Renata Faizutdinova : "Un parfum a une histoire à raconter"
par Clara Muller, le 30 juillet 2015
En cet été 2016, nous avons voulu mettre à l’honneur les boutiques nous faisant le plaisir et l’honneur de distribuer Nez... parce qu’il faut bien faire des choix ! Nez est en vente dans les deux boutiques Sens Unique, à Paris et Caen. Cet entretien date de juillet 2015
La parfumerie dite de niche (ou, si l’on préfère, parfumerie rare, artistique, alternative...) se caractérise notamment par la rareté de sa diffusion. Les quelques lieux spécialisés qui, à Paris et ailleurs, se vouent à sa promotion se font généralement très discrets.
Tout au long de l’été Auparfum vous fera ainsi découvrir le charme discret de marie antoinette, l’ambiance bar de Liquides, la majesté de Jovoy, l’énergie chaleureuse de SensUnique, le patriotisme de Atelier Maître Parfumeur ou encore le traditionalisme de Arôma Parfums & Soins.
Une fois entré dans l’une de ces boutiques, l’accueil, le décor, tout y évoque un univers singulier où les odeurs ne sont pas répandues dans l’atmosphère en grandes flaques, mais aimablement diffusées par les quelques « visiteurs » ou par les maîtres des lieux.
Chacun de ces lieux a sa personnalité propre, ses parti pris, ses marques (parfois exclusives) et vous accueille comme l’on reçoit un proche. En échange d’un grand sourire, on vous offrira même peut-être un café. L’objectif n’est pas seulement de vous vendre un flacon, mais de vous ouvrir à tout un univers olfactif. Dans ces lieux uniques, le conseil a un nom ou plutôt un prénom : Antonio, Renata, Léa, François... et les autres.
Nous les avons rencontrés, en attendant que vous fassiez leur connaissance par vous-même. Et promis, dès que possible, nous décollerons de la capitale et vous parlerons… du reste du monde !
Depuis quatre ans Sens Unique a su fidéliser une clientèle éclectique, à l’image du quartier du Marais où se situe la boutique. Le décor est faussement baroque avec ses moulures dorées, sa table noire laquée, et le désormais célèbre fauteuil jaune. Sens Unique c’est un accueil chaleureux, un verre ou un café, et des étagères pleines à craquer de flacons joliment éclairés par le dessous. Renata, la propriétaire, nous dit tout de sa boutique.
Auparfum : Comment êtes-vous arrivé dans le monde du parfum ?
Renata : Par pur hasard. Je ne vais pas vous raconter que toute petite je sentais le parfum de ma mère et que j’ai toujours été passionnée par le parfum, etc. Ça ne m’intéressait pas plus que ça, je portais Miss Dior Chérie et ça me suffisait largement. J’ai fait des études de finances et par pur hasard j’ai atterri d’abord dans la mode. Lors de ma troisième année en France on m’a proposé un job étudiant qui consistait à faire l’interprète pour un distributeur de parfums russe qui traitait avec des maisons françaises. Je l’accompagnais à ses rendez-vous avec des parfumeurs comme Pierre Guillaume, Claude Marchal, Majda Bekkali… Or quand on traduit, on écoute et on répète, du coup on passe les choses deux fois par soi. J’ai donc beaucoup appris et peu à peu je me suis mise à gérer toute la partie française de la distribution russe. Le distributeur russe avec lequel j’ai commencé à travailler est toujours mon associé et est assez vite devenu un ami proche. Il avait deux rêves : ouvrir une boutique à Paris et créer sa marque. Pour l’instant un de ses deux rêves s’est réalisé.
Pourquoi avoir nommé la boutique Sens Unique ?
C’est un autre pur hasard. C’est une ancienne collaboratrice qui en a eu l’idée. D’abord la rue du Roi de Sicile où nous sommes situés est en sens unique. Ensuite, l’odorat est, d’une certaine manière, un sens unique. Enfin il y a le sens caché : les gens qui reviennent pour la seconde fois dans la boutique après l’avoir découverte me disent souvent qu’ils ne peuvent plus mettre les pieds dans les chaînes de parfumeries. C’est ça aussi « sens unique », une fois qu’on est dedans on ne peut plus revenir là où on était avant.
Comment définissez-vous votre boutique ?
Pour rigoler je dis toujours qu’on s’est déjà forgé l’image de la boutique qui, après 19h devient un bar ! Si on n’arrive plus à vendre les parfums on vendra du vin ! Sinon quelqu’un avait trouvé cette expression pour parler de nous : « boutique barock’n’roll ». Nous travaillons avec des marques modernes et nous essayons de dénicher les marques les plus nouvelles et les plus conceptuelles.
