Nuit de Noël
Caron
Voyage au bout de la nuit
par Yohan Cervi, le 23 décembre 2013
Écrire sur un tel parfum à la période de Noël, est, je le confesse, un brin cliché, mais quel beau nom évocateur, n’est-ce pas ?
Quatre ans après la grande guerre et à l’aube des années folles, l’Europe essaie de retrouver un peu de légèreté et de joie, dans un esprit d’exotisme et d’évasion. Le thème de la Nuit de Noël fut suggéré par Félicie Wampouille, associée et compagne d’Ernest Daltroff, pour qui il s’agissait d’un moment sacré. Ne vous attendez pas à retrouver les odeurs typiques de cette période de fêtes, Nuit de Noël contourne les évidences et s’en éloigne considérablement, sûrement du fait que Noël n’avait pas le même sens au début du siècle qu’aujourd’hui. Comme les fauves ou les impressionnistes qui avaient rejeté le réalisme traditionnel, Daltroff s’éloigne encore, avec sa nouvelle création, de la reproduction réaliste pour parvenir à des constructions abstraites, des impressions émotives.
Nuit de Noël n’en fait donc qu’à sa tête, car, à vrai dire, il n’en possède pas vraiment. Le thème central apparait immédiatement : c’est la rose ! Le parfum est gorgé d’un très bel absolu de rose, qui se pare des notes entêtantes de la tubéreuse et de celles, suaves, de l’ylang. Mais son effet n’est pas celui d’un bouquet floral, plutôt d’un baume épais parfumé à la rose, un onguent crémeux, généreux, velouté, légèrement vanillé et héliotropé. Son fond se pare de la fameuse mousse de saxe, créée en 1912 par les laboratoires de Laire. Cette base majeure dans l’histoire de la parfumerie moderne est construite autour de l’isobutyle quinoléine (IBQ), une molécule de synthèse à l’odeur cuirée, verte et iodée, qui épouvantait les parfumeurs de l’époque. Dans la mousse de saxe, l’IBQ est enrobée de géranium et de vanilline pour la calmer, la dompter, l’arrondir et l’adoucir. C’est dans Nuit de Noël que cette base prend toute son ampleur pour apporter mystère, distinction et profondeur au parfum. Le santal (la version d’origine en contient 25%) et le vétiver achèvent d’assécher la composition et viennent encore enrichir davantage ce fond boisé, cuiré, le rendant très complexe et nuancé. Le tout se poudre divinement, c’est exquis.
Le fond de Nuit de Noël est un des plus importants des années 20, et à vrai dire, un des plus beaux que je connaisse, puisqu’il inspirera Habanita (la parenté est forte), Bois des Îles, et plus tard Shocking, le très fameux parfum d’Elsa Schiaparelli, Madame Rochas, Calèche et même le Chanel N°19 selon le grand parfumeur Guy Robert.
Nuit de Noël est un parfum confortable, délicieusement rétro et suranné, un parfum de fourrure, poudré, généreux, typique des années folles et plus généralement de la première moitié du 20ème siècle et qui représente pour moi la quintessence du style Caron : un esprit luxueux, riche, fiévreux et exubérant, des parfums d’aristos décadents. Surprise ! L’extrait actuel est proche, bien qu’un peu mois gras et moins ciselé. Son fond est moins complexe, moins intense également, du fait de l’absence de la mousse de saxe (Caron ne s’approvisionne plus chez Symrise, qui a racheté les laboratoires de Laire). Mais le parfum demeure encore très beau et mérite amplement que l’on s’y intéresse. En revanche, je déconseille vivement l’eau de toilette (d’ailleurs en voie de discontinuation), qui ne reflète en rien la magie de cette tendre et poétique création. Son magnifique flacon opaque noir, à l’origine en cristal de Baccarat, est typique du mouvement Art déco et aurait été imaginé d’après un étui à cigarette. Son écrin à passementerie en faux galuchat s’inspire, plus de 50 ans avant Opium, de l’Inro japonais, tandis que l’étiquette entourant le flacon semble imiter le bandeau des garçonnes des années 20. Que de symboles !
