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L’Attesa

Masque Milano

Flacon de L'Attesa - Masque Milano
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Muscle-moi

par Clément Paradis, le 20 novembre 2019

La rencontre audacieuse et un brin surréaliste entre un petit tiroir à maquillage et une grosse voiture neuve qui embaumerait encore le cuir et les hydrocarbures...

La quête inlassable du « plus bel iris » est un sport de perfumista qui confine à la chasse au trésor. La pratique est d’ailleurs escortée par une liturgie touffue qui trouve son graal dans un flacon pyramidal inaccessible (comme le veut la légende) et se concrétise, pour les plus téméraires, dans un pèlerinage à Versailles sur les routes de l’Osmothèque.
On entend rarement les amateurs en quête du plus beau narcisse ou de l’écorce de bouleau la plus raffinée, mais l’iris a ses légendes auxquelles on aime se confronter. La rareté de la matière et le prestige qui y est attaché en fait une sorte de marronnier parfumistique, et l’on voit fleurir régulièrement de nouvelles interprétations du rhizome, plus ou moins heureuses, qui permettent de goûter aux joies de cette substance vendue à prix d’or (elle serait en réalité meilleur marché si elle était vendue à prix d’or, le kilo d’absolue d’iris de Florence frisant les 60 000 euros).

L’Attesa pourrait-il nous faire patienter en attendant le graal ? La notoriété acquise par ce parfum dès sa sortie nous porterait à le croire, tout comme la description du jus lui-même : iris, champagne, néroli, santal de Mysore… Sur le papier, quel ravissement ! Le programme est connu : c’est celui de ces iris cosmétiques, policés, celui des plongées passionnées dans le tiroir à maquillage de maman et des baisers poudrederizés pleins de promesses.
Une fois pulvérisée, la fleur tombe cependant le masque, si j’ose dire : après qu’une jolie bergamote aérienne lui ait ouvert la voie, notre iris se poudre et s’épaissit, d’abord onctueusement en un rouge à lèvre cosmétique, puis dans un curieux débordement sous l’effet de la note « levure de champagne », comme une pâte à cookie au beurre d’iris qu’aucun moule ne pourrait contenir. Cuiré, moussu et compact, le mélange tourbillonne dans un sillage à l’empreinte verte et beige.

Le coup de théâtre dans tout cela, c’est que notre iris n’est hélas pas venu seul. Sans doute pour éviter les ballonnements, il a profité de quelques séances de bodybuilding au Timbersilk (une version concentrée de l’Iso E super) pour en remontrer à la concurrence. Que peuvent en effet les violettes d’Iris Silver Mist ou le galbanum du Chanel n° 19 face à ces molécules de synthèse tenaces, les fameux « bois ambrés », qui promettent des heures, et même des nuits de tenue ? L’Attesa est un conquérant. Sûr de lui, il voudrait se faire désirer mais finit par sortir de sa grosse automobile intérieur cuir pour rayonner sur le beau monde ; certes en titubant un peu, la faute au champagne. Fumé par les noces, il en oublie au passage quelques délicatesses élémentaires, de celles qui conservent un peu de son tact et de son raffinement à la vie parfumée.
Peut-on l’en excuser ? On ne pourra pas empêcher quelques drogués à l’iris de voir là une imposante personnalité. Mais comme me le signalait un ami peu rancunier que j’avais aspergé du précieux jus : « indubitablement, c’est de l’iris, mais ai-je envie de finir par sentir le cuir de bagnole ? »

Pour les esprits forts, L’Attesa apparaît plutôt comme le fruit d’une rencontre audacieuse et un brin surréaliste, celle d’un petit tiroir à maquillage et d’une grosse voiture neuve qui embaume encore le cuir, le plastique et les hydrocarbures, bref les bois ambrés.
Les amateurs de fragrances rares savent que d’ambitieuses compositions reposent sur les étagères de Masque Milano : aux côtés de l’euphorisant Tango et du raffiné Russian Tea, à quatre euros le millilitre, L’Attesa crie sa puissance avant même de faire pschitt. Évidemment, cette « mascarade » ne sera pas au goût de tout le monde, d’autant plus que si le parfum tient inlassablement sur la peau, son sillage irisé se montre plus timide après quelques heures.

L’Attesa, en italien, veut dire « l’attente ». Mais le graal attendu n’est pas là : la chasse peut reprendre, encore une fois. Face à cet iris houblonneux et surpiqué d’ambre synthétique, l’attente est peut-être surtout celle de la disparition de ces notes pseudo-boisées… Tant ici que dans le reste de la parfumerie contemporaine d’ailleurs.

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Elokitty

par Elokitty, le 20 novembre 2019 à 19:00

Merci pour ce moment et cette critique passionnante, drôle et aiguisée !
Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas ri en lisant un article de parfum. Merci Clément :)
Je note quand même ce parfum car bien sûr je suis curieuse de sentir cette petite chose.

Signé : une perfumista qui est allée bon nombre de fois à l’Osmothèque (stages et autres conférences) juste pour re-sentir Iris Gris...

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par Duolog, le 21 novembre 2019 à 11:47

Merci à vous !
Bien sûr qu’il faut aller sentir ce parfum, certains ont eu l’air de beaucoup l’apprécier... faites-nous part de votre verdict !

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