La situation de la boutique a-t-elle été spécifiquement choisie ?
Oui. Le Marais est un monde de petites boutiques alternatives et plein de gens curieux et ouverts d’esprits. La rue du Roi de Sicile (parallèle à la rue de Rivoli) est aussi un vrai choix, je voulais être dans une deuxième rue. Je préfère voir dix personnes dans la journée et qui repartent satisfaites, plutôt que cent personnes alors que je ne peux de toute façon en servir que dix.
Comment faites-vous les vitrines ?
Soit la marque mise en valeur a déjà un visuel fort que nous utilisons, soit nous faisons selon notre inspiration. Il y a aussi eu le projet « Sens Inverse » qui consistait à inviter un artiste à exposer une oeuvre créée à partir d’un parfum de la boutique. Le parfum était diffusé devant la vitrine de manière à ce que les gens le sentent en même temps qu’ils regardaient la vitrine.
Comment faites-vous la sélection des marques qui entrent chez vous ?
Nous faisons la sélection de la même manière que le client : au coup de coeur. Il faut que nous aimions les parfums mais aussi le concept et les gens derrière la marque. Nous connaissons personnellement tous nos parfumeurs. Quand nous le pouvons nous allons chez eux, dans les labos et les atelier. Aujourd’hui nous avons 38 marques, plus le maquillage, les cosmétiques et les bougies. Sur 25 mètres carrés ça commence à faire beaucoup !
Pourquoi certaines marques disparaissent-elles de votre boutique ?
Certaines marques n’existent plus, d’autres n’ont plus besoin de nous parce qu’elles se développent beaucoup. Depuis le début seule une marque a disparu parce qu’elle ne se vendait pas très bien.
Êtes-vous également propriétaire d’une ou plusieurs marques ?
Non. Nous nous sommes juste offert une bougie pour nos 3 ans. La senteur a été créée par Paul Emilien. Nous voulions qu’il évoque la boutique en odeurs. Le résultat est un mélange de tabac, de fruits et de bois.
Avez-vous un type de clientèle particulier ?
Je suis toujours très fière de dire que chez nous c’est 50/50 entre Français et touristes. Les étrangers comprennent mieux ce type de parfumerie. J’ai l’impression que la France est restée très conservatrice, les français pour la plupart ne recherchent pas l’originalité, ils sont attachés aux marques. La plupart des clients français sont du quartier. Les touristes se sont beaucoup d’anglophones : les anglais, les américains et les australiens adorent le Marais. Nous avons aussi beaucoup de clientèle russe parce qu’avec le temps ils ont compris que ça parlait russe dans cette boutique ! C’est plutôt pratique parce que c’est plus facile de parler du parfum dans sa langue natale. Après nous voyons aussi un peu d’italiens, d’espagnols et de latins. Pendant la fashion week il y a de plus en plus d’asiatiques aussi, qui découvre Sens Unique lorsqu’ils courent les showroom du Marais.
Quelles demandes les clients formulent-ils ?
La plupart du temps les clients ne savent pas ce qu’ils veulent. Ils arrivent comme des fleurs et il faut les conseiller. Plusieurs fois par jour je dois expliquer ce qu’est la parfumerie de niche, c’est une forme d’éducation.
Comment conseillez-vous vos clients ?
J’ai l’habitude de demander d’emblée « Qu’est-ce qui vous ferai plaisir aujourd’hui ? ». Je précise aussi : « Vous n’êtes pas obligé de parler parfum, vous pouvez me dire que vous avez besoin de vacances, envie de romantisme ou d’un câlin, je sais ce que ça veut dire en parfum ». Un des challenges mais aussi la plus grande richesse de ce domaine c’est qu’il n’y a pas vraiment de mots spécifiques pour décrire les parfums, du coup on peut employer tous les mots possibles, parler de couleurs, d’émotions... On a tous des perceptions différentes.
Comment parlez-vous des parfums à et avec vos clients ?
Ça dépend de la personne que j’ai en face de moi. Si je vois que mon histoire fait voyager je continue, mais si je vois que la personne ne s’intéresse pas à mon histoire je vais plutôt citer quelques ingrédients. Un parfum a une histoire à raconter. Il faut l’écouter du début à la fin pour savoir si on a envie de vivre avec cette histoire, au moins le temps d’un flacon.
Avez-vous défini une typologie de ce qui se vend le mieux ou le moins bien ?
Il y a une saisonnalité plus qu’une typologie. Mais c’est vrai que les français aiment particulièrement le patchouli, les ambrés et les boisés. Les russes sont plutôt fruits et gourmands. Les américains c’est toujours fresh and clean et les asiatiques, eux, aiment les fleurs, le magnolias, le lila…
Quelle différence y a-t-il selon vous entre vendre des parfums de peau et des parfums d’intérieur/bougies ?