Nuit de Noël....Certains y verront peut-être l’intérieur feutré d’un luxueux appartement, aux fauteuils de velours et à la cheminée flambante ou l’esprit d’une nuit endiablée dans une boite de jazz des années 20. Pour moi, c’est un parfum hors du temps, propice au recueillement, à la méditation, pour s’offrir une pause, un moment à soi ou à deux, une escapade pour s’évader de ce monde parfois dur et un peu fou. Marchons donc dans le froid glacial et l’immensité de cette nuit enchanteresse, à pas de velours, avec pour seul bruit celui de la neige caressant les chemins de terre gelés et les grands arbres.
Oui, Nuit de Noël est un parfum qui inspire le calme, le silence, la sérénité, la plénitude, comme lorsque l’on s’abandonne à la tendre étreinte d’un être aimé, et que le cœur bat un peu plus fort.
Avis basé sur trois extraits (années 30, années 80 et 2013) et deux eaux de toilette (années 80 et 2013).
J’en profite pour vous souhaiter à tous, chers amis auparfumistes, un très beau Noël !
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par dau, le 8 janvier 2014 à 14:25
Enfin, JOIE & ORGASME, Caron revient à Bruxelles chez Senteurs d’Ailleurs !
Alors, heureux ?
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par Newyorker, le 8 janvier 2014 à 15:02
Voilà une bonne nouvelle ! Il y aura également les parfums fontaines ?
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par dau, le 8 janvier 2014 à 15:45
??? Qui sait ? Mais je ne crois pas.
M’enfin, rien que le retour de Pour un homme en Belgique, c’est déjà une bonne nouvelle !
par Sun Jae, le 4 janvier 2014 à 13:30
Hello NewYorker,
Ca y est, j’ai testé comme il se doit mon EDC de Nuit de Noël qui date des années ’60. Déjà, rien que déballer la boîte encore habillée de son papier d’époque fut une aventure : armée d’un cuter et d’une dose de patience qui me fait en général défaut, j’ai réussi à ouvrir l’emballage sans l’abîmer pour mieux déchirer un pan de la boîte en carton en ne calculant pas ma force et la fragilité de la chose...
Et bien nom de Zeus, quelle présence pour une EDC ! Quelle richesse, quelle profondeur ! Incroyable. Je ne sais pas trop par où commencer. Cette EDC est onctueuse, et est, je trouve, très féminine mais aussi très masculine, et je la trouve étonnement moderne.
Elle me fait penser à une rose aux pétales de cuir que l’on aurait cueillie et déposée sur un lit de mousse (je n’avais jamais senti la mousse à ce point, quelle expérience !). En rendant l’âme, cette rose exhalerait ces dernières notes suaves et un rien sucrée. Une vraie splendeur.
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par Newyorker, le 4 janvier 2014 à 14:15
AAAAH, je suis tellement content pour vous, c’est super ! Je retrouve tout à fait l’esprit de cette eau de cologne dans votre description. Elle est à la fois onctueuse et dure, très cuirée et moussue, différente de l’extrait bien sûr, mais vraiment intéressante ! Profitez en bien !
par dau, le 28 décembre 2013 à 19:17
Celui-là, je neleconnais pas... Et ai encore plus envie de le connaître maintenant...
Une bonne occasion de râler sur la distribution des parfums Caron. (En Belgique, c’est assez simple, il n’y a plus de distribution.)
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par Newyorker, le 29 décembre 2013 à 14:53
C’est vrai ? On ne trouve plus les parfums exclusifs Caron en Belgique ? Arf, je pense que la maison n’est pas franchement en bonne santé malheureusement. Ils vont supprimer les eaux de toilette du Narcisse Noir, de Nuit de Noël, d’Infini et l’Eau de Réglisse. Bellodgia n’existe déjà plus en eau de toilette. Et ils ont arrêté apparemment les extraits d’Alpona et Acaciosa (à vérifier).
