Van Cleef & Arpels pour Homme

J’ai toujours connu le premier masculin de Van Cleef & Arpels, porté par un membre de ma famille, il a fait partie très tôt de mon paysage olfactif familier. Et comme pour tous les parfums que l’on associe automatiquement depuis toujours à quelqu’un de connu, réussir à le décrire, même en le connaissant par coeur, est paradoxalement souvent laborieux.

Coïncidence, je venais de le sentir à nouveau pour la première fois depuis longtemps dans un magasin afin de réfléchir à ce que je pourrais bien raconter en dehors de mon arbre généalogique, et je reçois le lendemain un communiqué du service de presse Van Cleef & Arpels, qui, sans doute profitant d’une actualité cinématographique opportune, dévoilait que le fameux parfum en question était porté par Serge Gainsbourg.

Cette information, bien qu’anecdotique, m’apparaissait comme la résolution d’une énigme.

J’avais toujours trouvé que Van Cleef & Arpels pour Homme était un parfum bipolaire, à la fois propre et sombre, un peu comme une savonnette de luxe placée près d’un feu de cheminée, ou quelque chose dans le genre. Aujourd’hui, la vision se précise : celle de la peau d’un homme fraîchement rasé portant encore l’odeur de son savon à barbe, devant son piano noir, une cigarette à la main, près d’un cendrier rempli de cendres froides et de bâtons d’encens éteints.

La fraîcheur aromatique et camphrée du départ ne trompe personne bien longtemps, à peine cet accord de thym sec, de sauge, de basilic et d’armoise projetés dans l’air, surgit la partie sombre du parfum. Ce n’est pas pour rien que le flacon, avec ses lignes verticales presque art déco, arbore un noir brillant intégral, c’est exactement la couleur que m’inspire ce parfum. Une pléiade de notes obscures et enfumées comme du charbon fait fusionner cuir, patchouli, vétiver, cèdre, castoréum, mousse de chêne et ciste dans un puissant accord de bois fumés et résineux qui m’évoquent l’odeur de cire chaude régnant dans un institut de beauté. Et pourtant, l’accord de fougère lavandé et floral persiste et signe, toujours présent, toujours frais, il enveloppe les bois fumés de sa douce et virile odeur de mousse à raser.

C’était donc ça la clé du mystère, Van Cleef & Arpels Pour Homme est un parfum de grand fumeur, qui déguise habilement son odeur de tabac froid et son haleine piquante derrière un paravent olfactif qui se superpose aux effluves indésirables, les transformant ainsi, l’air de rien, en arme de séduction massive.