Santal 33
Le Labo
Main de bois, gant de cuir
par Margaux Le Paih Guérin, le 14 septembre 2018
Il est des parfums propulsés par des campagnes publicitaires, des effigies ou par une marque reconnue, et qui se hissent rapidement au top des ventes. Il en est d’autres qui ne bénéficient pas de tous ces avantages, mais arrivent à s’imposer par leurs atouts olfactifs car ils osent se différencier. C’est le cas de Santal 33 chez Le Labo, marque au concept attractif désormais dans le cercle des maisons de niches « connues et reconnues ».
Santal 33 s’est imposée progressivement, mais sûrement, dans le tourbillon olfactif urbain, particulièrement de l’autre côté de l’Atlantique. « That parfume you smell everywhere » (« Le parfum que l’on sent partout »), dixit le New York Time Style Magazine. En terrasse de café, au supermarché, au détour d’une rue : à tout instant et à chaque endroit, chacun peut capter l’essence de Santal 33, porté par de nombreux citadins américains.
Frank Voelkl, parfumeur chez Firmenich à New-York, entretient une relation complice et privilégiée avec Le Labo, notamment avec son cofondateur Fabrice Penot. Pour cette marque, pas de brief, uniquement une idée de départ, un thème dans le but de sublimer une matière. C’est ce qui plaît à ce parfumeur avec, comme luxe l’absence de tout carcan marketing, la possibilité de faire ce qu’il lui plaît, en accord avec la marque. Il considère son travail pour Le Labo comme simple à comprendre et épuré, voire franc et polarisant. C’est cette patte qui a donné naissance à de nombreux autres parfums de cette enseigne : Iris 39, Benjoin 19, Musc 25, Ylang 49...
En 2011, Le Labo s’affirme avec Santal 33, parfum de peau dérivé de son parfum maison Santal 26.
Les prémices de cette composition semblent vouloir nous dévoiler l’audace de son corps. Au nez parvient un soudain effluve piquant, frais et aromatique : celui de la cardamome qui s’introduit aussi fusante que farouche, comme si elle tentait de nous faire parvenir sa facette poivrée avant que les autres notes, moins pressées, ne se dévoilent. Cette victoire de courte durée est rapidement relayée par l’arrivée d’un santal lacté et d’un cèdre légèrement terreux, terriblement sec. Des notes de synthèse impalpables vont, discrètement mais sûrement, propulser l’accord boisé en le magnifiant. Surgit alors un cuir animal, épais, tout droit sorti d’une tannerie, qui arrondit davantage l’accord. En parallèle, une facette pin va se présenter au côté d’un sillage fumé. Enfin, au milieu de cet ensemble où chaque matière est à sa place, de légères notes irisées viennent apporter leur touche d’élégance et de caractère.
Ce halo olfactif, comme une « parfaite imperfection » pour reprendre les mots de son créateur, semble affirmer « Oui, je suis de ceux qui portent Santal 33 ».
Aujourd’hui, ce sont des stars comme Justin Bieber, Emma Roberts ou Alexa Chung qui ont fait de Santal 33 leur sillage. Une belle vitrine pour ce parfum (plus tellement) confidentiel.
Santal 33, eau de parfum, 66 euros/15ml, 152 euros/50ml, 228 euros/100ml.
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par Zean, le 12 juillet 2020 à 10:03
Pour mon boulot je voyage beaucoup et comme je suis hyper attentif aux odeurs, il est assez étonnant en effet de sentir Santal 33 autant dans les bureau de l’Oréal Paris, en Chine dans les quartiers branchés de Shanghai, qu’à New-York (cela passe un peu heureusement) dans des boutiques off off Broadway dans lesquels on ne sait pas très bien s’ils ne le diffusent pas carrément en parfum d’ambiance en versant une bouteille chaque jour dans le climatiseur.