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par Farnesiano, le 31 décembre 2013 à 12:47
Bonjour, Dau et Newyorker. De retour en vitesse pour vous annoncer, du bureau !, une bonne nouvelle avant l’an neuf : Senteurs d’Ailleurs à Bruxelles prévoit le retour de la marque Caron dès 2014 (dixit Pablo). La boutique avait supprimé, il y a au moins cinq ou six ans, la célèbre marque française dont apparemment la distribution ne suivait pas, ou mal (?) On applaudit ce retour ! Et moi plus que quinconque ;-) Vive Caron et bon réveillon à toutes et tous ! Joyeuse entrée dans 2014. Et surtout, mille et une belles senteurs, nouvelles ou pas, à découvrir ou redécouvrir au cour des douze mois à venir. Ce soir, je porterai Tabac blond, Farnesiana ou Or et Noir. Je me tâte... Bises à tous et encore merci ! Farnesiano
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par Newyorker, le 31 décembre 2013 à 17:14
Coucou Farnesiano !
Ah, voilà une bonne nouvelle pour nos amis belges ! Je suis content, j’avais peur que la marque disparaisse définitivement de Belgique.
Oh, vous allez porter un grand Caron ? Rien que pour ça j’aimerais réveillonner avec vous :)
Je vous souhaite à tous une excellente soirée !
par Sun Jae, le 2 janvier 2014 à 10:50
Hellow Hellow et bannanée parfumée à tous ! Pour info, David le Magnifique de Place Vendôme a aussi les Caron depuis peu :)
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par Newyorker, le 2 janvier 2014 à 11:46
Bonjour Sun Jae, et bonne année ! Avez vous reçu votre eau de cologne vintage Nuit de Noel ?
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par Sun Jae, le 2 janvier 2014 à 13:00
Oui ! Mais je n’ai pas encore eu l’occasion de la tester comme il se doit. C’est con mais pour moi, tester un parfum vintage doit se faire dans un contexte particulier : je dois être à l’aise, chez moi, avec très peu d’odeurs (donc exit les bougies Trudon, résidus odorants de raclettes et saumon fumé qui traînent par là), ouvrir mon esprit à fond et avoir une touche imbibée du parfum pour comparer avec le résultat sur mon petit corps grassouillet suitant d’excès de l’an passé. Donc dès que cela sera fait, je viendrai vous dire ce que j’en pense et comment il donne sur ma vieille peau.
D’ailleurs j’aurai besoin de vos connaissances "Caronesque" très cher NewYorker : j’ai aussi reçu l’EDT de Narcisse Noir dont nous parlions aussi et l’Infini. Je pense que Narcisse Noir ne va pas à ma peau car il a vite tourné en pipi de chat T_T (expérience traumatisante déjà vécue avec les Patou) mais faut que je retente le coup en étant plus à l’aise pour confirmer si j’ai bien un épiderme anti-Patouesque et Caronesque. Pour l’Infini, je pense que les notes de tête ont sérieusement pris dans leur tronche mais je n’arrive pas à savoir si le parfum est franchement devenu un vieux pèpère pas très frais dans ses charrentaises ou si c’est le parfum qui est très étrange. Ca me perturbe beaucoup... Puis-je vous demander de bien vouloir me donner un bref descriptif de ce parfum afin que j’ai une meilleure idée de ce qu’il devrait être et savoir si le flacon que j’ai acquis peut sortir ce soir avec les poubelles ? Là comme ça, je ressens la touche et il est assez piquant, on sent des notes vertes assez aggressives et il monte vite taper les sinus. Sur ma manche, il est nettement plus doux, presque crémeux et la note qui pique est fortement atténuée (ma lessive Le Chat est entrée dans la danse peut-être ?). Sur ma main on va pas en parler hein, vaut mieux éviter...
Un énooorme merci ! ^_^
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par Newyorker, le 4 janvier 2014 à 14:05
Bonjour Sun Jae ! Mais comment faites vous ??!! Dès que je reçois un flacon, je ne peux m’empêcher de l’ouvrir immédiatement. Une fois j’étais même dans le métro à ouvrir un My Sin de Lanvin, les gens ne comprenaient pas ce qui se passait.
