1000
Jean Patou
- Marque : Jean Patou
- Année : 1972
- Créé par : Jean Kerleo
- Genre : Féminin
- Famille : Chypre
- Style : Chic - Classique - Élégant
Anti-bling
par Thomas Dominguès (Opium), le 26 mars 2013
Plus de quarante ans après avoir osé le "parfum le plus cher du monde", en 1930, un an après le début de la première crise financière, Jean Patou a souhaité proposer à nouveau un parfum qui serait l’expression du raffinement et du luxe.
Ainsi, le floral grandiose autour de l’accord ultra classique de rose et de jasmin de Joy laisse place, en 1972, à une fragrance toujours florale, mais boisée-chyprée : famille la plus aristocratique de la parfumerie.
Ce chypre floral vert mêle les contrastes : dès les premiers instants, à la douceur de la fleur d’osmanthus de Chine qui sent l’abricot duveteux, la rugosité du patchouli terreux et poussiéreux ; au classicisme de la verdeur des chypres historiques, le mordant de la feuille de violette croquante hésitant entre odeurs de petit pois cru et de peau de concombre humide.
Si le choix créatif est celui d’un luxe sensible des matériaux, le parti pris classique, sans ostentation, ne se veut en aucun cas radical.
L’essor se fait autour d’une sensation immédiatement poudrée, verte, tout en subtilité. La rencontre entre l’osmanthus abricoté et les feuilles de violettes au vert à peine incisif n’est pas sans rappeler l’émouvante étreinte de Dans Tes Bras. La verdeur des feuilles de violettes est policée par les pétales doux violacés de leur corolle qu’elles enlacent, dans un bel élan, en même temps que la rose et le jasmin.
Cette impression de délicatesse ne se démentira pas durant toute l’évolution au charme subtil et printanier.
Une sensation de foin et de pollen, secs et poudrés, proche de la cassie ou du mimosa me vient à l’esprit, bien que cela ne soit pas indiqué dans les pyramides disponibles ; peut-être est-ce dû à de l’iris ou aux (feuilles de) violettes.
Ce parfum, s’il est assez majestueux, sait se faire également plutôt translucide et lumineux, éclairé comme une fraîche journée de printemps, où les odeurs de la nature réapparaissent à peine après des mois de mise au silence. A peine sera-t-il assombri par le patchouli et les bois, santal, vétiver et mousse de chêne, qui obscurcissent, par leurs branches, l’impression éclatante qui s’en dégage, tout en finesse, telle une caresse dans un gant de velours.
1000 est moelleux, ultra confortable, extrêmement féminin. Il s’assouplit au contact de celle(/celui) qui le porte. Bien que les matériaux entrant dans sa composition aient un peu diminué avec les années (et la reprise par Procter & Gamble), il reste d’une beauté saisissante un peu solennelle sans être altière.
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par moujik4, le 30 mars 2013 à 23:49
Merci Opium pour cette critique :-) J’aime beaucoup 1000 que j’ai dans ma collection et que je porte régulièrement. Il est pour moi tout à fait mixte comme d’autres chyprés que tu as cités d’ailleurs. Je trouve ce mélange fleuri/vert/boisé extrêmement complexe, subtil et raffiné. Il est tenace sans être envahissant, bref c’est une belle réussite. Je suis curieux de sentir la réédition...
Dans la même catégorie je citerai Balmain de Balmain que j’adore aussi, tu le connais Opium ? et aussi Miss Dior (l’original) dont tu as parlé que je trouve plus animal et qui est superbe sur un garçon aussi.
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par Opium, le 4 avril 2013 à 22:09
Bonsoir Moujik4.
1000 méritait bien sa critique, elle a été rédigée avec plaisir.
C’est qu’il est encore bien beau le bougre !
Comme nombre de chypres, plutôt pas trop fruités, l’androgynie / la mixité est plus que patente. Ce sujet a été abordé récemment à propos de Miss Dior en effet. C’est vrai que son animalité est bien plus franche et directe que celle de 1000. Dans ce dernier, de douces notes miellées se font animales après plusieurs heures. Dans Miss Dior, c’est immédiatement sensible, en tous les cas dans sa version actuelle.
Comparativement à ce dernier, ou à Paloma Picasso, Private Collection, Jean-Louis Scherrer, Cabochard et quelques autres, j’ai tendance à trouver 1000 plus rond, plus confortable par son nuage poudré, plus chaleureux, plus féminin en quelque sorte que ces quelques autres. Plus accessible aussi, plus "maternel" presque, par sa douceur. Prochainement, certains de ces "oldies but goodies" devraient faire leur apparition sur auparfum. ;)
Je ne connais pas Balmain de Balmain ou pas bien en tous les cas. Le flacon me dit bien quelque chose pourtant. J’en ai vu aussi une miniature cette semaine dans une brocante, mais, j’ai été raisonnable et n’ai craqué sur rien. #sage
J’ai dû le sentir une fois, mais lors d’un sniffathon endiablé ne m’ayant pas offert suffisamment de latitude pour correctement me pencher dessus. Je tenterai de le faire si j’ai l’occasion de le voir/sentir un de ces jours.