Il y a une sorte de réflexe de parfums de la niche autour de ces odeurs boisées univoques presque intégristes. A mon sens le message est clair : ces parfums sont le contrepoint parfait des parfums jugés "commerciaux". Il est très gratifiant de porter Santal 33 comme un signe fort de distinction pour dire (souvent inconsciemment) "j’en suis" : je fais partie de cette élite qui refusent le prêt à porter olfactif ou le parfum/musique d’ascenseur.
En bref, on pourrait penser que Santal 33 est l’envers du lingot de One Million. Que l’on soit totalement mainstream ou totalement à l’opposé, c’est bingo, l’argent coule à flot.
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par Caronade , le 12 juillet 2020 à 13:24
Bien observé, j’ajouterais que c’est ie genre de parfum que les anglo-américains appellent "office friendly", idéal dans un cadre professionnel car peu envahissant, ce qui personnellement me désaspère. Je connais justement une relation de travail qui porte Santal 33 : cadre sup, se maquille jamais, végane, s’habille très simplement, c’est un peu son seul truc qui sort de l’ordinaire, mais s’est quand même achetée un appartement à 2 millions de dollars dans un très chic hipster neighborhood of Brooklyn Heights. Je n’avais pas repéré son parfum, c’est elle qui m’a dit que son nouveau mec lui a achetée et elle voulait savoir ce que j’en pensais. Je ne sentais rien. Obligée de faussement de la complimenter. Certes, ça s’adresse à une élite mais ça reste très passe-partout. Pour moi le summum du chic c’est porter Narcisse Noir de Caron en extrait de parfum, George de Carine Roitfeld ou encore Tubéreuse Criminelle de Serge Lutens, des parfums un peu plus subversifs, clivants et folichons.
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par Zean, le 12 juillet 2020 à 17:15
:-)Merci pour votre réponse. Oui c’est fascinant quand un parfum devient un code social. Bois d’Argent comme Santal 33 ont touché le jackpot en trouvant (peut-être par hasard) le moyen de dire l’appartenance et la différence.
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par Caronade , le 12 juillet 2020 à 18:32
Je vous en prie Zean, merci. C’est sûr qu’ils ont trouvé leur marché, Le Labo c’est la maison de parfum par excellence des hipsters new-yorkais ou bobos comme ça se dit plus en français. Cela dit, c’est une belle maison, je n’aime pas tout, c’est varié comme partout maintenant (chez Lutens entre Nuit de cellophane et Iris silver mist il y a tout un monde). J’aime beaucoup Ylang 49 et Aldehyde 44 Dallas.
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par Farnesiano, le 12 juillet 2020 à 20:18
Ylang 49 ? Sans nul doute, le plus beau, le plus charmant de la collection !
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par Patrice, le 26 octobre 2018 à 13:06
J’ai toujours été étonné du succès quasi inexplicable de Santal 33 (mais plutôt étonné dans le bon sens du terme ! ). Car ce qui me saute au nez, en dehors de ce santal un peu vert et glauque qui se déguise en figue, c’est ce cuir porté par une note extrêmement sale de costus que je ne vois pas citée dans l’article étonnamment ! Mais visiblement... ça passe au nez des consommateurs alors que c’est l’une des notes animales les plus difficiles à mon sens.
par ghost7sam, le 15 septembre 2018 à 21:22
Me donne envie de le sentir à nouveau, car pour moi ce parfum a toujours été un santal certes, mais surtout avec une grosse figue au milieu !
Il est vendu effectivement comme un cuir, pour avoir entendu du staff en parler ainsi, mais cette facette m’a échappé.
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par Margaux Le Paih Guérin, le 21 septembre 2018 à 09:26
En effet, il est toujours intéressant de sentir plusieurs fois un parfum afin de bien le connaître. En fonction de l’endroit ou de l’humeur dans lequel nous découvrons un parfum, nos impressions peuvent être différentes. Pour ma part, la première fois que j’ai senti ce parfum, la facette cuir m’est apparue très rapidement, et de manière assez imposante. Si vous le sentez à nouveau, n’hésitez pas à nous transmettre vos secondes impressions !
par jlou, le 14 septembre 2018 à 22:08
(effluve : nom masculin)
bien cordialement.