Alors, alors, Le Narcisse Noir vire à la pisse de chat sur vous ? Il faut savoir qu’il s’agit quand même à l’origine d’un parfum très animalisé, une fleur d’oranger très opulente, très raide, acide, miellée, soutenue par un solide fond de santal, musc animal et civette. Donc je peux comprendre votre ressenti. Pour moi c’est un parfum assez incroyable, mais peut être un des plus difficiles à porter et à apprivoiser. En revanche, dans sa version vintage, je le connais surtout en extrait, je peux moins me prononcer sur l’eau de toilette.
Vous parlez d’Infini ou de l’Infini ?
Parce que ce sont deux parfums différents. L’infini est un parfum de 1912 réédité en édition limitée en 2000. Je ne connais pas le vintage qui a disparu il y a plus de 70 ans, mais je n’aime pas sa réédition qui à mon avis n’a aucun rapport avec l’ancien. C’est une rose fruitée qui côtoie une tubéreuse très camphrée, sur un fond santal et musc. Bof bof.
Bon, vu votre description, je pense que vous parlez d’Infini, un parfum de 1970 inspiré par la conquête spatiale et dont le flacon a été dessiné par Serge Mansau. C’est un joli floral aldéhydé vert qui m’évoque à la fois l’Air du Temps, le 19 et Fidji (très proche de ce dernier surtout). J’aime particulièrement sa note de jonquille, son oeillet crémeux et son fond boisé et animalisé, très doux et très tendre.
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par Sun Jae, le 4 janvier 2014 à 15:03
Merci bcp NewYorker ! Oui, il s’agit bien de Infini de 1970. Je pense qu’il a donc morflé avec le temps parce qu’il est tout sauf doux et tendre même sur touche, mais sauf sur ma manche. La lessive Le Chat, en plus de rendre les vêtements propres, redonnerait-elle vie aux vieux parfums ?? :p
Étonnement, j’ai aspergé une collègue (consentante) avec et elle l’aimait bien, elle le trouvait nostalgique (une belle manière de dire qu’il sentait le vieux sans doute) et frais... Bref, ce flacon restera une énigme. Je crois que je vais l’amener à David de Place Vendôme à l’occasion, histoire de voir ce qu’il en pense.
Pour répondre à votre question concernant l’ouverture des boîtes de parfums : pour moi, c’est un moment presque intime, même quand j’achète un parfum récent. Mis à part l’arrachage du cello en bonne et due forme, je déballe le parfume religieusement. Puis je le cache vite dans mon armorie comme ça mon mari ne voit pas que j’ai "encore acheté un parfum !" :p
par Arpège, le 27 décembre 2013 à 19:42
Merci pour ce magnifique article sur Nuit de Noel de Caron ! Encore un Caron qui devrait etre inscrit au Patrimoine Mondial !!!! Caron, non mais : CAROoOooOn !
Moi aussi je sens les marrons glaces dans ce parfum. D’ailleurs j’en profite pour signaler un abus : chocolats, marrons glaces, fondue , vacherin buche de noel et 2 kg de + sur la balance... e) :
Pour en revenir a Nuit de Noel, il a ce "volume" exceptionnel du parfum retro fourrure, avec un fond sec et chaud. Un flacon sublime.
Nuit de Noel c’est plus qu’un parfum, c’est une ambiance, un retour en arriere sur les années 20.
C’est la marque Phare "vintage" Francaise aux Etats Unis. Avec Chanel.
Nuit de Noel est l’ancetre de Coco Chanel (des années 80) de certains boises Lutens, c’est vraiment un parfum pionnier avec des années d’avance.
L’article donne envie d’acheter !
Merci Newyorker de faire partager ta passion sur cette grande marque mythique.
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par Newyorker, le 28 décembre 2013 à 02:43
Merci pour ton intervention Arpège et tes mots si gentils !
Il est vrai que Caron a toujours eu plus de succès aux Etats-Unis qu’en France (l’hexagone représentait tout de même le second marché), la marque y était très prestigieuse et symbolisait le luxe à la française, notamment depuis la création de la Caron Corporation sur fifth avenue à NY au début des années 20.
