Akkad
Lubin
Faveur sacrée
par Emeline, le 26 août 2014
Alors que le "vieux-bashing" fait de plus en plus de ravages, quelques marques ont fait le pari de se réapproprier leur patrimoine, contre vents et marées. Cette initiative, engagée par des maisons telles que Jean Patou, Volnay ou Oriza L Legrand, contraste avec une prétendue demande qui polit jusqu’à l’uniformité des parfums qui n’en avaient, pour la plus part, nullement besoin.
Ainsi, de nombreux passionnés de vintages et de fragrances qui furent culottées réclament de plus en plus l’audace subtilisée au profit de la rentabilité, le luxe étant un domaine qui se porte toujours aussi bien.
Sont-ils d’ailleurs pour quelque chose dans l’émergence de cette démarche nouvelle, la demande croissante pouvant engendrer quelques idées de résurrection.
En tout les cas, quand le risque entrepris est guidé par la passion et l’honnêteté, il paye.
Alors que l’offre se réduisait comme peau de chagrin, Gilles Thévenin, propriétaire de la maison Lubin, s’est affairé à honorer le passé de la vieille oubliée.
Quelques rééditions phares au compteur : L, l’Eau Neuve ou encore Nuit de Longchamp ont retrouvé leur place en parfumerie. D’ailleurs Thomas Fontaine, qui est le parfumeur maison de la marque Patou, a collaboré à quelques-uns de ses derniers lancements.
Ces victoires, que nous aimerions plus fréquentes, apportent néanmoins leur lot d’embûches, et le passionné sait que les difficultés liées à la réalisation d’un projet (restrictions européennes, jus incohérents face aux originaux, regard actuel différent sur la parfumerie) ne lui permettent pas suffisamment de liberté de mouvement pour les réalisations pensées.
L’ADN de Lubin se trouve, plus que jamais, dans ce qui n’a pas été encore créé sans plonger dans les travers d’une modernité mal maîtrisée. Un exercice du genre a d’ailleurs déjà été couronné de succès.
Le second Idole, matricé par la talentueuse Olivia Giacobetti, et depuis, décliné en eau de parfum, serait une composition inédite sans lien avec l’ancienne fragrance du même nom. Merveilleuse réussite, après telle prouesse qui présageait de bons augures à venir, pouvions-nous donc en rester là ?
Il y a deux ans, Gilles Thévenin créait simultanément trois fragrances dédiées aux mythes et légendes : Korrigan, Galaad et Akkad. Ce dernier est selon moi la perle de cette trilogie
Akkad, empire mésopotamien fondé par Sargon plus de vingt siècles avant notre ère, évoque rien qu’à son nom tout un champ des possibles.
La parfumeuse Delphine Thierry a cherché à dépeindre un élixir mystique offert par la déesse Ishtar au futur empereur pour l’accompagner dans son épopée.
Appelé l’Ambre de Lumière, l’onguent esquisse ses premières formes par une intense bouffée aromatique au sein de laquelle se déploie une mandarine juteuse et de la sauge sclarée.
Vivifiant et piquant, le leurre ne dure pas longtemps car l’entrée en matière est suivie par le cortège d’épices et de résines. Cardamome et styrax profitent à cette belle envolée.
Le labdanum et l’oliban s’adjoignent ensuite. Ces deux antipodes mêlés l’un à l’autre, la première matière réchauffant sa conjointe tandis que l’autre lui en atténue les propos.
La vanille est subtile, et les facettes trop rudes dépouillées.
Habituellement, les parfums ambrés sont traités avec densité mais Delphine Thierry a choisi de désaxer la sensualité de rigueur en confinant les touffeurs derrière l’austérité de l’encens.
Tout au long, sécheresse et minéralité exercent un étonnant effet baumé sur lequel reposent la fumée et le grésillement des épices, sa singularité résidant dans ces phases ou s’alternent froid et chaleur sans jamais parvenir à les déterminer complètement.
La création fond tel un cataplasme. Sa caresse de braises froides est une combustion lente qui s’épanouie sur la peau, laissant entrevoir, au-delà de l’antidote, les crépitements d’un brasero qui s’échapperaient des arcanes du temple antique d’où il a été créé.
L’ambre et un patchouli cendré terminent cette merveilleuse introspection en une traînée de braises vaporeuses.
Vous parler d’Akkad, c’est partager avec vous un coup de cœur inattendu qui allie avec justesse des notes qui me sont souvent difficiles.
Encens trop secs ou ambres trop tenaces, Lubin propose le parfait équilibre entre ces deux aspects, concrétisant au même passage sa lancée honorifique.
Il y a de l’intention dans cette trilogie, et même si je ne suis séduite que par Akkad, je salue le travail accompli. Passionné, Gilles Thévenin ne trompe pas ses clients avec des incantations sans substance. Merveilleux, salutaire, poétique, Akkad n’est pas un de ces sempiternels ambres dont seul l’adjectif change.
Cette création a permis la mise en lumière de la parfumeuse Delphine Thierry, encore méconnue, ainsi que d’apprécier un essor vers l’avenir, sans renier le passé quand d’autres entament tout juste un renouement.
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par ERIC, le 26 août 2014 à 14:01
Merci Emeline de cette belle critique qui m’a donné envie d’aller voir immédiatement le site de la marque. J’y ai été séduit par l’environnement - voyons, comment dire...? - le décorum explicatif, historico-légendaire et musical autour de chaque parfum. Je suis sensible à ce genre d’appâts. Si le jus est au rendez-vous de l’univers voulu, mon coup de cœur augmente alors. Bon, il me faut partir en quête d’un échantillon de ce Akkad.
Très cordialement
ERic
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par Emeline, le 26 août 2014 à 16:12
Bonjour Eric,
Je vous remercie pour votre message.
Le site de Lubin à quelque chose d "initiatique". C’est plutôt agréable tout ces liens entre parfums, sons, images, matières et atmosphères. Les fragrances sont incorporées dans les éléments qui les ont inspirés. J’aurai presque pu laisser le site parler à ma place.
Je suis ravie que Akkad puisse éveiller votre curiosité. J’espère que vous y trouverez ce qui vous à séduit après avoir jeté un coup d’œil sur le site de la maison.
Je vous invite vraiment à le découvrir, son déploiement est aussi spectaculaire que son évolution est trouble et profonde.
Lubin est une maison qui à toute mon admiration. Bien que je ne sois pas particulièrement attirée par toutes les créations présentées,chaque démarche est honnête. Si je devais faire un reproche, il est seulement d’ordre utilitaire. Les parfums Inédite, Figaro, Itasca et Bluff sont dans des flacons L’Eau Neuve ou Le Vetiver, ce n’est pas très contraignant mais il faut éviter de se tromper si on souhaite en acquérir un. Il ne faut donc pas hésiter à bien regarder en dessous de chaque bouteille pour savoir quelle fragrance y est contenue.
Je vous souhaite, Eric, une très belle découverte. Venez me faire de part de vos impressions à l’occasion ;)
Passez une bonne journée
Emeline
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