L’Origan
Coty

Les Classiques - Les grands disparus
- Marque : Coty
- Année : 1905
- Créé par : François Coty
- Famille : Ambrée
Le Roi est mort, vive le Roi !
par Yohan Cervi, le 24 décembre 2014
Nous avons affaire là à l’un des patriarches de la parfumerie moderne, à une fragrance préfigurant et définissant un siècle de créations. De L’Heure Bleue à En Avion, en passant par Loulou, Spellbound, Oscar de la Renta, Tabu, Prétexte de Lanvin, ou Poison, cet Origan, créé en 1905, possède en effet une impressionnante lignée.
François Spoturno, de son vrai nom, est âgé de 26 ans quand il arrive à Paris, pour devenir secrétaire d’un député corse. Il découvre le monde de la parfumerie par hasard, en aidant un jour un ami pharmacien à préparer une eau de Cologne. Il y prend goût, et développe très rapidement son sens critique. Il déplore souvent le contenu, mais aussi le contenant des parfums de l’époque, et trouve les flacons sans originalité, trop simples, ou au contraire trop chargés et peu qualitatifs. Par la suite, il apprend à connaître et à travailler les matières premières aux usines De Chiris à Grasse, où il découvre des absolues de haute qualité. Il prend également contact avec d’autres fournisseurs comme De Laire, et se passionne pour les nouvelles bases de synthèse, qui décuplent la palette olfactive du parfumeur. François Coty fut l’un des premiers, avec Aimé Guerlain et Paul Parquet d’Houbigant, à saisir le potentiel et l’intérêt des nouvelles matières de synthèse. Selon Edmond Roudnitska, « Coty était l’esprit supérieur qui fit passer la parfumerie de l’état d’ébauche à celui d’œuvre d’art. Le Chypre et L’Origan sont ses deux œuvres maîtresses ».
De retour à Paris, il emprunte quelques milliers de francs, crée son propre laboratoire et sort, en 1904, son premier parfum : La Rose Jacqueminot, qui connaît un vif succès. Suivent, en 1905, L’Ambre Antique, La Jacée, et L’Origan.
L’Origan est essentiellement structuré à partir de trois bases : l’Iralia, aux notes de violette boisée, la Dianthine, qui exhale des odeurs épicées et poudrées d’œillet, et une base Ambréine, mêlant vanilline, benjoin et coumarine, et qui constitue le fond du parfum. A ces bases furent notamment ajoutées des absolues florales de De Chiris. Avec cette création, Coty inaugure la nouvelle sous-famille, très prolifique, des ambrés fleuris épicés, ou florientaux. Sur l’accord ambré de base, viennent s’ajouter des notes florales (souvent fleur d’oranger) très marquées, et des notes épicées (clou de girofle, coriandre) ou herbacées.
L’Origan est un très beau parfum, certes, mais son esthétique est relativement difficile à comprendre et à apprivoiser, tant l’avant-propos est peu aimable. On dirait de lui qu’il a "une gueule". Il s’ouvre sur des notes un peu amères, agrestes et médicinales, accompagnées des traditionnels bergamote et néroli. Puis développe un cœur éminemment floral, de fleur d’oranger et de violette, ourlé d’œillet épicé. La parenté avec L’Heure Bleue apparaît alors comme évidente.
On le dit souvent, il suffisait que Coty sorte un parfum, pour que, quelque temps après, Guerlain lui réponde. Mais tandis que Coty brosse un portrait à la manière des fauves, avec de larges aplats de couleurs vives et puissantes, Guerlain semble voir la chose à travers le prisme des impressionnistes. L’aspect cinglant et presque grinçant du clou de girofle est beaucoup plus appuyé et moins fondu que dans L’Heure Bleue par exemple. Les notes florales sont moins complexes, avec un effet très "boule". Ici tout arrive très vite, et l’on ne vous ménage pas. Mais le parfum gagne au fil des heures moelleux et rondeur, au fur et à mesure que s’épanouissent les notes héliotropées, et que se développe le fond vanillé, ambré et baumé. Le tout finit par se poudrer divinement. C’est splendide.
Après une longue vie, glorieuse et fastueuse, et une fin de règne difficile et douloureuse, L’Origan repose aujourd’hui en paix, et peut s’enorgueillir de sa lignée, de sa prodigieuse descendance, qui perpétuera son souvenir et sa mémoire.
Le roi est mort, Vive le Roi !
Avis basé sur une version des années 40 et la reconstitution de l’Osmothèque.
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par Cymoril, le 25 décembre 2014 à 11:14
Ha ! Mon si beau parfum attraction/répulsion !
Ce qui me trouble (et touche) vraiment dans ce parfum c’est cette sensation d’immédiateté, comme une volonté de vivre tout et vite avant que ça ne s’effondre. Une sorte de gaité brutale.
L’effet compact contribue totalement à cette l’atmosphère : les notes "en boule", livrées comme une débauche, on en profite comme on veut et c’est très exaltant à mon sens. Et ce n’est pas pour autant un gloubiboulga avec un panneau "démerde toi" qui clignote ! Non c’est une vraie liberté qui explose et j’ai rarement trouvé un parfum avec un effet pareil.
As tu pu sentir différentes concentrations ?
Je ne connais que l’extrait. Et parfois je ne le supporte pas (un vieil amant, au gout de "j’y reviens" mais qui se révèle toujours bien trop lourd !) Mais j’ai L’Aimant en différentes versions, dont une cologne très belle, et je ne peux m’empêcher de penser que l’Origan serait parfait pour moi s’il existait (avait existé ?) sous cette forme...
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par Aryse, le 25 décembre 2014 à 11:35
Coucou Cymo (et joyeux Noel),
A ma connaissance, l’Origan a existé en 3 versions : extrait, parfum de toilette et...eau de cologne (cette dernière pour ton plus grand plaisir j’espère...)
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par Cymoril, le 25 décembre 2014 à 12:26
Merci Aryse (bonnes fêtes à toi !)
On m’avait parlé du PdT effectivement... Je ne le bouderais pas aussi ! Mais je ne sais pourquoi, j’imagine la cologne remédier plus certainement à cette ampleur dévastatrice que prend parfois le fond de l’extrait.
par Newyorker, le 25 décembre 2014 à 20:25
Bonsoir Cymoril,
Je suis content de voir que tes impressions rejoignent les miennes, c’est que je ne dois pas trop être à côté de la plaque :)
J’ai une eau de cologne de l’Origan justemment. Elle est très jolie. Plus lumineuse, plus limpide évidemment que l’extrait, tout en lui étant fidèle. Elle est également moins brutale et beaucoup plus douce, mais reste vive et percutante. Disons que si tu aimes l’Origan, mais que l’extrait t’épuise parfois ou te plombes, la cologne est une parfaite alternative. C’est un Origan pour se reposer de l’Origan.
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par Cymoril, le 26 décembre 2014 à 15:02
Bonjour Newyorker,
"Un Origan pour se reposer de L’origan" voilà qui me plait comme idée... Même si j’ai un peu peur de perdre la complexité compactée et brutale de l’extrait qui fait tout de même beaucoup la beauté du jus... Mais je vais me mettre en quete de cette cologne, si elle est aussi bien faite/fidèle que celle de l’Aimant par rapport à son extrait, je ne peux qu’avoir une belle surprise ! Merci :-)
Yohan Cervi (Newyorker)
a porté L’Origan le 20 juin 2015
Yohan Cervi (Newyorker)
a porté L’Origan le 15 mai 2015
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