Iris cendré
Naomi Goodsir
- Marque : Naomi Goodsir
- Année : 2015
- Créé par : Julien Rasquinet
- Genre : Féminin - Masculin
- Famille : Florale
- Style : Classique - Pointu
Beauté gothique
par Olivier R.P. David, le 8 août 2019
Julien Rasquinet signe une beauté gothique qui incite à se repencher sur les grands noms de l’iris en parfumerie.
Au premier abord, le souffle transparent de la bergamote, puis le courant chaud d’une mandarine, immédiatement contrebalancé par les cristaux du camphre glacial. Le passage simultané entre les feux brûlants et le froid polaire se poursuivra tout au long de l’évaporation du parfum, comme une navigation entre Charybde et Scylla. Mais bientôt apparaît le Roi-rhizome, hautain, le regard dur d’un visage minéral, marchant à pas lents sur un tapis de cendres. L’iris s’avance dans la lumière froide de quelques fleurs blanches, bleutées par la violette. Ses pieds foulent les restes encore fumants d’une fournaise en extinction, encore grésillante d’épices calcinées, qui laisse s’échapper quelques volutes grises d’un riche tabac ambré expirant au fond de son foyer. Une beauté gothique qui incite à se repencher sur les grands noms de l’iris en parfumerie.
L’iris est une matière bipolaire, il vous laisse toujours le doute sur son humeur, chaude ou froide. Iris cendré laisse vivre cette ambivalence comme ces illustres ainés dans la famille. Iris gris pour Jacques Fath, accord futuriste de Vincent Roubert qui pose sa majesté iris sur un trône de chypre doublé d’œillet, et donne un souple mouvement à cette puissance hiératique avec une pêche chaleureuse. Son fils spirituel est le non moins titanesque Iris Silver Mist pour Serge Lutens où Maurice Roucel remplace le fruit duveteux par la graine de carotte et où l’Orivone, molécule irisée quelque peu rugueuse et brutale, prend le rôle de l’œillet. La douceur crémeuse de l’Iris gris est changée en une interprétation humide, paludéenne, d’un iris isolé dans sa brume d’argent au milieu d’un marécage.
Dans le style hautain et lumineux de la maison Chanel, voici N°19, où Henri Robert fait un triomphe aux notes poudrées en enlaçant l’iris de rose et de muguet radieux, il lui pose un sourire de galbanum et le porte sur un grand carrosse de bois. Jacques Polge, toujours chez Chanel, a réalisé une interprétation de ce classique avec La Pausa, où le galbanum est remplacé par les notes liquoreuses et poirées de la graine d’ambrette, tandis que le cœur d’iris occupe toute la scène sur un fond de muscs radieux. On trouvera par ailleurs une traduction radicale du N°19, après calcination, avec L’Attesa de Masque Milano par Luca Maffei qui reprend son schéma mais en l’assombrissant de fumerolles noires.
Pour Iris cendré, l’illustre ancêtre est à chercher ailleurs, et c’est peut-être finalement Cuir de Russie d’Ernest Beaux pour Chanel qui constitue l’aïeul le plus en ligne directe. Lui qui porte la dualité d’une rudesse suave avec son goudron de bouleau de cuir Cosaque assoupli de jasmin et d’aldéhydes. Le rude soldat est en effet transfiguré en lettré de salon à samovar par les notes poudrées de l’iris aristocratique. Iris cendré, comme son illustre parent, donne à sentir que le comble du raffinement n’est pas dans une préciosité vétilleuse, mais dans un franc parlé quelquefois cavalier mais sincère et bienveillant.
Eau de parfum, 140 euros/50ml.
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par Farnesiano, le 11 août 2019 à 20:53
Mille mercis, Olivier R. P. David, pour cette critique aussi subtile que parfaite de mon Naomi Goodsir préféré, que je vois enfin évalué sur Auparfum, et bravo pour l’évocation panoramique de cette fleur qui a suscité tant de chefs-d’œuvre. L’Heure Exquise, Bois d’Iris de The Different Company, Iris Bleu Gris et quelques autres compléteraient sans peine à mes yeux la liste que vous avez dressée amoureusement. Pour ma part, c’est par le bel Hiris d’Hermès que je suis entré dans cette noble et singulière " famille ". Si la violette et surtout l’œillet peuvent semblent désuets à de jeunes narines, qui aujourd’hui résisterait à la magie d’un nuage délicatement irisé ? L’Iris Cendré ose lui un incroyable décalage d’avec les iris traditionnels cités plus haut. Tantôt rude, tantôt enjôleur, il vous isole dans un nuage compact et addictif. Sublime suffocation contemporaine qui me rappelle celle qu’avait déclenchée chez moi, avec d’autres matières et d’autres couleurs, l’étonnant Cuir Velours du même Julien Rasquinet (parfum dont le Daim Blond actuel semble aujourd’hui une mauvaise et synthétique copie). Et vive l’iris !
