Cuir
Mona di Orio
- Marque : Mona di Orio
- Année : 2010
- Créé par : Mona di Orio
- Genre : Féminin - Masculin
- Famille : Orientale
- Style : Chic - Pointu - Viril
Cuiroscuro
par Samuel Douillet, le 9 novembre 2020
Où l’on explore un cuir aux proportions idéales, savant dosage de notes fumées, aromatiques et boisées.
La regrettée Mona Di Orio est à l’origine de la marque qui porte son nom, lancée en 2004 avec son associé Jeroen Oude Sogtoen, designer et directeur artistique. Auparavant, et pendant presque dix ans, elle fut l’élève du parfumeur Edmond Roudnitska, près de Grasse. À la mort de celui-ci, elle resta auprès de son épouse et de son fils, Michel, participant aux activités de la société Accords & Parfums qui aujourd’hui produit les concentrés pour de nombreux parfumeurs indépendants.
Après plusieurs lancements inauguraux parmi lesquels les notables Lux et Nuit Noire, elle lance en 2010 une nouvelle collection intitulée Les Nombres d’Or. En transposant cette notion géométrique — apparue à l’Antiquité et revenue sur le devant de la scène à la Renaissance — sur une tonalité parfumistique, Mona Di Orio voulait donner sa propre interprétation de la parfaite proportion, appliquée aux matières premières odorantes.
C’est cette philosophie de formes et de volumes qui prend corps dans ce parfum, où le cuir interagit et dialogue avec la cardamome, le bois de cade et l’opoponax, pour peindre un tableau où la lumière fait de rares apparitions dans un halo d’ombres froides.
Dès l’ouverture, on est pris à la gorge par une bouffée de cigarette qui pousse le curseur du fumé jusque dans l’âcre. C’est déjà l’isobutylquinoline qui est à l’oeuvre, cette note goudronnée faisant partie des différentes manières de composer un cuir olfactif. Couplée au cade, ce produit au parfum fumé, l’effet tabac consumé est saisissant, allant même jusqu’à une facette cachou bien dense.
Le cœur de Cuir prend une tournure aromatique avec l’absinthe et la cardamome, qui rafraîchissent l’ambiance en évoquant un maquis venteux de fin d’été, éteignant quelque peu le feu du départ.
Lorsque toutes ces notes s’estompent, le cuir peut enfin s’épanouir selon son bon gré, avec des inflexions tantôt chyprées, tantôt boisées.
À l’opposé de cuirs chauds comme Le Tabac blond de Caron ou Cuir mauresque de Serge Lutens, aux antipodes de la poésie d’un Cuir d’ange d’Hermès ou du bouquet aristocrate d’un Cuir de Russie de Chanel, le cuir de Mona Di Orio s’inscrit plutôt dans la veine d’un Bandit de Piguet ou d’un Cabochard de Grès, en moins nuancé (pas d’intonations florales ou aldéhydées) et en plus confortable.
On peut penser, pour dresser un tableau imagé, au film Skyfall de Sam Mendes (2012) et aux murs froids de la maison d’enfance de James Bond dans les Highlands en Ecosse. Dans la salle principale, un feu réchauffe tout doucement des fauteuils de cuir depuis longtemps inoccupés.
Mona Di Orio, par son apprentissage auprès d’Edmond Roudnitska, tenait à développer dans ses parfums un mouvement, mouvement ici rondement mené par un « cuir-obscur ».
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