Guerlain, Chanel : grandeur et grosses dépenses
par Jeanne Doré, le 23 septembre 2016
Vous commencez à vous en rendre compte, le marché de la parfumerie semble poursuivre depuis quelques années deux voies opposées, au-delà même du grand écart : d’un côté une parfumerie “grand public” qui joue les Rank Xerox à coups de praline enrobée d’arômes édulcorés, et de l’autre, une parfumerie haut de gamme - ou du moins qui prétend l’être - qui n’hésite pas à faire grimper ses prix à des altitudes dignes des plus vertigineux buildings de Dubaï, histoire de bien nous rassurer sur la hauteur de ladite-gamme, des fois qu’on aurait des doutes...
Bref, tout cela pour vous annoncer qu’en cette rentrée, Guerlain et Chanel vont vous gâter !
Guerlain présente ainsi une nouvelle collection baptisée Les quatre saisons - inutile de vous préciser quelle en est l’inspiration - conçue dans la lignée des précédentes “pièces d’exceptions”, donc lancée en édition très limitée (21 ou 22 exemplaires), signées et numérotées.
Pour rappel, une édition limitée également baptisée Les quatre saisons avait déjà vu le jour en 2008, présentée dans le flacon cœur en cristal, et avec des parfums différents.
Pour habiller ses flacons quadrilobes en cristal de 490 ml, Guerlain a fait appel à la designer d’origine brésilienne Janaïna Milheiro, connue pour ses réalisations de textiles-plumes, broderies et dentelles, et qui a orné chaque parfum d’une parure unique composée d’une centaine de plumes.
C’est bien sûr Thierry Wasser, MC parfumeur de la maison, qui a signé les quatre créations parfumées.
L’Hiver, inspiré d’un personnage de conte russe, est un musc vert boisé, avec des notes vertes et résineuses de pin, d’angélique, d’iris, d’ambrette, d’encens et de muscs blanc.
Le Printemps, un floral vert musqué, est composé de jacinthe, bergamote, freesia, cyclamen, rose bulgare, muscs blancs et d’un voile poudré.
L’Été est un floral solaire épicé, avec des notes de bergamote, citron, pêche, jasmin, œillet, foin et vanille.
L’Automne, frais et boisé est une composition aux notes minérales et fumées, avec de l’iris, vétiver, cèdre, mousse, patchouli et fève tonka.
Le prix de ces flacons-joyaux d’exception ? 16 000 euros.
On n’ose même pas imaginer qu’un seul puisse être olfactivement “moyen”, même si l’on se doute bien que celui qui se l’offrira ne sera pas uniquement pas mu par l’exigence de son odorat. Le “jus” semble ici n’être finalement qu’un prétexte, une occasion pour proposer des pièces uniques, précieuses, et dont le superbe aspect attisera l’excitation de quelques collectionneurs d’art fortunés...
De son côté, Chanel proposera à l’occasion des fêtes de Noël un format de 900 ml de sa nouveauté N°5 L’Eau en édition limitée.
Une flacon géant en cristal, réalisé sur mesure, et contenu dans un écrin de cuir, sera disponible le 4 novembre en 15 exemplaires seulement, pour la rondelette somme de 8 500 euros.
Attention, il n’y en aura pas pour tout le monde ! Si vous voulez réserver votre maxi-sent-bon, appelez immédiatement la hotline Chanel au 0820 255 005 (il n’est pas précisé si c’est un numéro vert ou si chaque minute d’attente est taxée…).
Les séries limitées ont toujours eu le vent en poupe lorsqu’il s’agit d’aller flatter l’ego du client qui a besoin de se sentir “différent”, enfin, surtout “supérieur”, et qui pense que seul son porte-monnaie pourra lui apporter cet impérieux sentiment de prééminence.
Après tout, pourquoi les marques se priveraient-elles d’une telle manne, tant qu’elles continuent d’offrir des belles créations, sans praline ni glucose, et à des prix encore accessibles au commun des mortels, celui qui n’a nul besoin de regonfler son ego, juste envie de sentir bon ?
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par DOMfromBE, le 25 septembre 2016 à 10:21
Bonjour,
Je viens radoter un peu dans le débat.
Ces éditions impayables destinées à une "élite" de collectionneurs ou de pétrodollars parfois poudrés sur les narines me laisse un peu froid. On n’est vraiment pas sur la même planète. Et en effet, L’Eau N°5 à 8.500€... C’est un gros sent bon... Le conseil d’opter pour l’extrait est plus que pertinent avec un bémol : les narines 2016 frétillent avec L’Eau, pas avec l’autre, celui des "vieilles".
Mais plus particulièrement, du point de vue des marques et de leurs cerveaux marketeurs, QUID de ceux qui réellement les suivent et les font vivre à force d’achats anonymes et réitérés au gré des envies et/ou des possibilités ? C’est de là, non, que vient la vraie rentabilité et la reconnaissance via cotation des actions... Le reste c’est une vie de sérail et de papier glacé.
