Kenzo World
Kenzo
par Jeanne Doré, le 26 octobre 2016
Le film publicitaire réalisé par Spike Jonze pour Kenzo World a beaucoup fait parler de lui dès sa première diffusion fin août, et je dois avouer que c’est franchement une des meilleures pubs pour un parfum féminin que j’ai eu l’occasion de voir ces dernières années. Tout y est : surprise, audace, folie, second degré, humour, décalage, un ton et un rythme endiablé qui secoue bien fort l’image poétique-zen-flonflon de la marque, un peu éculée depuis Kenzo Flower et ses coquelicots dans la ville.
Margaret Qualley, fille d’Andy McDowell, ancienne danseuse et actrice (aperçue dans la série The Leftovers), est vêtue d’une robe vert émeraude et s’emmerde ferme à la table d’une remise de prix (serait-elle aux Fifis ?). Soudain, captant votre regard, elle est prise de tics du visage dignes d’un discours de remerciements de Vincent Lindon, et se lance dans ce que ma grand-mère aurait appelé une véritable “danse de saint-guy”, au son de Mutant Brain, de Sam Spiegel : tortillements, sauts, mouvements incontrôlables et courses effrénées dans les escaliers, elle finit par sauter dans un œil géant qui semble fait de fleurs en papier crépon, et finit enfin par se calmer.
Que l’on ait aimé ou pas, trouvé ou pas que ça ressemblait trop au clip de Fatboy Slim, Weapon of choice, ou à celui de Sia, Chandelier, avec presque 4 millions de vues sur youtube, on peut dire que la viralité a fonctionné, et que le clip a bien préparé le terrain pour la découverte du parfum, car après tout, c’est lui qui va se vendre, pas la vidéo !
Lorsque je regarde ce film, et que je pense odeurs, plein de choses me viennent spontanément à l’esprit : épices, agrumes, bois, notes vertes, amères, fusantes, contrastées, énergie, surprise, over-dose, multicolore, ainsi que plein de sensations kinesthésiques : impact, force, fluidité, rythme, chaleur… on projette dans notre bulbe ce que nos yeux nous renvoient, et là, pour le coup, il y avait matière à imaginer un sacré parfum.
Et lorsqu’on le sent, enfin, ce parfum, on se demande bien comment toute une équipe de gens sans doute intelligents et expérimentés, sous la direction de directeurs artistiques sûrement talentueux, Carol Lim et Humberto Leon, ont pu en arriver à proposer ce floral fruité aussi créatif, contrasté et original qu’une endive à l’eau !
Kenzo World sent le melon et les fruits rouges, sur un accord floral aqueux boisé ambré du genre “fraicheur printanière”, qu’on ne peut définir autrement que générique et formaté, passé à la moulinette d’un certain nombre de tests auprès de consommatrices ciblées.
Ça sent le gros lancement pour lequel on vous donne la liberté totale sur la com (Spike Jonze, en même temps, il y a pire comme prise de risque), le flacon (allez, soyons fous, faisons un truc en forme d’œil avec une perle en or qui pendouille) mais pour le parfum, nan, désolés, va falloir d’abord nous prouver par des chiffres que tout le fric qu’on mettra dans la pub sera rentabilisé par des ventes faciles et rapides dès la sortie, sinon, ça va pas le faire. Il risque de pas rester très longtemps sur le marché s’il n’est pas assez original ? Mais on s’en fout ! C’est pas grave, on en fera un autre, Kenzo World L’Eau, Kenzo World Intense ou Kenzo World Company, peu importe, ça se vendra toujours si on paye les vendeuses pour ça.
Bref, Kenzo World est olfactivement tout l’inverse que ce que sa délicieuse vidéo nous montre, il n’est ni audacieux, ni original, ni surprenant, rien en lui n’éveille la curiosité, ni même un clivage. Il est juste chiant, déprimant et inutile, et confirme qu’en 2016, l’industrie ne lance désormais plus des parfums, mais bel et bien uniquement des campagnes, avec un jus calibré qui doit suivre derrière, sans cohérence aucune avec le discours de la dite campagne, aussi originale et audacieuse soit-elle.
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par lisa, le 5 novembre 2016 à 09:27
Bonjour tout le monde je me présente puisque je suis nouvelle même si je lis ici depuis longtemps sans oser participer...
Donc ce n’est pas très original mais j’ADORE le parfum, les parfums, par contre je n’ai pas trouvé MON parfum donc j’en teste beaucoup et en porte plusieurs...
