Parfums à voir & à lire
par Jeanne Doré, le 19 mai 2010
« Une heure n’est pas qu’une heure, c’est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats »
Marcel Proust, "Le temps retrouvé".
C’est ainsi qu’a conclu l’internaute qui m’a demandé de créer une discussion autour de la “littérature olfactive” (devinez qui cela peut bien être...)
Alors à votre tour de nous faire partager les œuvres littéraires qui ont titillé vos narines, mais aussi pourquoi pas les films ou les pièces de théâtre qui, au détour d’un dialogue, d’une scène, dévoilent le nom d’un parfum, ou évoquent le pouvoir de l’odorat...
par ChrisB, le 22 mai 2010 à 08:34
Je suis impardonnable. Il y a un roman auquel j’aurais du penser immédiatement, dans lequel le parfum a une place prépondérante. En plus il s’agit d’un des plus beaux romans que j’ai lu : "La Faute de l’abbé Mouret" d’Emile Zola. L’histoire d’amour d’un prêtre et d’une jeune fille. Un jardin luxuriant est le lieu central et secret de leur idylle, jardin rempli de parfums qui font échos à leur amour. Et surtout à la fin - ceux qui souhaiteraient le lire ne lisez pas la suite - la jeune fille se suicide en se laissant enivrer, "empoisonner", étouffer par le parfum des fleurs.
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par Jicky, le 22 mai 2010 à 18:18
J’ai envie de dire : ils meurent tous les héros dans les Zola... donc ceux qu’ils n’aiment pas les fins tristes... ne lisez pas Zola^^
par ChrisB, le 21 mai 2010 à 22:39
Amusant, mais à la lecture de ce sujet j’ai immédiatement pensé moi aussi au poème "Les correspondances" de Baudelaire. Au delà du parfum, au sens "agréable" du terme, "Les Fleurs du mal" m’évoque des effluves d’opium, d’absinthe, mais aussi de pourriture, de mort, de charognes. Evidemment, comme tous, "Le Parfum" m’est venu à l’esprit. Je pense aussi à Pagnol, qui m’embarque en Provence, dans la guarrigue, la lavande, les oliviers. Mais ça reste très marginal. J’ai beau me creuser la tête, passer en revue ma bibliothèque, je n’ai pas vraiment de rapport olfactif avec la littérature, apparemment. Pourtant je suis bien évidemment sensible aux odeurs et j’ai une Licence de lettre. Même le livre en tant qu’objet ne m’évoque rien d’exotique, si ce ne sont des odeurs de vieux papier, de poussière. Peut-être que petit à petit des choses, des images me reviendront...je vous en reparlerai.
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par ChrisB, le 21 mai 2010 à 22:43
Ah si, quand même, l’univers japonisant d’Amélie Nothomb m’évoque Kenzo...même si l’atmosphère de ses livres est aux antipodes du style "zen" du créateur.
par Jicky, le 21 mai 2010 à 22:17
Je voulais juste dire qu’un jour, j’ai lu un Stephen King, "Désolation" (bof bof mais bon...) et un moment l’auteur précise que l’air embaumait Opium de YSL ! Et bizarement ça collait vraimznt au livre : un univers intriguant, dérangeant puis un je-ne-sais-quoi de puissant et indéterminable ! En tout cas ça m’avait bluffé parce que ce même auteur avait parlé du n°5 dans "Simetierre" (qui, pour le coup, a été vraiment apprécié par moi, bizarre comme formulation :O), mais je trouvais cette allusion assez inadapté à l’univers du roman.
Sinon en ce moment je suis en train de lire "Le Maître des Illusions" de Donna Tartt, une sorte de thriller avec un groupe d’adolescent faisant un cercle littéraire très privé. L’intrigue est vraiment bien et les personnages sont boen ficelés. Et je trouve que on sent un atmosphère olfactif très métallique, perçant, dérangeant entre "A Scent" et "Allure pourhomme" et "L’instant pour homme". De temps en temps, il y a des petits sursauts de matières premières décrites vraiment réalistes qui poudre un peu le tout, à la manière de "Insolence".
par antolio, le 21 mai 2010 à 21:50
J’aime particulièrement A rebours de JK huysmans qui date de 1884, une sorte d’écrivain de niche : peu connu, mais une immense influence ; Extraits :
Pendant cette singulière maladie qui ravage les races à bout de sang, de soudaines accalmies succèdent aux crises ; sans qu’il pût s’expliquer pourquoi, des Esseintes se réveilla tout valide, un beau matin ; plus de toux déracinante, plus de coins enfoncés à coup de maillet dans la nuque, mais une sensation ineffable de bien être, une légèreté de cervelle dont les pensées s’éclaircissaient et, d’opaques et glauques, devenaient fluides et irisées, de même que des bulles de savon de nuances tendres.