Effectivement, je ne trouve pas que Nuit de Noël soit franchement intemporel, il marque son âge et nous replonge directement 90 ans en arrière ! Mais qu’est ce que c’est bon, n’est ce pas ?
Je suis très content si ma passion est communicative, j’ai mis Jicky sous Lexomil en attendant.
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par Jicky, le 28 décembre 2013 à 11:22
Non mais là ça va encore, rien de trop révoltant.
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par Arpège, le 28 décembre 2013 à 18:25
J’aime cette regression temporelle de 90 ans en arriere, avec Nuit de Noel, Vintage Habanita, Liu Arpege, Numero 5, Mitsouko.
Cette effet de baume cremeux et sec comme avec Vol de Nuit , 11 ans plus tard, boise.
A sentir Nuit de Noel, je reconnais la suprematie de Caron. (Anxiolytiques disponibles sur demande.....) E) :
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par Jicky, le 28 décembre 2013 à 18:58
*raye Arpège de ses alliés potentiels*
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par Koimynose, le 25 décembre 2013 à 18:31
Quel beau flacon !
Merci, Newyorker, de partager avec nous ta passion (contagieuse) pour cette maison !
C’est un parfum qui semble fait de contrastes multiples, voire de contradictions, peut-être celles de son époque, du moins c’est l’impression que me laissent tes mots : d’abord "un esprit luxueux, riche, fiévreux et exubérant, des parfums d’aristos décadents", puis "un parfum qui inspire le calme, le silence, la sérénité, la plénitude". J’y vois le signe d’une étonnante complexité, dans la construction et dans l’évolution, et ça donne vraiment envie d’y mettre son nez.
Ps. Je suis tombé sur un texte louant un autre parfum de la maison qui semble, hélas, disparu : Rose (1949). Est-il au nombre de tes précieux et adorés Caron ?
Encore merci Newyorker !
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par Newyorker, le 26 décembre 2013 à 14:45
Bonsoir mon cher Koimynose !
Merci beaucoup pour tes impressions ! Et oui, je suis fasciné par la plupart des parfums de cette maison. Et puis quels noms ! Quels flacons ! Quand je vois par contre qu’aujourd’hui on a droit à Yuzu man, je suis quelque peu déprimé. J’espère en tout cas réussir à transmettre mon intérêt/ma passion pour ces créations, qui, dans leurs formules d’origine (et parfois sous leurs formes actuelles comme c’est le cas de Nuit de Noël) sont des merveilles de poésie, d’une rare richesse olfactive. Ce sont des parfums profonds, complexes, parfois chargés (ce qui peut déplaire, je le comprends, keur keur Jicky), souvent baumés et poudrés, chauds et riches. Ce ne sont pas vraiment des parfums du quotidien, ils n’ont pas été créé dans ce sens de toute manière (Bon, nous autres perfumistas sommes au delà de ce genre de considérations ;) ). Ernest Daltroff était un autodidacte comme François Coty, mais tandis que ce dernier destinait ses créations à la petite et moyenne bourgeoisie, Daltroff créait ses parfums pour l’aristocratie et la haute bourgeoisie des grandes villes européennes et américaines. On ressent cet esprit riche, ultra luxueux et sophistiqué dans la plupart des créations de la maison jusqu’aux années 40, lorsque Daltroff est obligé de fuir à New York du fait de sa judaïté, pour y mourir finalement en 1941. Donc pour Nuit de Noël, je perçois tout à fait cet esprit (comme dans Le Tabac Bond et Le Narcisse Noir par exemple), mais je l’interprète et me l’approprie de manière complètement différente (j’ai pas franchement envie de me sentir dans la peau d’une duchesse en route pour l’Opéra de toute manière, c’est moyennement mon délire). C’est un parfum qui me touche beaucoup, qui m’émeut et m’accompagne dans ces moments intimes, et qui me rappelle ces soirées et nuits d’hiver passées à la campagne avec les gens que j’aime. Et effectivement, c’est pour moi un des parfums les plus complexes de la maison, car je n’y entre jamais par la même porte, la même facette, et comme les grands Guerlain que je connais par cœur pourtant depuis l’enfance, je le redécouvre constamment. Il s’agit vraiment de ce que j’appelle un parfum bienveillant, qui n’est pas aussi difficile à apprivoiser qu’un Tabac Blond, un Poivre ou un Narcisse Noir, qui vous berce avec ses baumes et ses notes poudrées (comme En Avion, Farnesiana et les Pois de Senteur de chez Moi), avec juste ce qu’il faut de piquant pour ne pas tomber dans le parfum "cocooning".