De plus fumeuse de longue date, j’ai cessé de fumer depuis bientôt 4 ans et mon nez s’affole depuis !
En bref je me lance ici pour commenter sur world, j’avais bien sûr déjà lu tout ce que j’avais pu trouver sur ce nouveau parfum, et d’après les commentaires sur le site je ne me faisais aucune illusion, c’est pourquoi lorsque lors de ma dernière visite à la parfumerie quand j’en ai reçu un échantillon je n’étais pas impatiente de le sentir...
Donc j’ai attendu le lendemain matin pour en vaporiser seulement sur mes avant bras au cas où, et la journée est passée sans que je me lave de l’odeur, sans coup de foudre non plus, puis 2 ou 3 jours après je remets le même gros gilet de ce jour de test et il avait gardé la trace ! Et là par contre j’ai eu envie de recommencer ! Donc j’en ai mis dans le cou et pfft plus rien flacon vide ! Je soupçonne qu’il n’était pas plein mais bon là je suis frustrée et j’ai ENCORE envie d’essayer ! Alors peut-être que la 3è fois il va m’écoeurer mais je ne pense pas, après ce ne sera sans doute pas LUI le parfum de ma vie, mais finalement je le trouve plutôt agréable, il a une qualité c’est de ne pas ressembler à tous les derniers sortis, mais je redis mon nez est devenu un peu fou alors....☺
par Marquise, le 29 octobre 2016 à 23:10
Testé sur échantillon...ne semble pas coller à la pub, insignifiant. Il est loin le temps de "le monde est beau" et "summer" que je portais avec délectation. Le flacon est certes original, avec la symbolique de l’oeil présente dans les dernières collections, mais ce symbole ne m’évoque pas le Kenzo des débuts et son univers artistique chatoyant...et cet oeil d’inspiration égyptienne, fait-il ici référence au jasmin d’Égypte ? Il est triste de voir que certains univers qui se demarquaient des autres en parfumerie, comme en haute couture, sont devenus des terrains désormais sans âme...
par Habanita, le 28 octobre 2016 à 22:26
Personnellement je trouve le lancement vidéo immonde. Oui j’ai la dent dure, désolée.
Quant au parfum.. heuuu c’est un parfum ? Sérieusement ? Ok alors à acheter quand il est en soldes, très en soldes, et à offrir à une personne odieuse, genre la petite cousine arrogante et méprisante ou la vielle tante acariâtre qui trouve que tout va mal. Ave ce "parfum", elle verra qu’une fois de plus elle a tellement raison ;))
par del, le 28 octobre 2016 à 22:20
FK dit " Le parfum est une oeuvre d’art qui appartient au patrimoine de l’intimité" alors que penser ? J’ai en ce moment la mouillette sous le nez et l’image qui me vient est celle des retombées humides d’une bombe Air Wick. Je suis triste car j’ai une profonde affection pour son Absolue pour le soir. Vous me direz pas la même cible etc....
par sigisbée, le 28 octobre 2016 à 15:20
Bonjour,
Et bien voyez-vous, quand je vois un tel saccage du patrimoine olfactif, la barbe à papa "cacahuéttttéee", je ne peux plus... et les ah ouaisHANHAN qui vont avec........
Et je dis, "mon c.. sur la commode".
GRRRR ^^
(humour, car je me sais un peu critiqué pour mes accès de mauvaise humeur).
par del, le 28 octobre 2016 à 11:37
Bon dans le monde du parfum c’est comme dans le monde des programmes TV : il y a Télé 7 jours, Télé Z et puis Télérama...pour passer d’un monde à l’autre il faut être aidé par Auparfum et cie...
par Chanel de Lanvin, le 27 octobre 2016 à 23:47
Cela fait un bon moment que la parfumerie devient n’importe quoi,ce film publicitaire en est l’exemple même.
Seul les maisons de retraites seront heureuses de montrer cela à leurs pensionnaires,quand au parfum lui-même ....oups ....je ne me souviens plus de son nom....
par mimina, le 27 octobre 2016 à 23:46
Bonsoir,
Cette salade de fruits arrosée de grenadine et parsemée de quelques fleurs éparses me déçoit beaucoup !
Je ne comprends pas comment FK auteur de Aqua Universalis et Petit Matin (que je porte par ailleurs) a pu être complice d’une chose pareille...
Définitivement, , ce jus n’entrera pas dans les anales .