Je suis toujours content de savoir qu’un article a une certaine utilité. ;-)
A bientôt.
Opium
par ericgmd, le 30 mars 2013 à 17:08
Bonjour, Procter and Gamble avait vraiment aneanti beaucoup de marques dernierement dont Rochas et Jean Patou (au profit de nouveautes Hugo Boss laids et insipides)
Mais ce qui est encourageant pour la marque Jean Patou est le fait que P&G l’a revendue au groupe Designer Parfums qui relance des marques oubliees dont Jean patou et Yohji Yamamoto entre autres.
Bien sur les reformulations seront inevitables mais il parait que le groupe Designer Parfums souhaite garder des ingredients naturels et redonner a Jean Patou un cachet un peu plus prestigieux du point de vue distribution.
A vrai dire j’aurais souhaite’ que Rochas soit revendu aussi. Mais ce n’est pas le cas malheureusement. Rochas comprend des parfums inoubliables dont Mystere et Alchimie et la marque est pratiquement introuvable en magasin ici aux USA. C’est malheureux qu’une marque jadis aussi creative et prestigieuse reste sous le controle de P&G et qu’elle soit diminuee a ce point !
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par Opium, le 4 avril 2013 à 22:02
Bonsoir Ericgmd.
Il semble que pour Patou, Chaldée, en cours de résurrection, même si un peu plus dilué peut-être, paraît être assez proche de sa version passée.
J’ai adoré, à la fin des années 90 le parfum de Yohji Yamamoto dans son long flacon, qu’un ami portait. Lorsque je me suis replongé dans ma passion des parfums il y a un peu plus de deux ans, je me souviens avoir été dépité en apprenant qu’il n’existait plus.
Tout comme n’existe plus Lui de Rochas, un boisé épicé ambré avec un assez fort caractère. Aussi vite arrêté qu’il avait été lancé.
Rochas a probablement été une marque conservée par P&G car Femme doit, avec ses fidèles, rester une vache à lait / poule aux œufs d’or trop rentable(s) pour la/les laisser filer...
Quant à ce qu’ils avaient fait, ou ont fait, de plusieurs marques, cela en est déprimant tant c’est un cliché. Des lessiviers incapables de faire du luxe. Qui s’en étonne ? Triste, mais si prévisible. Bon débarras. Qu’ils s’occupent des mousses à raser et lessives détournées enflaconnés dans des flacons en verre vendus à une cinquantaine d’euros, ça, c’est leur "vrai" métier. :(
Bonne soirée.
Opium
par PoisonFlower, le 27 mars 2013 à 22:01
Je le connais mal, je l’avais essayé sur touche à quelques reprises il y a une dizaine d’années, mais je n’en garde que peu de souvenirs, je crois que je suis vraiment passé à côté...
Cela dit, depuis que je sais qu’il s’est attiré les faveurs de deux actrices que j’adore, Anjelica Huston* et Kristin Scott Thomas, je me dis qu’il faut absolument que je le redécouvre : un parfum apprécié par deux actrices aussi intelligentes et charismatiques ne peut que me plaire !
* Anjelica Huston, qu’il faut notamment voir dans L’honneur des Prizzi derrière la caméra de son père, Crimes et délits et Meurtre mystérieux à Manhattan, tous deux signés de Woody Allen, films dans lesquels elle campe dans des registres différents et avec une classe qui n’appartient qu’à elle les brunes ténébreuses, pour ne pas dire fatales : il s’agit de rôles secondaires, mais son personnage et la façon dont elle l’interprète sont à chaque fois mémorables !
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par Opium, le 28 mars 2013 à 21:25
Bonsoir PoisonFlower.
Il faut un charisme certain, voire un certain culot et/ou une assez forte personnalité, pour oser ce type de parfums. Viendront rapidement d’autres parfums qui exigent, je crois, encore plus de panache... ;)
Re-teste 1000 quand tu en auras l’occasion, pendant ce temps-là, je tâcherai de me replonger dans les cinématographies de Anjelica Huston et Kristin Scott Thomas que j’adore également. ^^
A bientôt.
Opium
par DOMfromBE, le 27 mars 2013 à 18:37
Que de souvenirs sur 1OOO, en toutes saisons. L’hiver dans les cols et l’été sous le soleil.
J’ai encore le flacon rechargeable d’eau de toilette qui fut mon premier achat au début des années 90. Et je l’ai régulièrement porte jusqu’à sa disparition du marché belge.
L’an dernier j’avais trouvé un flacon "production P&G" et, défaut de ma mémoire ou plus probablement altération de la formule sur l’autel de la rentabilité, le charme n’opérait plus.
J’attends impatiemment un nouvel arrivage comme il a changé de propriétaire et le réveil de ce merveilleux androgyne altier endormi. Il m’évoque tellement d’images en noir et blanc d’une époque évanouie, associé dans mes petits neurones et fantasmes à la période où il a vu le jour, le Paris des années Pompidou, entre grandes bourgeoises et demi-mondaines ...