Ah, le parfum Rose de 1949, qui s’appelait à l’origine La Fête des Roses et qui était présenté, pour son modèle grand luxe, dans un magnifique flacon doré à l’or fin, je ne l’ai malheureusement jamais senti. Je l’ai loupé de peu d’ailleurs lors d’un salon de flacons de parfum. J’avais repéré un flacon de la Fête des Roses et juste avant que j’arrive au stand, y’a une dame de chez LVMH qui a demandé au vendeur de lui racheter le jus. Comme seul le flacon intéressait le mec, il lui a vendu pour une bouchée de pain. J’ai failli m’arracher les cheveux, qu’elle retourne plutôt reformuler pour la 13ème fois le Miss Dior Chérie et qu’elle me laisse ces vieilleries !
A bientôt !
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par Koimynose, le 27 décembre 2013 à 17:44
Hello Newyorker !
Mais c’est Opiumesque ! ;) Merci pour ta généreuse réponse.
Quel dommage pour Fête des Roses :(
Je suis complétement inculte en Caron. Je ne connais que quelques mainstream : Pour un Homme, qui n’est pas pour moi, et deux autres qui m’ont toujours intrigué : Yatagan et L’Anarchiste (avec son flacon inclassable). Ce n’est pas trop le lieu mais je resiste pas à l’envie de te demander ce que tu penses de ces deux derniers ;)
Merci encore, Newyorker, et excellente soirée à toi (à vous tous chers auparfumistes) !
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par Newyorker, le 29 décembre 2013 à 13:23
Merci pour ton retour !
Alors je connais moins les masculins Caron que les classiques féminins. Mais j’aime beaucoup Yatagan, sa tête aromatique et épicée, son cœur de géranium, son fond chypré, boisé et animalisé. Il me semble avoir peu bougé. Je connais moins l’Anarchiste, qui ne m’a jamais vraiment marqué, tout comme le 3ème homme. En revanche j’adore Pour un Homme, et je trouve la version actuelle très belle.
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par hangten, le 29 décembre 2013 à 19:47
Bonjour !
Je possède Le 3ème homme et Yatagan. Autant le premier me semble assez facile à porter, même s’il est plutôt daté, autant le second exige une bonne dose de cran : aromatique, "sale", ce n’est pas un truc de minettes ! En tous cas, je le trouve très polarisant. Un eau qui tranche indéniablement avec ce qui se porte actuellement... La modernité n’est pas mon affaire, mais je dois dire que celui-là envoie dans le registre viril vintage. âme sensibles s’abstenir.
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par hangten, le 29 décembre 2013 à 19:49
Arghhh ! Âmes avec un s...
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par Koimynose, le 30 décembre 2013 à 13:59
Hello !
Merci infiniment à tous les deux, Newyorker, Hangten, pour vos retours. Mon unique test de Yatagan remonte à je ne sais plus quand ! Je me souviens juste d’avoir senti quelque chose de très... corsé, un jus d’une autre époque. Un peu comme la première fois que j’ai posé le nez sur Aramis. La passion grandissant, je sais maintenant que ce genre de senteur ne me fait plus "peur", qu’on peut les dompter... Du coup je brûle de me frotter au sabre ;)
Bon aprèm à tous !
par zab63, le 25 décembre 2013 à 15:16
Ah, Nuit de Noël en edt vintage ...! J’espère que tous les perfumistas d’Auparfum ont reçu au moins une senteur délicieuse en cadeau...
par Chris, le 24 décembre 2013 à 18:57
Bonsoir à toutes et tous ! je vous souhaite un très bon réveillon !
par ERIC, le 24 décembre 2013 à 16:05
" Comment ? Une rose à Noël ?"