Cet état dura quelques jours ; puis subitement, un après-midi, les hallucinations de l’odorat se montrèrent.
Sa chambre embauma la frangipane ; il vérifia si un flacon ne traînait pas, débouché ; il n’y avait point de flacon dans la pièce ; il passa dans son cabinet de travail, dans sa salle à manger : l’odeur persista.
Il sonna son domestique : - Vous ne sentez rien ? dit-il. L’autre renifla une prise d’air et déclara ne respirer aucune fleur : le doute ne pouvait exister ; la névrose revenait, une fois de plus, sous l’apparence d’une nouvelle illusion des sens.
Fatigué par la ténacité de cet imaginaire arôme, il résolut de se plonger dans des parfums véritables, espérant que cette homéopathie nasale le guérirait ou du moins qu’elle retarderait la poursuite de l’importune frangipane.
Il se rendit dans son cabinet de toilette. Là, près d’un ancien baptistère qui lui servait de cuvette, sous une longue glace en fer forgé, emprisonnant, ainsi que d’une margelle argentée de lune, l’eau verte et comme morte du miroir, des bouteilles de toute grandeur, de toute forme, s’étageaient sur des rayons d’ivoire. Iles plaça sur une table et les divisa en deux séries celle des parfums simples, c’est-à-dire des extraits ou des esprits, et celle des parfums composés, désignée sous le terme générique de bouquets.
Il s’enfonça dans un fauteuil et se recueillit.
Il était, depuis des années, habile dans la science du flair ; il pensait que l’odorat pouvait éprouver des jouissances égales à celles de l’ouïe et de la vue, chaque sens étant susceptible, par suite d’une disposition naturelle et d’une érudite culture, de percevoir des impressions nouvelles, de les décupler, de les coordonner, d’en composer ce tout qui constitue une œuvre ; et il n’était pas, en somme, plus anormal qu’un art existât, en dégageant d’odorants fluides, que d’autres, en détachant des ondes sonores, ou en frappant de rayons diversement colorés la rétine d’un œil ; seulement, si personne ne peut discerner, sans une intuition particulière développée par l’étude, une peinture de grand maître d’une croûte, un air de Beethoven d’un air de Clapisson, personne, non plus, ne peut, sans une initiation préalable, ne point confondre, au premier abord, un bouquet créé par un sincère artiste, avec un pot-pourri fabriqué par un industriel, pour la vente des épiceries et des bazars."
"En résumé, dans la parfumerie, l’artiste achève l’odeur initiale de la nature dont il taille la senteur, et il la monte ainsi qu’un joaillier épure l’eau d’une pierre et la fait valoir. "
par dau, le 20 mai 2010 à 23:44
Pour commencer, autant me faire lyncher tout de suite, j’admet que Le Parfum de Suskind, ça ne m’a pas transporté. Je n’ai que moyennement apprécié.
Pour moi, l’auteur de roman qui m’a le mieux parler de parfum, c’est Zola je pense surtout à La Curée ou l’odeur de la serre est particulièrement détaillée, décrite puisque c’est elle qui pousse la belle Renée au crime… les descriptions durent des pages, mais l’odeur court tout le long du roman et participe vraiment à l’intrigue.
« …, c’était surtout les odeurs qui la brisait. Un parfum indéfinissable, fort, excitant, traînait, fait de mille parfums : sueurs humaines, haleine de femmes, senteurs de chevelure ; et des souffles doux et fades jusqu’à l’évanouissement, étaient, coupé par des souffles pestilentiels, rudes, chargés de poison. Mais dans cette musique étrange des odeurs, la phrase mélodique qui revenait toujours, dominant, étouffant les tendresses de la Vanille et les acuités des Orchidées, c’était l’odeur humaine, pénétrante, sensuelle, cette odeur d’amour qui s’échappe le matin de la chambre close de deux jeunes époux »
Et pour ce qui est de l’odeur des livres, puisque Jicky en a parlé, j’ai la chance de lire Zola dans la Pléiade et c’est l’odeur le plus fabuleuse au monde : papier bible, encre et reliure en cuir.
