Les Altertopies d’Aēsop, voyages aux limites du réel

par Jessica Mignot - Jeanne Doré, le 21 juillet 2021

Nouveau trio de la marque australienne, Miraceti, Karst et Erémia explorent le bateau, le rivage et la friche urbaine, des univers qui rencontrent les frontières de l’imagination.

Aēsop proposait jusqu’alors quatre eaux de parfums : Tacit, signé Céline Barel, Marrakech Intense, Hwyl et Rōzu, composés par Barnabé Fillion. C’est à ce dernier qu’a de nouveau fait appel la marque pour les trois créations de sa nouvelle collection, toujours mixte.
S’inspirant de l’exercice de penseurs et artistes comme Tarkovski, Bachelard et Melville, ces « altertopies » racontent « des environnements qui brouillent les frontières entre le passé et le présent, le réel et l’irréel, l’ici et l’ailleurs », qui relèvent à la fois de la raison et de l’imagination. Une métaphore de l’olfaction, expérience innée pourtant constamment métamorphosée par les souvenirs et les rêveries.

Miraceti est la transfiguration olfactive du bateau, un « hommage à la sérénité et à la brutalité de la mer, avec ses vagues ondulantes et enivrantes, son horizon oscillant et sa solitude aussi apaisante qu’aliénante ». Labdanum, accords d’encens et d’algues, ambrette et styrax évoquent tour à tour le bois flotté, la cave à whisky, la brise et la mer.

Miraceti - Aēsop

Karst dessine le rivage et « le va-et-vient de la marée », symbole d’un temps « à la fois continu et transitoire ». Épices fraîches et herbe se mêlent au cumin et au santal avec leurs « notes salées et métalliques du vent qui hurle sur l’eau ».

Karst - Aēsop

Erémia quant à lui imagine l’odeur d’une « friche urbaine », « lieu brumeux et verdoyant où les marques éphémères d‘une présence humaine sont peu à peu effacées par les caprices de la nature ». Galbanum, iris et yuzu se rencontrent pour un effet à la fois hespéridé et terreux.

Erémia - Aēsop

A l’occasion de ce lancement, Aēsop a collaboré avec l’artiste numérique Quayola, connu pour ses compositions algorithmiques inspirées des travaux de J. M. W. Turner et des impressionnistes. Une exposition sera organisée prochainement pour mettre en avant son travail « à l’intersection du visuel et de l’olfactif, du physique et du numérique, du réel et de l’imaginaire ».
Le flacon en verre brun de ces trois créations sera proposé dans une boîte cartonnée illustrée par Jack Coulter, peintre synesthète d’origine irlandaise.

Disponibles à partir du 30 août 2021
Eaux de Parfum, 160 euros/ 50 ml

Premières impressions

Voici une collection plutôt réussie, que l’on apprécie ou non toutes ses propositions, et qui constitue un vrai triptyque au propos affirmé et cohérent.
Karst est sans doute le plus attendu, explorant des facettes aqueuses salées, mais suffisamment twistées de notes épicées, boisées, herbales, résineuses et une surprenante note d’algue, pour créer une atmosphère de nature marine mystérieuse, presque mystique, en tout cas assez éloignée des hits du genre des années 1990.
Miraceti sera peut-être le plus polarisant, avec sa forte personnalité empreinte de notes animales, certes adoucies de touches vertes et fumées d’encens et de styrax, qui peuvent évoquer, dans ce décor de bateau imaginaire, aussi bien les effluves corporels d’un marin solitaire, buveur et fumeur que ceux, plus lointains, d’un bloc d’ambre gris voguant sur les flots.
Erémia est certainement mon préféré : un halo anisé se pare de notes de shiso épicées aux allures de cumin, évoluant sur des impressions de gomme-résine riche et verdoyante (le galbanum), enrobée d’une fine mais dense couche de poudre (l’iris) dans un jeu végétal et organique entre terre et sève.
Toujours un peu cher, mais au moins c’est réussi.
J.D.