Noël au Balcon

A côté de parfums intentionnellement provocants, tant par leurs intitulés que par leur composition, il en est d’autres dans la marque Etat Libre d’Orange qui préfèrent exprimer une partition plutôt humoristique que transgressive. Trêve des confiseurs oblige, il en est de même avec Noël au Balcon, un parfum joué plutôt dans la gamme ludique que proprement sexuelle. (Quoi que...)

Il en est de même avec Fat Electrician : un fort joli vétiver qui ne dépare de son classicisme que parce qu’il s’est trop gavé de ses habituelles cacahuètes salées qui lui tombent sur la bedaine. Mais aussi avec cette "Vraie Blonde" qui aime un peu trop les cocktails au sirop de fruits à base de champagne et risque de finir obèse et alcoolique après son énième remariage avec tel vieux monsieur fortuné. Divin’Enfant, également, révèle un certain humour avec sa fleur d’oranger innocente guimauve qui se fait peau angélique de chérubin replet avant de basculer dans l’amertume curieuse d’un café noir évoquant des replis de peau plus intimes.

Noël au Balcon, par le choix de ce proverbe populaire qui annoncerait un printemps frisquet passé à "Pâques au tison" près du feu après une nativité fin décembre à la météo trop douce, exprime parfaitement cet esprit de dérision et d’humour plus potache. L’accord évoquant une douceur moelleuse qui réchaufferait contre le froid est construit autour d’une fleur d’oranger (décidément souvent malmenée chez ELO, probablement en raison de ses possibilités contrastées !).

L’impression est celle d’un crémeux sucré et douceâtre assez surprenant d’abord, proche de Like This de la même marque. Puis, piment, cannelle et girofle ornementent de leurs scintillements festifs ce pot-pourri de mandarine et d’abricots secs. Confits par miel, patchouli, ambre et résines, la chaleur orientale de l’esprit de Noël n’est plus si loin. Miel, muscs et nigelle, sorte de cumin noir, font basculer l’impression générale des chants de Noël chaleureux vers quelque chose de plus sensiblement "hot" ; on est bien chez Etat Libre d’Orange finalement !

Par toutes ses notes doucereuses, au bord de l’écœurement, certains détestent cette pâtisserie qui joue d’un trop-plein par trop roboratif. D’autres, eux, ne se laissent pas séduire par ce parfum qui leur paraît trop banal et manquer de sillage. Quelques-uns, enfin, après avoir été désarçonnés, se laissent tenter par ce parfum qui évoque la générosité d’un marché de Noël. Imaginez-vous un vin chaud fumant et les doigts pleins de pâte à biscuit avant enfournement, de miel et de confiture d’abricot, et vous aurez une idée de la sensation gourmande que l’on peut ressentir.

Probablement pas de prime abord le plus marquant des parfums Etat Libre d’Orange, Noël au Balcon, avec son originalité cousue de surdose de miel doux et d’épices plus sèches, ne dénote pas dans la gamme. Rapidement, l’accord traditionnel de Noël, entre pot-pourri de roses giroflées et biscuits secs à la cannelle, qui pourrait évoquer la pléthore de “reines mages” Opium, Youth Dew, Cinnabar, Noir Epices, l’Eau Lente et tant d’autres, fait place à une impression assez déstabilisante qui nous éloigne des territoires connus tout en en conservant certaines caractéristiques ; comme souvent chez Etat Libre d’Orange qui manie bien l’art de l’étrangeté. Après tout, "avoir du monde au balcon" est une expression dont le sens n’a que peu à voir avec l’esprit candide de Noël... (Et, lorsque le choix d’un proverbe populaire ingénu a été fait pour le nom de ce parfum, l’idée, par association, que cette autre expression plus osée ferait son chemin dans l’esprit de certains a dû être indéniable, ELO manie très bien le mélange des genres...)

"Joyeux Noël !"