Sinon, il y a aussi des parfum que j’associe à des personnages de roman assez spontanément. L’Heure Bleue, c’est Madame Swann dans la Recherche du Temps Perdu et la Marquise de Merteuil des Liaisons Dangereuses est définitivement associée à Byzance de Rochas qui m‘a de suite semblé aussi froid et pervers qu‘elle.
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par Jicky, le 21 mai 2010 à 17:44
Moi aussi olfactivement c’est Zola qui me transporte !!! Je les ai tous dans une édition qui vaut presque celle de la Pléiade (mais bon, je ne me suis pas ruiné pour tous !). J’ai pas lu "La Curée" mais c’est vrai que c’est bien selon votre extrait !
IL y en a un autre de l’auteur qui mévoque des choses olfactives, c’est "La joie de vivre" qui raconte l’histoire d’une fille heureuse mais réprimée par sa famille et contrainte au mariage, le tout se passant au bord de la mer. On sent des effluves marins, des relents de poivre (héliotrope si je ne m’abuse...) de la jeune fille et des odeurs cuirées, racées du mobilier ancien de la maisonné. C’est très typé et c’est un mélange qui m’avait vraiment marqué, sans forcément me faire penser à un parfum précis. Plus un assemblage...
Quant au parfum de Suskind, la 1ère fois que je l’ai lu, j’ai pas trop apprécié. Mais bon, j’étais beaucoup plus jeune. Et il m’a fallu une deuxième lecture pour que je l’apprécie vraiment ! Je sais pas si vous avez le courage de le relire...
Vive l’odorat !
par Jicky, le 20 mai 2010 à 21:47
Il y a une chose aussi que je voudrais souligner et qui n’est pas forcément explicite dans le sujet : c’est l’odeur des livres !
Vous trouvez pas vous que l’odeur d’un livre c’est important ? Pour ma part, un livre à l’odeur trop blanche, papier glacé et tout pour un livre de cours, ça m’influence vraiment sur l’année ! J’avais un livre d’anglais qui sentais le papier comme ça, la blancheur des pages immaculé, le neuf... mais c’était impossible, je supportais pas. Ma meilleure surprise, c’est un flacon censé être vide de KenzoAmour qui avait fui dans mon cahier de latin ! J’ai tout simplement adoré ! C’est velouté, tendre, on a envie de serrer, de mange, d’étreindre le latin !
Quant aux pages des livres, j’aimais beacoup l’odeur des vieux folio junior, qui me rappelle mon enfance ! J’ai aussi un vieux livre de contes qui sent un mélange de paille, de bois, de vieux livre poussiéreux très dans l’esprit de "Spiritueuse Double Vanille"... je l’adore pour son odeur (et pour ses contes subrepticement^^).
Sinon olfactivement j’ai de gros coups de coeur pour "Le Rêve" de Emile Zola, les Agatha Christie (mais surement grâce à l’odeur des livres), "Charlie et la chocolaterie", "Le parfum" de Suskind, bien sûr et la poésie ! Au risque de paraître déluré, j’adore la poésie !! J’aime beaucoup Baudelaire, Rimbaud, mais j’ai aussi un faible pour Nerval et son côté abstrait, très lié au mondes odeurs !
Je vais quand même citer une de mes préférée de chez Baudelaire, qui n’est pas longue mais magnifique ! : "Les Correspondances" !
.
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
.
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
.
Les plus avisées d’entre vous remarqueront que c’est un sonnet presque parfait, sauf à la deuxième strophe (les rimes ne suivent pas le premier) puis je vous laisse votre analyse personnelle ! Quitte à ce qu’on en reparle après !
Je sais pas vous, mais moi ça me parle tout ça. Je sais que certains y sont pas ou très peu sensible, ce que je comprend !
Vive l’odorat ! "Car qui maitrisait les odeurs maitrisait le coeur des hommes" !