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par Opium, le 27 mars 2013 à 21:24
Bonsoir Dominique.
Que de souvenirs donc !
Beaux choix de mots pour évoquer 1000 : "merveilleux androgyne altier endormi". Il est vrai que, souvent, les chypres, par leur posture un peu froide, distante, évoquent une certaine forme d’androgynie. Il y en a quelques autres qui sont également très androgynes pour moi, et que des chypres cuirés ou verts : Jean-Louis Scherrer, Private Collection ou Miss Dior (L’Originale) qui, dans son état actuel, c’est ce que l’on se dit souvent avec des ami(e)s perfumistas, est bien plus masculine que dans le passé. Je considère même ce dernier parfum, aujourd’hui, avec ses notes boisées, aromatiques et épicées par le poivre, sans radoucissement par la mousse de chêne qui "arrondissait les angles", comme presque aussi masculin que le Vétiver de Guerlain.
Merci pour le commentaire et l’évocation de ces photos mentales en N&B du passé, presque tirées d’un calendrier ou d’un album Cartier-Bresson. Bonnes futures retrouvailles... ;)
Bonne soirée.
Opium
par danae8383, le 26 mars 2013 à 21:11
merci pour ce joli texte Opium, et merci de parler enfin d’un Patou sur auparfum !!
Cette maison que l’on trouvait dans toutes les parfumeries il y a une vingtaine d’années se fait trop discrète à présent, alors qu’elle recèle des pépites olfactives !! petit brun de nostalgie pour moi car mes premières découvertes parfumées lorsque j’étais enfant étaient des Jean Patou, et c’était chez ma grand-mère.
Merci encore de réveiller pour moi une part d’enfance, et plus encore, mes débuts dans l’univers merveilleux de la féminité !!!
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par Opium, le 27 mars 2013 à 21:14
Bonsoir Danae8383.
Merci pour ces jolis mots et compliments. ;)
Je suis content de parvenir à réveiller certains souvenirs, dont ceux des "tout-débuts".
J’ai eu très envie, lors de l’élaboration de cette petite série d’articles en cours, de discuter de ce 1000 qui fait souvent place, dans la mémoire de la plupart des gens, à sa grande sœur, Joy. Mais, alors que l’envie de parler de ce parfait duo entre jasmin et rose ne m’inspirait rien d’autre que les mots que je viens d’écrire à l’instant, 1000 "me parlait bien davantage".
La marque Jean Patou recèle, effectivement, de vraies pépites, dont certaines vont réapparaître très bientôt. Tant mieux. ;)
Danae8383 : bon flashback nostalgique avec 1000...
A bientôt.
Opium
par Yohan Cervi (Newyorker), le 26 mars 2013 à 21:07
Un grand parfum qui a retrouvé ses lettres de noblesse grâce au travail de Thomas Fontaine. Je le trouve plein de panache, et tout comme Mitsouko, presque parfaitement mixte. Il pétille comme un champagne pour moi et me rappelle d’ailleurs le Saint Laurent, je pense que c’est la note Osmanthus et le fond chypré boisé qui me font cet effet. C’est ça un grand parfum, complexe, évolutif, profond...Je ne me lasse pas de le sentir et le ressentir tant il est grisant. Jicky m’avait aussi parlé de l’effet "Dans tes Bras", j’avoue avoir été assez dubitatif au début, mais maintenant je comprends la filiation. Je n’avais jamais perçu la violette dans 1000.
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par Opium, le 27 mars 2013 à 21:07
Bonsoir Newyorker.
Je n’avais pas fait le rapprochement avec Champagne/Yvresse, mais, il est vrai qu’il y a quelque chose de similaire dans cet "abricot pétillant et
duveteux"...
1000 a quelques chose de réjouissant, je suis bien d’accord. Par rapport à d’autres "rétros-chypres" (terme utilisé pour les distinguer des "néo-chypres", dont certains vont bientôt trouver leur place ici) qui sont très altiers, orgueilleux, droits et fiers au possible, celui-ci, bien que tout cela, possède une certaine douceur, un moelleux, une cambrure ou courbure en somme, qui en fait aussi un objet délicat et confortable, quelque chose de "maternant" ou "maternel".
Lui, j’ai craqué dessus en le testant de manière répétée.
La feuille de violette, imperceptible pour moi également au début (tout comme le vétiver dans Habanita durant près d’un an, puis, quand je l’ai "capté" ("détecté"), je n’ai plus senti que cela, enfin, presque...), rappelle vraiment l’étreinte chaude de Dans Tes Bras, comparaison que Jicky faisait sans que je parvienne à le suivre, jusqu’au déclic qui a eu lieu récemment. Ces deux parfums semblent communiquer l’un avec l’autre à une génération d’intervalle.
Profite bien de ce "grand parfum, complexe, évolutif, profond", tu as bien raison.
A très vite... ^^
Opium
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