Ylang 49

"Ylang 49" : Est-ce l’anagramme d’un mot à placer dans une grille ? Une combinaison à décrypter issue d’un test de logique ? Le nom d’une matière et son année de production, comme un crû pour un vin ? (Pas tout jeune dans ce cas l’ylang...)
Que cela peut-il donc bien signifier ?
L’un des deux lancements en 2013, à côté de Lys 41, de la marque Le Labo, qui a pris pour habitude d’intituler ses parfums d’une suite comprenant le nom de la matière la plus représentée suivi du nombre de composants total.

En guise d’ylang, un jet terreux en plein visage évoque Mon Parfum Chéri avec la sensation d’avoir les mains pleines de terre après une après-midi au jardin.
L’effet botanique initial est proche de l’univers bucolique de la marque Sisley. L’Impression, apothicaire et rétro, est presque médicinale par des notes vertes menthées et légèrement camphrées d’un patchouli dense si franc et terreux qu’il virerait à l’encre noire.
Aromatics Elixir, dans une version plus rude encore que l’original, et son chypré nourrit de fruits, est l’impression figurée le plus nettement au bal des souvenirs.
L’ylang, lui, paraît répondre aux abonnés absents durant des heures, jusqu’à l’oubli.
Après quelques heures, l’impression entre râpeux et duveteux est rejointe de banane et de coco aux effets entre gras et beurré ; fruits exotiques assez étranges dans l’impression générale automnale de sous-bois. Ô surprise ! C’est l’ylang, enfin, qui se dévoile en transparence et éclaire d’une lumière plus intense la composition si dense qu’elle suggère les florientaux des années 80 en mémoire. Entre les ombrages du clair-obscur joué habituellement par les chypres aux teintes sombres et mates, transperce une luminosité entre jaunes et verts plus vifs et éclatants, derniers feux de rayons de soleil d’une journée qui refuse de s’achever.

Oubliez le substantif. Oubliez le nombre.
Ylang 49 ne rappelle pas particulièrement les parfums des années 40, convoquant plutôt en mémoire les années 60 à 80.
De plus, il n’évoque pas davantage le nombre 49, ni, surtout, un ensemble de 49 matières d’ailleurs. Comme dans la plupart des parfums réussis, que je reconnais souvent à ce détail, rien ne ressort nettement tant le fondu est fluide. La totalité du système prévaut sur le ressenti de chacun des éléments la composant, leur simple somme ne permettant pas d’en comprendre l’unicité dans sa globalité.
Enfin, Ylang 49 ne sent pas particulièrement l’ylang, si ce n’est dans ses effets. On y décerne donc peu telle ou telle matière, et pas davantage la principale, utile ici pour structurer ce parfum et lui apporter sa part de luminosité plutôt qu’interprète sous des projecteurs d’un monologue qui courait le risque de basculer dans le ridicule d’une caricature de cagole bronzée à l’huile sur carte postale. Les récentes déconvenues de l’Eau Mohéli chez Diptyque et d’Ylang Austral de L’Atelier Givenchy, où l’ylang, à trop capter l’attention, oublie de rendre la représentation passionnante, incitent à croire que ne sentir l’ylang qu’en filigrane est peut-être une meilleure idée.
Avec son éclatante luminosité et ses atouts fruités qui déstructurent et assouplissent l’habituelle raideur de la tenue chyprée, il est ce geste que l’on a parfois pour assouplir et apporter décontraction à un costume un peu raide à force d’être tiré à quatre épingles.
Ylang 49, n’est pas un code à déchiffrer, pas une suite des Chiffres et des Lettres.
C’est le mot de passe technique assez laid (mal choisi) et secret, le "Sésame, ouvre-toi !", qui vous permettra d’atteindre un univers parfumé foisonnant, puissant et riche qui brille de la splendeur de mille feux contrastés, nocturnes et solaires, austères et offerts, nostalgiques et enjoués.