Corsica Furiosa

Sans conteste, le traitement du vert en parfumerie est capable d’exciter certains perfumistas comme peu de notes savent le faire. Qu’il soit froid, tiède ou chaud, infusé ou énervé, clair ou saturé, la perspective de voir son existence se perpétuer emplit de joie nos cœurs de passionnés, un peu comme des parents se félicitent lorsqu’ils enlèvent les petites roues du vélo de leur fille.

Le dernier-né de Marc-Antoine Corticchiato ouvre une nouvelle voie dans le traitement du vert, comme A Scent ou L’Heure Vertueuse l’ont fait quelques années auparavant. En effet, Corsica Furiosa choisit d’explorer le fantasme du maquis corse par le prisme du lentisque, cet arbuste qui pousse sur les flancs ensoleillés, près de la Méditerranée. Le talent du parfumeur a ainsi permis au lentisque de s’exprimer tout au long de l’évolution tout en restant dans le thème du vert mais aussi en gardant une cohérence certaine dans le travail de Parfum d’empire.

La verdeur initiale pourrait être la plus facile à appréhender d’un point de vue théorique, étant donné que l’on retrouve toutes les facettes vertes que l’on connaît. Mais, en vérité, cette avalanche de vert bouscule de manière assez jouissive. Des notes montantes de haricot vert et de petit-pois, très "crues", apportées par le galbanum, sont peu à peu adoucies par un accord de menthe et de feuille de tomate, qui appuie la naturalité de cette envolée. Au même moment, un bel effet pamplemousse se devine, ce passage n’étant pas sans rappeler le polarisant Pamplelune de Guerlain par son association au bourgeon de cassis (qui souligne le vert du lentisque et ses émanations dans l’air chaud du maquis).

Puis, après environ une heure, Corsica Furiosa s’apaise sur la peau - là où la touche reste très agreste - pour prendre une direction plus baumée, comme souvent chez Parfum d’empire. L’accord vert rencontre des facettes boisées, terreuses, fumées qui, sans être sombres, apportent une profondeur résineuse, comme une gomme arabique un peu amère et sucrée, avec des évocations de bâton de réglisse et de maté. Des sensations d’humus, d’herbes sèches, de résines et de sous-bois sont harmonieusement modulées au fil des heures avec un plaisir proche de l’addiction.

Un peu comme les (rares) véritables amours qui durent, c’est avec le temps que le coup de foudre s’installe : après avoir été un peu secoué par les premiers instants qui peuvent dérouter, voire effrayer, on finit inéluctablement par succomber à la furie du maquis...