De Bachmakov

Cela fait presque deux semaines que je renifle De Bachmakov sur mes poignets, dans le sillage laissé sur mon cou, ma nuque, celle de mon conjoint, en me retenant d’aller lire à droite à gauche ce qui aurait pu déjà être déjà dit... et cela fait deux semaines que je cherche désespérément comment écrire un texte, une accroche, trouver un angle d’écriture qui serait à la hauteur de ce que j’ai ressenti.

A vrai dire, je n’ai pas encore trouvé, mais tant pis, je vais encore me lancer dans une banale énumération de descripteurs olfactifs et d’évocations diverses, qui, c’est bien dommage, resteront sans doute bien en deçà de l’effet réel, mais qui je l’espère, vous donneront quand même envie d’aller le découvrir à votre tour.

Premier flash, un shot glacé de vodka au poivre, (Absolut avait déjà sorti un truc comme ça), un alcool blanc relevé d’épices noires, qui bientôt, se muent en baies de genièvre, mince, le shot serait donc du gin ? Mais trop tard, le Transsibérien a déjà quitté la gare, et on est tout de suite propulsé dans une forêt sibérienne, où les écorces de cèdre et les aiguilles de pin distillent un entêtant parfum camphré et boisé. Ce que je prenais pour du poivre se précise maintenant plutôt vers une graine de coriandre, à l’odeur caractéristique, à la fois florale, citronnée et aromatique du linalol, présent aussi dans le freesia, la lavande et la bergamote, cette dernière renvoyant à son tour à l’odeur du thé Earl Grey. L’épice fraîche et étrange par excellence aux associations multiples et complexes.

C’est ensuite une autre épice, ou plutôt une feuille plus rare qui prend le relais, celle du Shiso, sorte de menthe asiatique à l’arôme bien particulier de cumin, qui ajoute sa patte amère et grinçante, voire un peu animale, au mélange. La route des épices est presque terminée, et elle dévoile soudain un soubassement boisé, poudré, musqué et lacté, blanc comme de la neige, et qui d’un coup, m’évoque un autre parfum mythique et éteint, Le Feu d’Issey, qui avait déjà osé associer il y a plus de dix ans, à ses risques et périls, un éventail d’épices à un lait chaud parsemé de santal.

Cette idée de feu sous la neige est ici une évidence, un contraste saisissant entre la chaleur des épices et des bois secs, cristallisée par la fraîcheur des sapins enneigés et le froid minéral et cristallin des verres d’Absolut.

De Bachmakov n’est bien évidemment pas une copie du Feu, tout au plus un bel hommage, mais il est surtout bel et bien le résultat réjouissant de la collaboration d’un parfumeur brillant avec un directeur artistique inspiré et inspirant.