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par Phoebus, le 20 mai 2010 à 22:30
Je t’ai grillé Jicky ! Tu as un devoir à rendre sur ce poème et tu le postes là, l’air de rien, pour qu’on t’aide à l’étudier, avoue ! xD (en plus on est au mois de mai, c’est à ce moment de l’année que les profs de français entament la poésie, donc tous les indices concordent lol..!).
Sinon, euh...la poésie de ronsard, verlaine et compagnie ne m’a jamais vraiment beaucoup marqué...Je trouve que le style est trop "décoré", du coup ça sonne bien mais on loupe l’essentiel...Je préfère les slams, plus modernes, et plus touchants.
Mais je suis entièrement d’accord pour l’odeur des livres...Sauf que moi je ne renifle jamais mes livres de cour (et c’est une drôle d’habitude, d’ailleurs Jicky xD). Mais les vieux romans sentent toujours quelque chose de captivant, proche du parchemin. Et les neufs aussi d’ailleurs, un mélange d’encre, de sel et de colle qui murit comme du bon vin.
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par Jicky, le 21 mai 2010 à 17:37
Ne t’en déplaise Phoebus mais je ne suis pas en train d’étudier ce texte en ce moment. Dommage, j’ai fait la poésie bien plus tôt dans l’année et je n’ai même pas étudié Baudelaire =( ! Sinon j’avoue que la poésie c’est "space" aujourd’huy mais moi j’aime =D !
Quant à toi je sais pas mais l’odeur de mes livres de cour ça m’influence énormément ! Sans dire que je les renifle comme un malade dès la rentrée, j’ai quand même mon petit coup de nez^^....
par eh-andy, le 20 mai 2010 à 12:19
Je mets 4 étoiles à la rubrique, qui s’annonce prometteuse, enrichissante !!
Merci Jeanne de donner aux parfums et à l’odorat la dimension extra-commerciale qu’ils méritent !
ps : pour la devinette, je parie que la rubrique, c’est à la demande de Jicky non ? héhé, J’ai gagné quoiiii....???
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par Phoebus, le 20 mai 2010 à 19:08
Je pense que l’œuvre la plus évidente qui nous vient à l’esprit quand on parle de littérature et de parfum, c’est bien sûr Le Parfum (histoire d’un meurtrier) de Patrick Süskind. Le roman est focalisé sur un sens qui est presque toujours en sourdine dans la littérature...Et c’est assez fascinant. Étrange, évidemment, mais fascinant. Quand je l’ai lu, la première fois, c’est là que je me suis rendu compte que les gens ont tous une odeur qui leur est propre (on reconnait cela seulement chez les gens qu’on connait très bien, en général, puisqu’on les côtoit "hors champs social" c’est à dire le soir une douzaine d’heure après leur douche du matin ou mieux, le matin au réveil, sans savon ni parfum ni déodorant ect...). Oui, bon, c’est sûr l’odeur corporelle de mes proches n’ont pas un pouvoir d’attraction aussi intense que pour Jean-Baptiste Grenouille non plus LOL...Et encore heureux d’ailleurs. Mais le livre soulève un point important : s’il n’y avait pas les phéromones, ce serait vraiment étrange...même si les odeurs "propres" à nos proches ne sont pas souvent des merveilles de fraicheur et de douceur, elles ont quelque chose de réconfortant.
Le film est bien, aussi !
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par rasoph, le 19 juin 2014 à 13:12
Si j’ai beaucoup aimé le bouquin, j’ai été déçue, ô combien par le film : un héros qui ne correspondait pas à mes images, une relecture qui n’est pas celle que j’en aurais fait (je sais, je suis un peu ch... pénible mais bon, ça ne durera que le temps d’un commentaire) et surtout, surtout une fin totalement inepte. On ne voit rien, on ne comprend rien, il faut avoir lu le bouquin pour comprendre ce qui s’est passé. Il faut dire que filmer une scène comme celle-là était une gageure mais c’est raté. Ce que Süskind nous assène en une phrase, aucune image ne peut le suggérer. C’est bien la raison pour laquelle j’ai tant aimé le bouquin et si peu le film. Et puis pour en revenir au parfum, il est sans doute encore plus difficile de suggérer des odeurs par le biais d’une caméra que par celui des mots.Voilà, c’est fini... Bisous
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