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par Passacaille, le 12 août 2019 à 15:35
Merci Farnesiano pour ces gentils mots et vos ressentis sur une famille de parfum qui me parle tout particulièrement.
C’est amusant car le bel Hiris d’Olivia pour Hermès est un parfum que j’ai mis beaucoup de temps à apprécier pleinement (il y a un an à peu près) et quelques mois après, Olivia sortais son parfum "Talc" pour IUNX qui poursuit ses explorations de l’iris.
Je l’ai su assez récemment, mais mon premier contact avec l’iris c’est par N°19 que je l’ai eu, dès ma naissance. La meilleure amie de ma maman, la douce Françoise, a toujours porté N°19. Toujours élégante, vive, pleine d’humour, enjouée et bonne vivante, son parfum était synonyme de joie, de sourire et de gentillesse qu’elle diffusait, et qu’elle diffuse toujours ! Venue me voir à ma naissance, toute mon enfance, ou quand mes parents l’invitent à la maison, toujours ce parfum si beau, elle m’a dit seulement il y a quelques années son nom, le 19, "mon 19" comme elle dit :)
Belle journée irisée à vous :)
par jovi, le 9 août 2019 à 11:10
Cher Olivier, merci pour ce très bel article sur Iris cendré qui est mon 1er coup de coeur chez Naomi Goodsir (juste avant nuit de bakélite), même si je lui préfère Iris sylver mist qui pour moi est sans égale. J’ai aussi eu l’occasion d’essayer L’Attesa qui est aussi vraiment très beau bref vous l’aurez compris j’aime l’iris dommage je n’ai jamais pu mettre la main sur le célèbre vintage Iris grey de Jacques Fath qui a été "recréé" par Maelstrom il y a 1 an si je ne me trompe pas. Avez-vous essayé Niral de Bertrand Duchaufour pour Neela Veimere ? J’en ai beaucoup entendu parlé mais là aussi pas encore pu mettre le nez parfum très coûteux et pas facile à trouver.
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par euskalpyth, le 9 août 2019 à 12:28
Pour sentir Iris gris de Fath, si vous êtes en région parisienne, faites un saut à l’Osmothèque, à Versailles, à l’occasion d’une conférence où lors de journées portes ouvertes : vous aurez la possibilité de découvrir ce monument de la parfumerie, et c’est un délice !
Et pour les actuels, moi qui ne suis pas fan d’iris, si je devais en choisir un, ça serait Iris de nuit de Heeley : si vous ne le connaissez pas, allez y jeter une narine, c’est pour moi le plus beau, avec son côté boisé qui le rend unique -
Et merci Olivier pour ce bel article !
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par jovi, le 9 août 2019 à 13:57
Malheureusement je me rends que rarement dans la capitale mais c’est une bonne idée merci du conseil euskalpyth si j’ai l’occasion j’irais. Iris de nuit d’Heeley j’ai eu l’occasion de le porter effectivement il est très élégant et un vrai plaisir à porter même si c’est pas mon préféré mais il est digne d’un achat, un autre iris que je n’ai pas encore pu y mettre le nez l’heure promise de cartier, une merveilleuse critique qui me fait rêver lui a été consacré sur auparfum.
par Passacaille, le 12 août 2019 à 15:44
Coucou Pyth, bien heureux de revenir ici, et de te lire :)
Comme pour Niral, je vais programmer une visite chez Jovoy pour sentir le Heeley dont je me souviens mal !