Pour ceux qui s’en souviennent, j’aimais bien cette illusion savamment entretenue dans les années 2000 débutantes de faire partie d’un "Cercle" spécial auquel j’adressais par courrier des petits cartons (les codes à enregistrer n’ont jamais fonctionné) et ensuite me parvenaient des miniatures, échantillons et autres "teasers" étoilés... L’addiction était orchestrée et entretenue au bénéfice de chacun. Et, à cette époque, l’Ange était vraiment un Démon de tenue et sillage. Maintenant c’est un pigeon IFRA déplumé tristounet.
Bon dimanche à tou(te)s.
par Dandelion, le 25 septembre 2016 à 10:01
Les flacons sont vraiment très jolis, bien amenés, sur la photo les couleurs semblent fidèles à la saison et à l’ambiance dégagée par ce petit bijou. Bijou oui c’est le mot et à mon avis il s’agit plus ici de vendre un flacon, qu’un parfum... Je peux concevoir que certaines innovations, certains matériaux justifient des prix exorbitant, certains savoirs faire ou procédés de fabrications (je conçois moins quand on paye seulement un nom, une marque) mais il semble évident ici que c’est le contenant et non le contenu qui rend ce parfum inaccessible !
Dommage l’hiver sur le papier me semblait plutôt intéressant, mais je ne saurais jamais si la Russie était au rendez-vous... Enfin ce n’est pas un drame, nous ne sommes pas ici face à un objet convoité, seulement un caprice de luxe à mon avis.
Enfin je ne fais que répéter ce que tous on dit dans cet article, et dans ces commentaires ! Mais il faut reconnaître que le flacon n’est pas laid, même qu’il est assez beau (je n’irai pas au delà, car comme le dit justement Doblis quitte à payer le prix il existe bien plus fins, bien plus complexe et bien plus beaux flacons -ceux de Lalique pour ne citer qu’eux-).
par Jean-David, le 24 septembre 2016 à 22:55
Article fort joliment tourné, informatif et drôle. La formule "votre maxi-sent-bon" m’a bien fait rire, ainsi que la mention "il n’est pas précisé si c’est un numéro vert ou si chaque minute d’attente est taxée".
A votre question : "Après tout, pourquoi les marques se priveraient-elles d’une telle manne...", je répondrais : précisément, pour signifier leur respect et leur attachement à leur autre clientèle, celle des perfumistas et de ceux qui, tout simplement, aiment l’art olfactif. Il paraît difficile de courir les deux lièvres à la fois, l’amateur d’art et le parvenu, tout en restant crédible, en renvoyant une image lisible, cohérente, intègre.
En même temps, après les flacons à 600 et quelques euros des récents Lutens, cynique br... d’honneur adressé à sa clientèle fidèle, les 16 000 euros de Guerlain sonnent un peu comme le rappel à l’ordre du bœuf à la grenouille de la fable : "Vous n’en approchez point."
par depassage, le 24 septembre 2016 à 12:09
Bah, ce sont des parfums d’exception plus fait pour renforcer l’image que pour etre vendu.....
par Doblis, le 24 septembre 2016 à 11:01
Très jolis ces flacons, du moins chez Guerlain.
Et au moins, même si nous n’avons pas les moyens de nous les acheter, nous pourrons toujours aller les tester sur les Champs, histoire de sentir le travail de Thierry Wasser.
Le travail des plumes est magnifique mais sans doute très fragile. Et c’est l’éternel flacon quadrilobé qui est à chaque fois repris (ou bouchon cœur ou flacon Abeilles) alors qu’il y a eu bien d’autres flacons tout aussi jolis. On rentabilise le moule quoi...
Mais à 16000€ : sans moi ! Je suis collectionneur mais quitte à dépenser cette somme, je me dirigerais bien plus vers d’anciens flacons Lalique qui, eux, gardent ou on une valeur qui s’accroit). Pour ceux-là, j’en doute fortement.
Pour le n°5, à ce prix là, ils auraient au moins pu le baudrucher et le sertir plutôt que de mettre leur "vulgaire" autocollant au col.
Cela étant, vu le contenu, mieux vaut se diriger de loin se diriger vers l’extrait n°5 en 450ml à 2910€... et s’en acheter 3 flacons !
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Pour avoir vu en vrai la quadrilogie des 4 saisons de Guerlain, les flacons son superbes (bon, j’aime bien moins l’été).
Je pensais que les plumes étaient collées sur le flacon mais c’est en fait un magnifique travail de tissage des plumes entre elles avec l’aide de fils et de perles. Un véritable jeu de patience.
Quant aux jus, ils sont magnifiques avec un faible pour l’automne.
Carton plein pour l’automne entre l’habillage et le parfum, suivi de l’Hiver.
Le plus "léger" des parfums serait peut-être l’été qui manque un peu de consistance à mon avis, même s’il est charmant.
Sur les Champs, vous pouvez aussi tester actuellement "Carmen le Bolshoi" qui reprend les notes de Vétiver pour Elle.
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