Rochas Man

Imaginez qu’Angel se soit acoquinée avec Le Mâle très précocement, ils auraient probablement engendré Rochas Man en 1999 lorsqu’il est sorti. (D’autant que le flacon, proche d’une miniature de la tour Agbar barcelonaise, est aussi, disons... « évocateur » (pour rester poli) qu’elle...)
Son beau-père serait peut-être A*Men et il aurait eu plus tard comme demi-frère Play Intense pour Homme.

Une lavande jouant les fougères hermaphrodites s’enveloppe d’un costume floral indistinct, censément du jasmin, et plutôt que d’évoquer un accord savonneux, préfère se faire lactée, crémeuse et gourmande. Son accord de santal-latte vanillé et sa touche de café suggèrent un cappuccino savoureux saupoudré généreusement de sucre comme on en déguste chez Starbucks. Sa transparence relative est un attribut qui le distingue d’Angel ou A*Men, tous deux plus opaques et denses, plus proches d’un macchiato à l’impression fortement caféinée. (Son scintillement lumineux est proche d’Angel dans sa concentration en Eau de Toilette.)
D’ailleurs, c’est l’un des seuls griefs qui peut être fait à Rochas Man (en dehors de son flacon) ; sa translucidité lui est souvent reprochée. Plaisir gourmand aussi addictif qu’il est bref, on a l’impression de le savourer aussi rapidement qu’on vide une tasse de café.

A la lecture des commentaires des deux côtés de l’Atlantique, on découvre que l’odeur sucrée est si séduisante que plusieurs femmes déclarent porter ce parfum totalement androgyne si ce n’est par sa lavande censée dessiner le cadre d’un univers plus masculin. Et, quand on connaît le vortex attractif que sont les gourmands pour autrui, il est inutile de préciser à quel point Rochas Man joue le rôle de tractopelle à compliments !
Surfant sur la vague des gourmands, innombrables à son époque et toujours d’actualité aujourd’hui, Rochas Man, avec son impression de latte macchiato double saveur vanille-café très sucré recouvert de crème, est très éloigné de la saveur corsée d’un bon café serré. Par conséquent, il faut reconnaître que c’est un parfum dont le rendu n’est ni sophistiqué ni très élaboré ; il fait bon marché pour être sincère. Pourtant, il plaît donc énormément. Peut-être car il est aussi réconfortant qu’un café viennois dans un bar cosy à 16 heures alors qu’il pleut dehors en automne. Et, pile poil dans la tendance qui remplace la deuxième cuillère bombée de sucre par des pshitts survoltés en glucose, Rochas Man n’a pas trop pris de rides. Alors que Lui, autre masculin de la marque Rochas sorti en 2003, a disparu après quelques années seulement, que Rochas Man, lancé quatre ans plus tôt, soit toujours présent dans les linéaires quinze ans après son lancement est un signe qui ne trompe pas.
En fait, ce parfum est d’un plaisir régressif aussi jouissif que de s’enfiler une boîte de chocolats entière en une demi-heure !