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par Jean-David, le 28 octobre 2016 à 09:52
Dans les annales, sans doute pas, mais dans les anales, qui sait ? (La galéjade était trop tentante *^_^*)
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par mimina, le 28 octobre 2016 à 23:28
effectivement , je rougis :-)))
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par Jean-David, le 27 octobre 2016 à 22:00
En résumé, en conclusion :
La direction des parfums Kenzo fait n’importe quoi.
La direction des parfums Dior fait n’importe quoi.
La direction des parfums Chanel fait n’importe quoi.
La direction des parfums Carven fait n’importe quoi.
Etc.
Or ces maisons détiennent une part du patrimoine olfactif français et mondial. Le patrimoine est en train d’être détruit. Quant aux nouvelles créations, elles n’ont, bien souvent, pas d’intérêt artistique et se montrent indignes de la tradition du parfum. Comble de cynisme, même de grands parfumeurs sont enrôlés pour contribuer à ce double drame.
Par conséquent, je voudrais que le patrimoine du parfum français fût rendu aux Français, auxquels, somme toute, il devrait appartenir en dernier ressort. C’est-à-dire que ces maisons devraient être nationalisées. Cela présenterait bien des avantages : un cahier des charges précis leur serait imposé par l’Etat, autorité de tutelle, comprenant la réédition des versions historiques et la création, entièrement subventionnée, d’oeuvres nouvelles dignes de ce nom. Aucun objectif de vente ne serait imposé ; aucune publicité coûteuse ne serait nécessaire ; seuls des messages purement informatifs seraient diffusées sur la radio de service public, récités par un speaker dont la diction fleurerait bon les années 50.
Voilà pour la politique.
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par del 7294, le 28 octobre 2016 à 11:28
Bonjour Camarade Jean-David le Parti vous remercie !
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par Jean-David, le 28 octobre 2016 à 13:38
C’est assez drôle, je le reconnais, car dans ma folle jeunesse, j’étais farouchement opposé à l’idée même de nationalisation. Mais quand il s’agit de patrimoine, j’en viens à la conclusion que l’intérêt général l’emporte sur les intérêts - et donc les égoïsmes - particuliers. Il y a bien des musées nationaux, des orchestres publics, des opéras publics, une Comédie française (établissement public)... Si un gouvernement entendait privatiser ces institutions, pour aller dans le "sens de l’histoire", il se heurterait - espérons-le - à une forte opposition populaire, parce qu’il s’agit d’art, et plus précisément du patrimoine, bien commun de la société. Si l’on soutient que le parfum est un art, que les grands parfums français constituent une part de notre patrimoine artistique, il paraît difficile d’abandonner ce domaine au marché, dont les ambitions sont naturellement autres que culturelles. Loin de moi l’idée de supprimer le secteur privé de la parfumerie : si des personnes, désireuses de faire des affaires, souhaitent créer de nouvelles enseignes et lancer incessamment d’interchangeables produits, libre à elles.
Cette nationalisation de quatre ou cinq maisons, ou du secteur parfumerie de celles-ci, aurait aussi valeur d’avertissement pour d’autres, dont la politique est plus ambivalente.
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par del 7294, le 28 octobre 2016 à 14:25
Lisant votre réponse à haute voix (parce que vous écrivez bien) à mon mari voilà spontanément sa réponse :"mais le marché de l’art existe déjà". De mon côté je continue tout doucement à découvrir de belles choses à mon rythme : ma prochaine immersion olfactivo-culturelle les oeuvres IUNX.
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par Jean-David, le 28 octobre 2016 à 14:58
Certes, le marché de l’art existe, et l’on y fait de fructueuses affaires. Il ne s’agit pas de l’abolir. Ma proposition vise seulement à extraire une partie de la production du secteur privé, afin d’assurer la protection d’un patrimoine inestimable, et de favoriser l’aide à la création, comme cela existe, par exemple, dans le domaine musical. Du reste, ces quatre ou cinq maisons emblématiques (Chanel, Dior, Yves Saint-Laurent, Caron), rendues publiques, n’en conserveraient pas moins une activité industrielle et commerciale : elles seraient, précisément, des EPIC (établissements publics industriels et commerciaux). Elles échapperaient simplement à l’obsession de la concurrence, au diktat d’une rentabilité souveraine, et leur mission serait définie par un cahier des charges contraignant, et salvateur par cela même. Cette proposition peut surprendre à première lecture, parce qu’elle nous fait subitement considérer le parfum comme une oeuvre culturelle si considérable qu’elle en devient digne d’être protégée. Je demande simplement que cette idée fasse son bonhomme de chemin, et que l’on veuille bien en peser les avantages.
