Cologne officinale

Les lancements sont fréquemment accompagnés d’une longue présentation descriptive et semi-poétique censée décrire l’univers du parfum et les intentions de son créateur. Bien souvent, le texte est porté par un souffle épique, alors que la fragrance ne se démarque en rien des sorties de l’année.
Parfois, il arrive aussi d’avoir la surprise de sentir une nouveauté et de voir la campagne et le discours s’adapter en parfaite harmonie. Dans ces cas précis, on peut alors dire que la marque et le parfumeur ont totalement respecté leur note d’intention.
Exemple parfait avec la découverte de Cologne officinale de James Heeley, dernière sortie de la maison depuis Athenean en 2021.
La composition – inspirée par le photographe et fondateur du concept store Jogging à Marseille, Olivier Amsellem – est présentée comme « l’essence d’un paysage rayonnant dans le bleu azur méditerranéen, un bouquet aromatique, lavande, romarin, sauge et herbes fraîches qui s’étend sur un tapis d’ambre oriental, bois séché et mousse de chêne ».
Il est important pour moi de faire une confession à ce stade – j’aime Marseille, j’aime la Provence. J’y ai énormément de souvenirs de mon enfance passée dans le maquis et sa campagne. Maquis tellement caractéristique et odorant, brûlé par le soleil intense de l’été le jour et se reposant la nuit, dégageant des effluves précises à différents moments de la journée. Le basilic, la lavande, le romarin, la sauge : pour tous ceux qui ont eu la chance de passer du temps dans la région, ces odeurs sont certainement gravées dans leur mémoire.
Cologne officinale n’est en rien révolutionnaire et n’a certainement pas été pensée pour l’être. Elle n’enfreint aucune règle, ne veut pas offenser ni créer un nouveau genre. La seule dichotomie apparente est son nom de « cologne » pour une eau de parfum dotée qui plus est d’une très bonne longévité.
Mais ce que fait Cologne officinale, elle le fait très bien.
James Heeley a créé une fougère dans le pur style des années 1970. La fragrance possède un démarrage très frais, lumineux, joyeux avec le basilic en tête. Le bouquet herbal du cœur nous plonge en plein maquis, et seules les cigales manquent à l’appel.
Puis le fameux accord « savon de Marseille » prend vie au bout d’une vingtaine de minutes. Pas aussi littéral que chez Comme des garçons et leur Marseille (l’intention de Quentin Bisch était de recréer son odeur de façon littérale). Ni aussi « clean » que dans Exit the King d’État libre d’Orange. Ici, nous sommes plus dans le figuratif et l’imagé. Il se dégage de cette composition une sensation de bien-être, de propreté et de fraîcheur, des atouts bien utiles au cœur de l’été.
Par la suite, la mousse de chêne en note de fond le rapproche d’un chypré élégant, sans que la note d’ambre, censée représenter le lien de la cité phocéenne avec l’Orient, ne se fasse trop remarquer. Malgré cette transition légèrement plus masculine, Cologne officinale reste totalement unisexe.
James Heeley réussit donc à nous faire voyager dans le maquis provençal grâce à ce véritable parfum d’été, sans avoir à recourir aux habituels agrumes de la saison chaude.