" Pourquoi pas ! Vous vouliez encore du sapin vert et des cannelles-oranges, de la résine et des épices, du vin chaud et du fumet de gibier ?"
" Non, mais une rose à Noël, tout de même …"
Là, sur mon bureau agonise la dernière de mon jardin, jaune. Grosse comme mon poing, elle est fermée et si je l’ai cueillie c’est pour lui éviter le désagrément de ne pas pouvoir s’ouvrir plus. Je lui suis gré de ses efforts gênés, mais lutter aujourd’hui contre ce vent d’Espagne tiède et humide, c’est au delà de ses forces. Si encore ce Noël avait été ensoleillé, lumineux de tramontane et de ciel bleu, je ne dis pas que peut être... Elle reste close comme la pigne de pin que j’ai bannie de ma décoration cette année, mais elle tel un pomader ancien, elle sait exhaler comme aucune son musc abricoté et sa fraîcheur de rose pâle qui sait qu’on ne l’a pas cueillie pour son carmin.
Oui, Newyorker, vil tentateur, une rose pour Noël... Comment osez-vous ? A moi qui cherche la mienne entre celle de Frédéric Malle que j’hésite à m’offrir, les trop nombreuses de chez Rosine qui patientent en échantillons pour être testés, celle rafraîchie de mandarine du Black Aoud de Montale qui sait m’insupporter parfois quand bien même je l’ai voulue et possédée... Comment un 24 décembre osez-vous rallonger ainsi la liste des essais et des découvertes futures ? Pensez vous donc que nous ayons plusieurs vies et que le temps ne nous presse pas pour trouver La Rose ? Soit, je m’incline et baisse la tête comme celle dernière de mon jardin et j’irai chez Caron quand de, provincial lointain je me ferai parisien d’un jour... éternel cherchant, éternel cherchant.
Merci de cet article sur votre maison favorite, Newyorke,r et à mon tour, JOYEUX NOEL ET BONNES FETES A TOUS !
Très cordialement
ERIC
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par Newyorker, le 25 décembre 2013 à 18:58
Bonjour Eric !
Merci beaucoup pour votre commentaire ! :)
Je vous rassure, si vous êtes à la recherche de la rose ultime, ce n’est pas avec Nuit de Noël que vous la trouverez. Le parfum tire en effet vraiment vers l’oriental et le boisé. C’est une rose qui se fond dans les bois précieux, le cuir et les baumes, la vanille et la poudre. Mais je vous invite vivement à le découvrir !!!
Votre commentaire m’évoque une réplique du film Peau d’Âne de Demy.
"Tu chantais l’amour, le cherches tu ? "
"Evidemment que je le cherche, comme tout le monde"
"Alors continue ton chemin, c’est une question de confiance"
"Merci la rose".
A très vite !
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par Newyorker, le 25 décembre 2013 à 19:08
PS : On dit souvent que Nuit de Noël sent les marrons glacés, et je suis plutôt d’accord !
par Arpège, le 29 décembre 2013 à 08:51
Bonjour Eric ! C’est magnifique ce que vous avez ecrit. Vous etes Poete !
Vous qui aimez Mitsouko, vous aimerez Nuit de Noel et surtout Tabac blond chez Caron (plus proche).
Ce sont des parfums avec de la matiere et un effet tres retro. Le cote fourrure que vous avez apprecie dans l’eau du soir par exemple et le fond riche et d’un autre age.
Quant a la rose, je l’ai trouvee en Rose absolue de Goutal et également dans la Fille de Berlin. Mais je trouve que RA la surpasse. C’est la Roseraie dans toute sa splendeur.
Joyeuses Fetes de Fin d’Année !
par MitsoukaDe, le 11 octobre 2015 à 01:09
Arpège a raison : c’est bien joli ce que vous avez écrit, sûrement Noël vous l’inspira !