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par jerryb, le 28 octobre 2016 à 15:39
Vu comme ça, c’est une très belle idée ! Bravo !
Avant de voir aussi grand, pourquoi ne pas demander à l’état d’aider de petits créateurs qui ont a cœur de défendre la création, le patrimoine du parfum en favorisant les échanges et la culture autour, les belles matières premières, le savoir faire des artisans du métier, les échanges entres les arts ? J’en connais qui ne demandent que ça ;-)) donc toute aide sur ce point serait une excellente nouvelle !
Ironie du sors, certains grands groupes, eux, vu leur influence, peuvent avoir des aides, car ils créent des emplois et font vivre des artisans, mais pour nous faire .... ce qu’ils font !!!! Et qui en profite surtout ? Le petit "Kenzo World" dans sa bulle déjantée qui aspire, aspire, aspire !!!!! STOP, on étouffe !
par del 7294, le 28 octobre 2016 à 22:02
Je reconnais la noblesse de votre pensée Monsieur.
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par Jean-David, le 29 octobre 2016 à 19:18
Très honoré que ma modeste prose ait été lue par vous à haute voix, chère Del ^ ^ !
par Farnesiano, le 2 novembre 2016 à 14:01
Bonjour, Jean-David. Heureux qu’une dynamique politique anime vos interventions sur Auparfum (ça manquait ! ) Tout débat a le mérite d’exister ne serait-ce que pour amener des idées neuves, récolter des suggestions, aiguiser et nuancer les perceptions des uns et des autres dans d’innombrables domaines. Là où je ne vous suis pas, c’est quand vous décriez la maison Chanel et la fourrez dans la même corbeille que Dior, Kenzo et Carven. (Pour la part, je suis heureux de retrouver, mêmes déformés, quelques Carven. Dans un même mouvement, j’aimerais retrouver les vieux Rochas, Balmain et autres Balenciaga).
Non, la direction des parfums Chanel ne fait pas n’importe pas quoi. Si Bleu m’a laissé de marbre, et presque repoussé malgré l’équilibre de sa composition, le sympathique Boy et surtout le divin Misia m’ont conquis au-delà de mes espérances. Laissons au fils Polge, créateur des splendides Dior Homme, Midnight in Paris, Spice Bomb, Cuir Beluga, et du trop peu vanté Power de Kenzo, à l’intrigant sillage, trouver sa voie, peaufiner son style et renouveler l’esprit de cette vénérable maison.
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Bonjour à tous,
J’ai longtemps hésité à m’inscrire sur ce site n’étant que néophyte...
Mais voilà mon expérience sur ce parfum est tellement différente de celle décrite ici que je me suis décidée.
En fait pour commencer j’ai senti ce parfum avant d’avoir vu sa publicité donc je n’ai pas été déçue d’un quelconque décalage entre le parfum et son lancement (car je suis totalement d’accord pour dire que le parfum ne correspond pas du tout à ce qu’on voudrait nous faire croire, on sent que le marketing est passé à côté de l’esprit de ce parfum).
Lors des premières minutes je trouve ce parfum dérangeant, chimique, bref vraiment puant ! Les 5-10 premières minutes il me donne la nausée en fait, mais c’est après que quelque chose se passe... Le parfum perd un peu cet aspect chimique (type parfumerie de très bas de gamme) et sa personnalité se révèle : il est étrange et unique. Il garde toujours un petit quelque chose de "dérangeant" mais dans le bon sens du terme cette fois (et je pense que c’est ce qui a poussé les gens du marketing à faire un lancement de ce type) il installe une ambiance (à condition d’avoir la main légère je vous l’accorde). Il me fait penser à deux images très différentes : le tout début du mouvement punk (il aurait si bien collé à la peau de Parti Smith) et les tableaux de René Magritte (j’imagine ce parfum embaumer l’air de La rencontre).
Je comprends qu’on puisse détester ce parfum (que ce soit pour les notes de tête ou même pour son aspect cynique) mais il a le mérite de se différencier de tout les patchoufruit et fleuris sans âme qu’on nous sert à toutes les sauces. Ce parfum est original et à une âme, et je trouve que c’est déjà beaucoup dans le contexte actuel.
Je profite de ce message pour vous dire toute mon admiration pour votre site ! Quel plume !
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