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par Jeanne Doré, le 15 septembre 2018 à 15:48
Merci Jlou, on a beau le savoir, il nous échappe parfois... un grand classique des pièges du lexique olfactif !
par Duolog, le 14 septembre 2018 à 16:35
On trouve même, aux USA, une lessive Santal 33... Pas exactement au prix du Le Chat machine, mais il y a de quoi être curieux !
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par Garance, le 16 septembre 2018 à 09:45
J’ai senti à nouveau après avoir lu la critique le petit échantillon donné au stand Le Labo lors de mon dernier voyage parisien... Et après nouvel essai, ce sont toujours les mêmes impressions : j’ai normalement un amour immodéré pour le santal, qui me procure une impression de réconfort infini, par son aspect lacté, chaleureux et sensuel. Par exemple, des parfums comme Tam Dao, Samsara, ou encore Egoïste suscitent ces sentiments et ces sensations, que ce soit moi ou les autres qui les portent. En sentant pour la première fois Santal 33, c’est donc à ce déferlement de douceur sensuelle que je m’attendais... Eh bien, il n’en est rien. Je trouve que ce parfum a un aspect piquant, raide. Alors que le santal a pour moi un côté très féminin (oui, j’adore Egoïste, je ne le porte pas, mais je trouve qu’il serait superbe sur une femme), le parfum Santal 33 n’a rien d’alangui, de rond ou de moelleux, comme les parfums que j’ai cités plus haut.
Est-ce que pour autant je le trouve mauvais ? Non, mais je ne parviens pas à l’apprécier, tant il existe un décalage entre mes attentes et la réalité du parfum.
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par diasita, le 17 septembre 2018 à 15:28
Je pense que l’étais la seule à avoir cette sensation.
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par latulipe, le 17 septembre 2018 à 18:47
Je ne l’aime pas beaucoup aussi... en revanche je sens bien le cuir personnellement.
Mais rien de très sensuel ni rassurant dans ce santal, et je dois dire que je trouve le prix plutôt injustifié...
par Margaux Le Paih Guérin, le 21 septembre 2018 à 09:27
Santal 33 rend discrète sa facette lactée au profit de notes bien moins rondes, masculines, que certaines personnes peuvent trouver raides. Contrairement à Samsara, Tam Dao ou Égoïste, ce parfum s’impose comme une rupture par l’absence de notes sensuelles comme les épices chaudes, les fleurs ou encore les notes baumées.
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par Garance, le 22 septembre 2018 à 17:39
Je comprends bien cette volonté de rupture, et l’originalité du parfum : d’ailleurs, comme je l’ai écrit plus haut, je ne le trouve pas laid, il est intéressant. Mais... Il faudra que je le teste encore à nouveau, afin de dépasser mon horizon d’attente, qui effectivement associe toujours le santal à une rondeur lactée. C’est d’autant moins facile que le santal est une matière que j’aime particulièrement.
Nez inexpert
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Voilà trois parfums du labo que j’essaie, soit Matcha 26, Thé noir 29 et Santal 33. Suis-je la seule à trouver que ces trois parfums sont noyés dans les muscs ? Trois fois sur trois, il faut s’approcher pour sentir la complexité de ces parfums au delà de leur épaisse barrière de muscs.
Ainsi, de près, Santal 33 aurait pu s’appeler Cuir 33. Un cuir doux et légèrement animal, certes, mais autour de moi le musc virevolte. Pareillement, il faut se coller le nez sur la peau pour sentir les beaux bois de Thé Noir 29 ou la note verte crissante de Matcha 26, tout enrobés qu’ils ont de muscs et, dans ces deux derniers cas, d’une même confiture de fruits.
Je comprends l’attrait pour cette maison, mais pour moi aucun coup de cœur...
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