presque effacés par toutes ces paires d’yeux qui les ont parcourus, la couverture froissée, les pages éventrées. Ils auront vécu le temps d’une année, on les gardera, par pitié -un peu- mais surtout parce qu’un livre ça ne se jette pas si vite, tout de même !
Il y a ceux dont on a entendu parler à la radio, à la télé, dans un magazine, et dont on a noté les références vite, vite, sur le carnet à spirales qui ne quitte jamais le sac de sa propriétaire. Ceux-là, on les avait presque oubliés, tiens. J’ai commandé ça, moi ? Tiens, c’est curieux, je ne m’en souviens pas…
Et puis il y a ceux qu’on a commandés pour soi, en égoïste, et qu’on attend impatiemment.
Arrivent les cartons. Dès leur ouverture, déjà, c’est Noël au mois de septembre, mon anniversaire, ma fête, Sainte-Bredine, qui s’extasie devant les piles de bouquins neufs. Je gagatise, je débloque, je deviens une petite fille à qui on a fait le plus beau cadeau du monde. Le premier réflexe est de m’octroyer ceux qui me parlent le plus. Je les lirai tous - cela fait partie de mon métier que de savoir ce qu’il y a sur les rayonnages - mais pour le moment, je trie, je choisis, je me lèche les babines. Ceux-là, je ne les équiperai que plus tard, au cours du premier trimestre. Pour le moment, ils sont A MOI, rien qu’à moi. Personne ne sait que je les ai reçus, personne ne me les réclamera, personne à part moi ne connaît l’existence de ce trésor. Je partirai ce soir avec un carton dans les bras, comme une voleuse d’enfant. Une emprunteuse plutôt ? Où est la différence ? Mon secret n’appartient qu’à moi.
Je n’aime, malheureusement, que les livres neufs. Pourquoi "malheureusement" ? Eh bien, dans mon métier, on côtoie davantage les vieux bouquins qui puent que les neufs. J’aurais dû me faire libraire, pas documentaliste... Les vieux bouquins ont pris les odeurs des lecteurs successifs. Il y a ceux qui recèlent de miettes de pain ou de gâteau dans les rainures de leurs pages, il y a ceux qui reviennent de la plage, ambre solaire et grains de sable, ceux qui ont des relents de cuisine et ceux qui exhalent le médicament. Il y a – horreur !- ceux qui ont été réparés à grand renfort de colle made in Madagascar et qui remuglent le vomi, rien moins que ça, beurk ! C’est pour cela que je n’aime que les livres neufs. Parce qu’ils distillent ce parfum d’encre et de pâte à papier. Cette odeur originelle participe au plaisir de ma lecture. Je les hume, je les jauge à vue de nez, en même temps qu’à vue d’œil. De subtiles différences se dessinent, selon la nature du papier, celle de l’encre - noire ? couleur ? - pas la même odeur. Les ouvrages de La Pléiade ne sentent pas pareil que ceux de chez Laffont. Leur parfum est plus doux, moins âcre, moins rugueux. Le papier bible ne sent-il pas un peu le pain azyme ? Je me fais des idées, peut- être ?
Peu importe, puisque les odeurs, comme la lecture, n’appartiennent qu’à celui qui les reçoit.
par rasoph, le 19 juin 2014 à 12:37
Merci pour cette bibliographie pour le moins édifiante. Je ne perds pas l’espoir de réitérer ma fameuse expo en douze volets sur le parfum et ne manquerai donc pas de piocher abondamment dans les titres que vous proposez. Cependant une réticence : tout cela est bien joli mais le parfum, c’est une affaire de nez. Pas de lecture. C’est comme le vin. Je veux dire que les mots ne sont que des mots et que la description d’un parfum ou d’un vin n’a jamais remplacé le ressenti. J’ai beau essayer de trouver à tel pinard (grand style hein, pas de la piquette...) les notes de groseille, je n’y décèle rien qu’un goût de pinard grand style. Je dois être handicapée du nez... Pourtant je sens des odeurs pas possibles, je suis capable de déceler à des lieues un parfum d’herbe coupée, la moindre molécule odorante me saute au nez mais je ne peux pas mettre de mots sur ce que je sens. J’ai toujours cet exemple en tête : allez expliquer le goût du chocolat à quelqu’un qui n’en a jamais mangé...
Pour en revenir aux bouquins, évidemment le Suskind est un bonheur absolu. Mes élèves, à qui j’ai lu les premiers chapitres, en ont été enthousiasmés, les deux pauvres exemplaires disponibles au CDI ont été empruntés toute l’année par les gamins de la classe de 4°5...Il est vrai que nous avons fait bien peu de grammaire ce trimestre là où je remplaçais une collègue en congé maternité...
Pour faire assaut de culture littéraire, me revient en mémoire la description des Halles dans le Ventre de Paris de notre bon Emile. C’est prodigieux. C’est un film avant le cinématographe, et, surtout, sans jamais utiliser le vocabulaire des odeurs, il nous fait sentir les Halles, les étals de légumes et leur fraicheur terreuse, l’odeur écoeurante du sang séché du côté des boucheries, le tout en n’évoquant que les couleurs, les mouvements et les bruits. Du très grand art et pourtant je ne suis pas total fanatic de Zola...