Et que magnifiquement rédigée pour commencer la critique de Newyorker sur ce parfum au nom évocateur. Je rêve de le connaître depuis longtemps, son beau flacon noir en soi est une promesse ; pourvu que depuis 2013, on ne l’ait pas davantage encore retouché !
Trop tôt pour dire joyeux Noël, par contre, mais que l’on lit de jolie choses ici ou là !
par doudou, le 24 décembre 2013 à 14:05
Merci pour cette merveilleuse description...je ne connais pas ce Caron mais m’empresserai de remédier à cette lacune ! C’est en tout cas déjà enchanteur que de vous lire Newyorker !
Un joyeux Noël à tous les auparfumistes, et un grand merci à Jeanne et toute son équipe ( Jicky, Opium et tous les autres !)...vous nous rendez la vie plus belle. :)
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par Newyorker, le 25 décembre 2013 à 17:46
Bonjour Doudou,
Mille mercis ! Je vous invite en effet à découvrir cette Nuit de Noël enchanteresse. Que connaissez vous chez Caron ?
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par doudou, le 25 décembre 2013 à 22:21
Et bien honnêtement l’an dernier j’en ai senti plusieurs, Aimez-moi, Parfum sacré et peut-être bien le Narcisse noir. Les versions modernes. Il faut que j’y remette le nez car je ne me souviens plus bien ( honte à moi !!!). Tout ça m’avait semblé fort riche, opulent....voire un peu fouillis...du coup j’avais passé mon chemin un peu vite. Mais à force de vous lire j’ai envie d’y consacrer un peu de temps pour mieux les comprendre et les apprécier !!!
Et, au passage, c’est très joli la citation de Peau d’âne sur la rose...je garde en tête ces quelques lignes de poésie, merci tout plein !
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par Newyorker, le 27 décembre 2013 à 21:54
Ok, je vois, et je suis assez d’accord avec vous. On sent encore une certaine richesse dans les reformulations des classiques Caron, mais parfois, les parfums ont un côté foutoir qu’ils n’avaient pas auparavant malheureusement. C’est quand même dur pour moi de faire une croix sur une des plus belles maisons de parfum, aux créations mythiques. En tout cas, les parfums qui ont selon moi le moins bougé sont Nuit de Noël, Les Pois de Senteur, Royal Bain de Champagne, Poivre, Farnesiana, Pour un Homme, Acaciosa, je les recommande encore vivement. J’aime beaucoup le Narcisse Noir actuel, mais il est méconnaissable, c’est vraiment un autre parfum qui ne reflète EN RIEN le caractère dramatique, obscur et animal de la création originale. Quant aux créations plus récentes comme Aimez moi et Parfum Sacré, je les trouve intéressantes, avec une patte classique, mais je ne ne les aime pas assez pour les porter.
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par doudou, le 27 décembre 2013 à 22:54
Merci beaucoup pour ces indications précieuses ! Dès que je trouve le temps à la rentrée je m’organise une petite séance de remise à niveau spéciale Caron :)
Melancholya
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par StéphaneLyon, le 5 juillet 2017 à 13:45
Caron j’aime en général et "Nuit de Noël" en particulier. Certes, le nom est un peu lambda et j’ai failli passer à côté lors d’un après-midi découverte de la marque et quelle erreur cela aurait été ! C’est un bijou, une petite merveille à la fois très classique et pas tout à fait identiques aux parfums de cette époque. "Nuit de Noël" est une véritable belle découverte.
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par Adina76, le 5 juillet 2017 à 16:14
Bonjour StéphaneLyon,
Il faudra que j’aille le ressentir celui-là. Je traverse une phase de "Caronite" aiguë que mon portefeuille me reproche. Mais tout récemment encore, je n’ai pas su résister à Royal Bain de Caron qui me tentait depuis un moment. Certes, les reformulations sont passées sur les créations Caron mais je ne comprends pas qu’elles soient devenues à ce point confidentielles et que les historiques soient progressivement retirées du marché. Un crève coeur ! Ce sont de vraies "tueries" : d’une richesse, d’une classe, d’une originalité folles !!!! Pourquoi n’ai je pas été sensible plus tôt à leurs sirènes ???! Grrr....
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