La bougie est souvent un cadeau, donc il faut trouver ce que l’autre personne pourrait aimer. Et même pour les bougies ce sont les histoires qui enchantent. Une bougie pour le salon ne sera pas la même qu’une bougie pour la chambre ou la cuisine. Mais c’est vrai que ça ne nécessite pas autant de réflexion qu’un parfum de peau. D’ailleurs nous vendons mieux les bougies dans notre boutique de Caen, car en général c’est en province qu’on a une maison dont on veut prendre soin, où l’on veut vraiment se sentir bien parce que l’on y passe du temps. A Paris les gens sortent plus et passent moins de temps dans leur appartement.
Y a-t-il un parfum de votre sélection qui ne vous semble pas apprécié à sa juste valeur par les clients ?
Oui… Sécrétions Magnifiques ! Bon, je dis ça pour rire.
Un coup de coeur pour un parfum qui n’est pas chez Sens Unique ?
J’aime beaucoup les marques Ex Nihilo et Montale.
Suivez-vous les blogs ou Auparfum ?
Oui… quand j’ai le temps ! Parfois les client viennent en disant « j’ai lu sur internet que… ».
Avez-vous un souvenir olfactif particulièrement marquant ?
En ce moment j’aime passer par l’Avenue Gabriel près de la Concorde pour sentir les platanes. C’est mon petit bonheur du moment.
Qu’est-ce que le parfum pour vous ?
Le parfum c’est l’émotion. C’est éphémère, intangible et personnel. En fait chez Sens Unique nous vendons l’air avec les émotions.
Propos recueillis par Clara Muller
—
Sens Unique
13 rue du Roi de Sicile
75004 Paris
Tous les jours de 13h à 21h
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par gabichou, le 2 août 2015 à 19:26
Très jolie boutique, avec un accueil parfait et une bien belle sélection de marques. J’aime beaucoup y passer lors de mes séjurs parisiens, j’y ai découvert (entre autres ...) les Majda Bekkali et les Phaedon.
par flofiori, le 2 août 2015 à 13:26
Bonjour à toute l’équipe et merci pour votre site.
Bon, je recommence... J’habite à Marseille maintenant, avant, j’habitais à Toulouse. Sans raconter ma vie, un matin de mi-juin 2011, traversant le pont de la Garonne à Toulouse, j’ai senti une odeur. Un parfum sublime. Je ne sais ce que c’était. Si quelqu’un peut m’aider et savoir si un parfum correspond...
Merci de tout cœur.
par Chanel de Lanvin, le 30 juillet 2015 à 23:50
Bonsoir,
un très bel article qui donne envie de découvrir l’univers du parfum de niche pour les personnes qui ne connaissent pas,et pour d’autres de se sentir < chez eux >,on parle d’un univers familier dans lequel une fois mis le nez,on en ressort pas,ce qui est mon cas.
De belles photos ( surtout le seconde pour la déco ) accompagnent le sujet.
Au passage je recommande Montale,qualité des matières et prix sont un duo gagnant.
Merci pour ce petit reportage.
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par Attar, le 3 août 2015 à 22:13
ce sont me parfums Préféré. Les Parfums Montales sont additif et surtout très persistant. Monsieur Montale n’a pas cédé au sirène des normes IFRA, ce qui fait que l’on peu encore sentir les parfums avec la même intensité qu’avant 2013.
J’en possède une Dizaine et je suis encore allé en acheter samedi.
L’acceuil y est des plus chaleureux et encore plus depuis qu’il ont réouvert leurs boutiques aux Champs Elysée rue Pierre Charron exactement.
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par lion68_ro, le 27 juin 2016 à 07:10
Bonjour,
Et merci pour ces commentaires - ils me font découvrir une marque inconnue pour moi... toujours utile !
Bien à vous !
par Beurk, le 20 juillet 2016 à 00:24
Oui d’ailleurs c’est moi ou est ce que entre l’époque de la fermeture de la boutique de la place Vendôme et aujourd’hui les prix ont doublé chez Montale ??
Autre question : en dehors des créations à base de oud qui n’est pas une note que j’affectionne y a t il des choses intéressantes ?
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par Attar, le 3 août 2015 à 22:17
Mouai, bof, si on ne s’y attarde pas, la boutique est bof....c’est sans plus....il ne m’ont pas laisser un souvenir impérissable.
Ils ont quelques petits trésors de parfums mais pour les Killian je préfère allez en stand ou en boutique maintenant.
En plus ils sont a deux pas de The Different Compagny. alors autant privilégier la qualité... ;)
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