Je réchauffe la sauce, vos derniers posts sur le sujet datent de septembre 2013... Peut-être le débat se relancera-t-il ?
par 980ttkbr, le 12 septembre 2013 à 00:15
Proust a déjà été évoqué à maintes reprises ici et j’espère ne pas répéter ce qui aurait déjà été écrit, mais voilà : j’ai, plus jeune, essayé deux fois de me mettre dans La recherche... mais n’y suis jamais arrivé. Je viens d’entamer une nouvelle tentative qui s’avère, dès les premières pages, la bonne : je sens déjà combien ce roman qui m’a longtemps résisté va me porter, et le plaisir en est d’autant plus grand.
J’achève ce soir l’épisode fameux de la madeleine, et je ne peux résister au plaisir de recopier ici cette phrase sublime qui, je crois, fonde la raison pour laquelle je suis tant attaché aux parfums. La voici : "Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir." C’est tellement beau !
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par Newyorker, le 12 septembre 2013 à 00:45
Maowel, un grand merci, ce passage est d’une grande beauté et me touche toujours autant. Ce fut un choc révélateur pour moi la première fois que je l’ai lu.
par Sendero, le 10 septembre 2012 à 16:21
Voici un extrait de "j’avoue que j’ai vécu" de Pablo Neruda. Il décrit la forêt chilienne, et sa description nous fait voyager dans un monde de senteurs et de paysages inconnus et inexploré, qui ne demande qu’a rester vierge de l’homme et nous faire rêver à un paradis inaccessible.
PS : y a t’il des parfums dont ce texte vous fait penser, des senteurs qui vous reviennent en mémoire ?
« LA FORÊT CHILIENNE
... Sous les volcans, auprès des glaciers, entre les grands lacs, le
parfum, le silence, l’enchevêtrement de la forêt chilienne... Les pieds s’enfoncent dans le feuillage mort, une branche fragile a crépité, les raulis (1) géants dressent leur stature hérissée, un oiseau de la sylve froide passe, bat des ailes, s’arrête dans les branchages noirs. Et puis, de sa cachette, sa voix s’élève comme un hautbois... Mon nez reçoit et transmet à mon âme l’odeur sauvage du laurier, l’essence indéfinissable du boido (2)... Le cyprès des Guaïtecas me barre le chemin... C’est un monde vertical : une nation d’oiseaux, une foule de feuilles... Je trébuche sur une pierre, je gratte la cavité découverte, une énorme araignée aux cheveux rouges me regarde de ses yeux fixes, immobile, grosse comme une écrevisse... Un carabe doré me crache son effluve méphitique tandis que disparaît comme un éclair son radieux arc-en-ciel... Poursuivant, je traverse un bois de fougères beaucoup plus grand que moi : celles-ci laissent choir de leurs yeux verts et froids soixante larmes sur mon visage et font frémir longtemps encore der-
rière moi leurs éventails... Un tronc pourri : ô quel trésor !... Des champignons noirs et bleus lui ont donné des oreilles, de rouges plantes parasites l’ont couvert de rubis, d’autres plantes paresseuses lui ont prêté leurs barbes et, rapide, un serpent jaillit de ses entrailles putréfiées, telle une émanation, comme si s’échappait l’âme de ce tronc mort... Plus loin, chaque arbre s’est séparé de ses semblables... Ils se dressent sur le tapis de la forêt secrète, et chaque feuillage, linéaire, frisé, branchu, lancéolé, a un style différent, comme coupé par des ciseaux aux mouvements infinis... Une ravine ; sous l’eau transparente elle glisse sur le jaspe et le granité... Un papillon pur comme un citron vole en dansant entre l’eau et la lumière... A mon côté, des myriades
de calcéolaires me saluent de leurs petites têtes jaunes... Là-haut, gouttes artérielles de la forêt magique, ondulent les copihues (3) rouges (Lapageria rosea)... Le copihue rouge est la fleur du sang, le copihue blanc est la fleur de la neige. Dans un frisson de feuilles la vélocité d’un renard a traversé le silence, mais le silence est la loi de ces feuillages... A peine le cri lointain d’un vague animal... L’intersection pénétrante d’un oiseau caché... L’univers végétal susurre à peine jusqu’au moment où une tempête déclenche toute la musique terrestre.
Qui ne connaît pas la forêt chilienne ne connaît pas cette planète.
C’est de ces terres, de cette boue, de ce silence que je suis parti
cheminer et chanter à travers le monde.
[1. Sorte de chênes du Chili. (N. du T.) 2. Arbre chilien, de la famille des lauracées. (N. du T.) 3. Plantes grimpantes des provinces australes du Chili, réputées pour la beauté de leurs fleurs. (N. du T.)] »
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"Doukipudonktan, se demanda Gabriel excédé. Pas possible, ils se nettoient jamais. (...) (Il) extirpa de sa manche une pochette de soie couleur mauve et s’en tamponna le tarin. -Qu’est-ce qui pue comme ça ? dit une bonne femme à haute voix.
Elle pensait pas à elle en disant ça, elle était pas égoïste, elle voulait parler du parfum qui émanait de ce meussieu.-Ça, ptite mère, répondit Gabriel qui avait de la vitesse dans la répartie, c’est Barbouze, un parfum de chez Fior.-Ça devrait pas être permis d’empester le monde comme ça, continua la rombière, sûre de son bon droit. -Si je comprends bien, ptite mère, tu crois que ton parfum naturel fait la pige à celui des rosiers. Eh bien, tu te trompes, ptite mère, tu te trompes."
Raymond Queneau, Zazie dans le métro.
Un roman publié en 1959, auquel je pense souvent dans les transports en commun ;)
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