A très bientôt, plein de bises :)
par Passacaille, le 12 août 2019 à 15:41
Merci beaucoup jovi, je suis comme vous, je garde Iris Silver Mist à une place spéciale dans mon cœur. La reconstruction d’Iris Gris, avec le nom Iris de Fath est merveilleuse, j’ai eu la chance de le sentir plusieurs fois, ça reste entre nous, mais je trouve cette version moderne encore plus belle et structurée que son ancêtre :)
Mais si vous pouvez venir à Versailles, programmez une visite à l’Osmothèque, pour sentir le superbe Iris Gris, et profitez en pour demander aussi Doblis (un très beau cuir) Vent Vert et autres gloires disparues...
Je vais suivre votre conseil pour Niral, je le connais pas, honte à moi, on en reparle ensuite !
Belle journée à vous.
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par jovi, le 13 août 2019 à 20:46
Cher Passacaille, je suis heureux de rencontrer un autre adepte du culte de la déesse Iris Silver Mist.
J’espère bientôt faire une visite sur Paris pour jeter un oeil sur lris grey à l’Osmothèque mais je ne sais pas si je pourrais faire un jour la comparaison avec l’Iris de Fath.
Bien sûre j’en profiterais pour découvrir les anciennes gloires.
Ce serait super sympa d’avoir votre avis sur Niral si vous pouvez.
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par Don SALUSTE, le 11 juin 2022 à 09:52
Étrange, l’ayant senti encore hier chez Lutens, Iris Silver Mist, je passe vraiment à côté. J’accroche pas à cette odeur de carotte fraiche, que j’apprécie pourtant culinairement, mais pas en parfumerie...Et j’adore l’Iris ! Je trouve que Dior avait d’ailleurs réussi son parfum masculin de belle façon (Dior Homme parfum et intense) Je vais donc tenter cet iris cendré !
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par Petrichor, le 11 juin 2022 à 22:04
Iris silver mist : J’ai eu la même déception les premières fois. Ni choqué, ni charmé, juste l’incompréhension et la déception de mes attentes.
Puis j’ai racheté un fond de flacon cloche d’occasion, où le jus avait du se condenser un peu. Et bam ! Ce fut la révélation. La radiance, l’onctuosité beurrée à l’infini, cette propreté altière qui semble venir d’un autre monde, ces petites nuances d’anis et de violette, et ce fond de benjoin qui a parfois la patine du chocolat blanc. Aux oubliettes les souvenirs grisâtres de carotte triste, de la touche de papier imprégnée à l’avance.
En fait il faut s’en vaporiser 3 fois sur le tissu (une manche). Or le protocole de la touche trempée est un frein, chez Lutens, pour les flacons cloches comme ISM. A l’époque où ISM était aussi proposé en "vapo tout noir" 2 x 30ml pour 120ml, et le problème était résolu. Ils ont arrêté cette version. (A l’époque, voire un de mes parfums préférés proposé en "vapo tout noir", ça m’avait consolé de la hausse des prix des autres).
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par Farnesiano, le 12 juin 2022 à 07:53
C’est la version que je possède, en vapos cylindriques de 30 ml, contenus dans leur étuis polygonaux noirs. Après tant d’années, le jus est resté magnifique !
J’aime beaucoup les images auxquelles vous recourez pour le décrire : propreté altière qui semblant venir d’un autre monde + patine du chocolat blanc : c’est exactement cela. Le côté carotte se fait vite oublier... Je ne citerai pas ici les différentes matières et les nuances de couleurs que m’évoque cet iris, ce serait trop long...
J’ai pris l’habitude depuis longtemps de privilégier la vaporisation sur le tissu à l’intégrale sur peau. Les deux manières se complètent, certes, mais l’étoffe garde le parfum plus longtemps, et ma foi très souvent fidèlement.
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Comme ISM, Ca sent bon, mais ça sent rien ! Ca fait cher le parfum que vous sentirez qu’en collant le nez à la peau ! Et la tenue n’est pas beaucoup plus folle que le sillage !
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par Des Esseintes, le 10 juin 2022 à 12:06
Étonnant commentaire… J’ai porté « Iris cendré » et je porte « Iris Silver Mist » : dans les deux cas, je puis vous assurer que sillage et tenue sont au rendez-vous !
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par Farnesiano, le 10 juin 2022 à 17:27
Bonsoir,
Je plussoie, pour Iris cendré en tout cas, à la tenue impeccable et au sillage appréciable, certes moins puissant que celui de Kouros ;-), ce dernier toujours phénoménal malgré les reformulations !
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